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LETTRE

ADRESSÉE

A M. DELEGORGUE DE RONY,

PAR LÉON DE CHANLAIRE.

LETTRE

ADRESSÉE

A M. DELEGORGUE DE RONY,

PAR LÉON DE CHANLAIRE.

MONSIEUR,

Porté à la députation par un collége dont je fais partie, vous devenez mon mandataire, et c'est à ce titre seul que je me permets de vous adresser quelques observations sur le nom que vous portez aujourd'hui, et qui ne me semble pas, ainsi qu'à bien d'autres, exactement le vôtre.

Compagnon, jadis, l'ami même, j'ose le dire, de votre enfance, j'ai été plus que personne à même de vous connaître ; et des relations d'intérêt qui existaient entre votre famille et la mienne, m'ont mis à portée d'avoir fréquemment sous les yeux des contrats et des signatures, où monsieur votre père, votre famille et vous, sans doute, avez figuré plus d'une fois.

Si vous attribuiez, Monsieur, mes observations à la contrariété de vous voir figurer à la Chambre, préféra, blement à votre concurrent, vous vous tromperiez étran– gement; car si j'avais tenu le moins du monde à vous

écarter de cette honorable fouction, j'aurais été voter contre vous : j'en avais le droit, vous le savez très bien, et vous savez aussi parfaitement que je n'en ai rien fait.

Je pourrais ici me dispenser de vous en donner la raison. Mou libre arbitre suffirait seul; mais dans toutes circonstances, ma volonté ne se détermine que sur des considérations mûrement réfléchies: et si je me suis abstenu de voter pour ou contre vous, c'est qu'il me paraissait totalement indifférent au bonheur de l'état, que vous ou votre candidat l'emportât dans la lutte électorale qui n'était ouverte qu'entre vous deux, puisque tous deux on vous dit animés de l'amour du bien public. Revenons à l'objet de ma lettre : peut-être n'avez-vous pas oublié que feu mon père acheta autrefois un champ qui était grevé d'une rente annuelle de deux pots et demi de beurre et de treize livres dix sous tournois envers votre famille ; que feu mon père fut chargé de cette rente, jusqu'au mo ment où il jugea à propos de s'en débarrasser en la remboursant.

Vous n'ignorez pas non plus, sans doute, que le dossier assez volumineux de cette rente porte votre nom, exactement tel qu'il est écrit sur votre acte de baptême, tel que monsieur votre père le signa toujours, c'est-à-dire Delegorgue de Rony.

Vous n'ignorez pas non plus, Monsieur, que nommé à la mairie de Boulogne, en 1815, place que, par parenthèse, vous ne pouviez pas légalement occuper, n'ayant pas dans la ville le domicile que veut la loi, vous avez,

à cette époque, changé tout à coup votre nom de Rony, nom qui certainement en valait bien un autre par la considération que votre respectable famille avait su s'acquérir, en celui de ROSNY, qui n'était, jusqu'alors, celui de personne dans le Boulonnais; et que ce travestissement à vue, si je puis m'exprimer ainsi, fut opéré sans remplir la formalité prescrite par les articles 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du titre 3 du Code qui nous régit.

Vous n'avez pas oublié non plus, Monsieur, que vous avez signé de ce nom, pour ainsi dire nouvellement improvisé, tous les actes administratifs de votre mairie, et dans ce nombre, plusieurs qui me concernaient. Or, je me trouve, par suite de ce changement subit de nom, dans un véritable embarras que je vais vous communiquer.

Si votre véritable nom, votre nom légal est Rony, tel que vous l'aviez toujours signé, mes quittances de pot de beurre sont bonnes; mais les actes administratifs qui me concernent étant signés Rosny, sont-ils suffisamment légaux ?

Si au contraire, Monsieur, votre nom réel est Rosny, vos actes administratifs sont bien légalement signés ; mais alors mes quittances de pot de beurre.... Sont-elles bien légales ?....

Aujourd'hui, Monsieur, qu'après avoir échoué plusieurs fois dans les luttes électorales précédentes, vous vous trouvez enfin porté sur un plus grand théâtre; que vous êtes enfin appelé, grâces à la fois au Ciel, à l'active coo

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