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GAZETTE

DU VILLAGE.

GAZETTE

DU VILLAGE.

CE journal n'est ni littéraire, ni scientifique, mais rus-tique. A ce titre il doit intéresser tous ceux que la terre fait vivre, ceux qui mangent du pain, soit avec un peu d'ail, soit avec d'autres mets moins simples. Les rédacteurs sont gens connus, demeurant la plupart entre le pont Clouet et le chêne fendu, laboureurs, vignerons, bûcherons, scieurs de long et botteleurs de foin, dont les opinions, les principes n'ont jamais varié, incapables de feindre ou d'avoir d'autres vues que leur propre intérêt, qui, comme chacun sait, est celui de l'état; tranquilles sur le reste, et croyant qu'eux repus, tout le monde a diné. Paul-Louis, quelque peu clerc, écoute leurs récits, recueille leurs propos, sentences, dits notables, qu'il couche par écrit, et en fait ces articles, sans y mettre du sien, sans y rien sous-entendre. Il ne faut point chercher ici tant de finesse. Nous nommons par leur nom les choses et les gens. Quand nous disons un chou, des citrouilles, un concombre, ce n'est point de la cour ni des grands que nous parlons. Si gros Pierre bat sa femme, nous n'irons pas écrire Le bruit courait hier que M. de

G... P... ; ou dans certains salons on se dit à l'oreille... Nous contons bonnement comme on conte chez nous, et plaignons l'embarras de nos pauvres confrères, ayant à satisfaire à-la-fois les lecteurs qui demandent du vrai, et le gouvernement qui prétend que nulle vérité n'est bonne à dire.

M. le maire a entendu la messe dans sa tribune. Après le service divin, M. le maire a travaillé dans son cabinet avec M. le brigadier de la gendarmerie; ensuite de quoi ces messieurs ont expédié leur messager, dit le Bossu, avec un paquet pour M. le préfet, en main propre. Nous savons cela de bonne part; et que le porteur doit revenir avec la réponse ou le reçu: même on l'a vu passer près de la Ville-aux-Dames, où il a bu un coup. Quant au contenu de la dépêche, rien n'a transpiré. On soupçonne qu'il s'agit de quelques mauvais sujets qui veulent danser le dimanche et travailler le jour de Saint-Gilles.

Madame, femme de M. le maire, est accouchée d'un gentilhomme, au son des cloches de la paroisse.

-Les rossignols chantent, et l'hirondelle arrive. Voilà la nouvelle des champs. Après un rude hiver et trois mois de fâcheux temps, pendant lesquels on n'a pu faire charrois ni labours, l'année s'ouvre enfin, les travaux reprennent leurs cours.

-Charles Avenet est en prison pour avoir parlé aux soldats. Revenant hier de Sainte-Maure, il rencontra quelques soldats et les mena au cabaret. Ils furent bientôt bons amis. Avenet a servi long-temps. Il est membre,

non chevalier de la légion-d'honneur. En buvant bouteille : Camarades, leur dit-il, qu'il ne vous déplaise, où allez-vous le sac au dos? A l'armée, dirent ces jeunes gens. Fort bien, et demandant une seconde bouteille : qu'allez-vous faire? Eh, mais, la guerre apparemment. Fort bien, répond Avenet. A la troisième bouteille : Çà, dites-moi, pour qui allez-vous faire la guerre? Ils se mirent à rire. On parla des affaires. Deux gendarmes étaient là, qui connaissant Avenet, l'appellent et lui disent: Vat'en. Il les crut, s'en alla, les gendarmes aussi. Mais il revint bientôt, rejoignit ses convives, et reprit son propos. Alors on l'arrêta. C'étaient d'autres gendarmes. On l'a mis au cachot. Le cas est grave. Il a dit ce qui se dit entre soldats après trois bouteilles bues.

-Les vaches ne se vendent point. Les filles étaient chères à l'assemblée de Véretz, les garçons hors de prix. On n'en saurait avoir. Tous et toutes se marient à cause de la conscription. Deux cents francs un garçon ! sans le denier à Dieu, sabots, blouse et chapeau pour la première année. Une fille vingt-cinq écus. La petite Madelon les refuse de Jean Bedout, encore ne sait-elle ni boulanger ni traire.

-

On voit dans nos campagnes des gens qui ne gagnant rien, dépensent gros, étrangers, inconnus. L'un marchand d'allumettes, l'autre venu pour vendre un cheval qui vaut vingt francs, s'établissent à l'auberge et mangent dix francs par jour. Ils font des connaissances, jouent et paient à boire les dimanches, les jours de fête

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