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Serons-nous capucins, ne le serons-nous pas? Voilà aujourd'hui la question. Nous disions hier: Serons-nous les maîtres du monde?

Ce matin me promenant dans le Palais Royal, M..11...rd passe, et me dit : Prends garde, Paul-Louis, prendsgarde; les cagots te feront assassiner. Quelle garde veuxtu, lui dis-je, que je prenne? Ils ont fait tuer des rois ; ils ont manqué frère Paul, l'autre Paul, à Venise, Fra Paoolo Sarpi. Mais il l'échappa belle.

- Fabvier me disait un jour : Vos phraseurs gâtent tout: voulant être applaudis, ils mettent leur esprit à la place du bon sens que le peuple entendraient. Le peuple n'entend point la pompeuse éloquence, les longs raisonnements. Il vous paraît, lui dis-je, aisé de faire un discours pour le peuple; vous croyez le bon sens une chose commune et facile à bien exprimer.

Le vicomte de Foucault nous parle de sa race. Ses ancêtres, dit-il, commandaient à la guerre. Il cite leurs batailles et leurs actions d'éclat. Mais la postérité ďAlphane et de Bayard, quand ce n'est qu'un gendarme aux ordres d'un préfet, ma foi, c'est peu de chose. Le vicomte de Foucault ne gagne point de batailles ; il empoigne les gens. Ces nobles ne pouvant être valets de cour, se font archers ou geôliers. Tous les gardes-du-corps veulent être gendarmes.

- Les Mémoires de madame Campan méritent peu de confiance. Faits pour la cour de Bonaparte, qui avait besoin de leçons, ils ont été revus depuis par des personnes

intéressées à les altérer. L'auteur voit tout dans l'étiquette, et attribue le renversement de la monarchie à l'oubli du cérémonial. Bien des gens sont de cet avis. Henri III fonda l'étiquette, et cependant fut assassiné. On négligea quelque chose apparemment ce jour-là. L'étiquette rend les rois esclaves de la cour.

Dans ces mémoires il est dit qu'une fille de garde-robe, sous madame Campan femme de chambre, avait dix-huit mille francs de traitement, c'est trente-six mille aujourd'hui. Aussi tout le monde voulait être de la garde-robe. Que de gens encore passent la vie à espérer de tels emplois! Montaigne quelque part se moque de ceux qui, de son temps s'adonnaient à l'agriculture, et à ce qu'il appelle ménage domestique. Allez, disait-il, chez les rois, si vous voulez vous enrichir. Et Démosthènes : Les rois, dit-il, font l'homme riche en un mot, et d'un seul mot; chez vous, Athéniens, cela ne se peut et il faut travailler ou hériter. Qu'on mette à Genève un roi avec un gros budget, chacun quittera l'horlogerie pour la garde-robe ; et, comme les valets du prince ont des valets, qui euxmêmes en ont d'autres, un peuple se fait laquais. De là l'oisiveté, la bassesse, tous les vices, et une charmante société.

Madame Campan fait de la reine un modèle de toute vertu; mais elle en parlait autrement, et l'on voit dans O'Meara ce qu'elle en disait à Bonaparte; comme, par exemple, que la reine avait un homme dans son lit, la nuit du 5 au 6 octobre; et que cet homme, en se sauvant,

perdit ses chausses qui furent trouvées par elle, madame Campan. Cette histoire est un peu suspecte. M. de la Fayette ne la croit point. Bonaparte a menti, ou madame Campan.

Elle écrit mal, et ne vaut pas madame de Motteville, qui était aussi femme de chambre. Madame du Hausset, autre femme de chambre, va paraître. On iraprime ses Mémoires très-curieux. Ce sont là les vrais historiens de la monarchie légitime.

Quelqu'un montre une lettre de M.Arguelles où sont ces propres mots : Votre roi nous menace; il veut nous envoyer un prince et cent mille hommes pour régler nos affaires selon le droit divin. Voici notre réponse : Qu'il exécute la Charte, ou nous lui enverrons Mina et dix mille hommes avec le drapeau tricolore; qu'il chasse ses émigrés et ses vils courtisans, parce que nous craignons la contagion morale.

Horace va faire un tableau de la scène de Manuel. Mais quel moment choisira-t-il ? Celui où Foucault dit : Empoignez le député;—ou bien quand le sergent refuse? J'aimerais mieux ceci. Car, outre que le mot empoignez ne se peut peindre (grand dommage sans doute), il y aurait là deux ignobles personnages, Foucault et le président, qui, à dire vrai, n'y était pas, mais auquel on penserait toujours. Dans cette composition, l'odieux dominerait, et cela ne saurait plaire, quoiqu'en dise Boileau. L'instant du refus, au contraire, offre deux caractères nobles, Manuel et le sergent qui tous deux intéressent,

non pas au même degré, mais de la même manière et par le plus bel acte dont l'homme soit capable, résister au pouvoir. De pareils traits sont rares; il faut les recueillir et les représenter, les recommander au peuple. D'autre part, on peut dire aussi que Manuel, Foucault, ses gendarmes donneraient beaucoup à penser: et le président derrière la toile; car il est des objets que l'art judicieux......... La constance de Manuel et la bassesse des autres formeraient un contraste; ceux-ci servant des maîtres et calculant d'avance le profit, la récompense toujours proportionnée à l'infamie de l'action; celui-là se proposant l'approbation publique et la gloire à venir.

-Les fournisseurs de l'armée sont tous bons gentilshommes et des premières familles. Il faut faire des preuves pour entrer dans la viande ou dans la partie des souliers. Les femines y ont de gros intérêts; les maîtresses, les amants partagent; comtesses, duchesses, barons, marquis, on leur fait à tous bon marché des subsistances du soldat. La noblesse autrefois se ruinait à la guerre, maintenant s'enrichit et spécule très-bien sur la fidélité. Les bateaux venus de Strasbourg à Bayonne par le roulage coûteront de port cent mille francs et seront trois mois en chemin. Construits en un mois à Bayonne, ils eussent coûté quarante mille francs. Les munitions qu'on expédie de Brest à Bayonne, par terre, iraient par mer sans aucuns frais. Mais il y a une compagnie des transports par terre, dans laquelle des gens de la cour sont intéressés, et l'on préfère ce moyen. Il faut relever d'an

ciennes familles qui relèveront la monarchie si elle culbute en Espagne.

Les parvenus imitent les gens de bonne maison. Victor, sa femme, son fils, prennent argent de toutes mains. On parle de pots-de-vins de cinquante mille écus. Tout s'adjuge à huis-clos et sans publication. Ainsi se prépare une campagne à la manière de l'ancien régime. Cependant Marcellus danse avec miss Canning.

La guerre va se faire enfin malgré tout le monde. Madame ne la veut pas. Madame du Cayla y paraît fort contraire. Mademoiselle ayant consulté sa poupée, se déclare pour la paix, ainsi que la nourrice et toutes les remueuses de Monseigneur le duc de Bordeaux. Personne ne veut la guerre. Mais voici le temps de Pâques, et tous les confesseurs refusent l'absolution si on ne fait la guerre; elle se fera donc.

Le duc de Guiche l'autre jour disait dans un salon, montrant le confesseur de Monsieur et d'autres prêtres : Ces cagots nous perdront.

On me propose cent contre un que nos jésuites ne feront pas la conquête de l'Espagne, et je suis tenté de tenir. Sous Bonaparte, je proposai cent contre un qu'il ferait la conquête de l'Espagne : personne ne tint; j'aurais perdu; peut-être cette fois gagnerai-je.

-Mille contes plaisants du héros pacificateur, pointes, calembourgs de toutes parts. Il crève les chevaux sur la route de Bayonne, fait, dit-on quatre lieues à l'heure, va plus vite que Bonaparte, mais n'arrive pas sitôt, parce

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