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a&is se passent avec tant de tranquillitéܚ ܕ ܝ

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pings comme chez eux, sans meurtres

Italie, sans ivres-morts comme en Allemagne. Caple est sage, quoiqu'en disent les notes secrètes. availlons trop pour avoir temps de penser à mal, si est vrai ce mot ancien, que tout vice naît d'oisiveté, ous devons être exempts de vice, occupés comme nous le sommes six jours de la semaine, sans relâche, et bonne part du septième, chose que blâment quelques-uns. Ils ont raison, et je voudrais que ce jour-là toute besogne cessât; il faudrait, dimanches et fêtes, par tous les villages, s'exercer au tir, au maniement des armes, penser aux puissances étrangères qui pensent à nous tous les jours. Ainsi font les Suisses nos voisins, et ainsi devrionsnous faire, pour être gens à nous défendre en cas de noise avec les forts. Car de se fier au ciel et à notre innocence, il vaut bien mieux apprendre la charge en douze temps, et savoir au besoin ajuster un cosaque. Je l'ai dit et le redis; labourer, semer à temps, être aux champs dés le matin, ce n'est pas tout il faut s'assurer la récolte. Aligne tes plants, mon ami, tu provigneras l'an qui vient, et quelque jour, Dieu aidant, tu feras du bon vin. Mais qui le boira? Rostopschin, si tu ne te tiens prêt à le lui disputer. Vous, Messieurs, songez-y, pendant qu'il en est temps; avisez entre vous s'il ne conviendrait pas, vu les circonstances présentes ou imminentes, de vaquer le saint jour du dimanche, sans préjudice de la messe, à des exercices qu'approuve le Dieu des armées, tels que

le pas de charge et les feux de bataillon. Ainsi pourrions. nous employer, avec très-grand profit pour l'état, et pour nous, des moments perdus à la danse.

Nos dévots toutefois l'entendent autrement. Ils voudraient que, ce jour-là, on ne fit rien du tout que prier et dire ses heures. C'est la meilleure chose et la seule nécessaire, l'affaire du salut. Mais le percepteur est là; il faut payer et travailler pour ceux qui ne travaillent point. Et combien pensez-vous qu'ils soient à notre charge, enfants, vieillards, mendiants, moines, laquais, courtisans, que de gens à entretenir, et magnifiquement la plupart! Puis, la splendeur du trône, et puis, la SainteAlliance; que de coûts, quelles dépenses! et pour y satisfaire, a-t-on trop de tout son temps? Vous le savez, d'ailleurs, et le voyez, Messieurs, ceux qui haïssent tant le travail du dimanche veulent des traitements, envoient des garnissaires, augmentent le budget. Nous devons chaque année, selon eux, payer plus et travailler moins.

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Mais quoi? la lettre tue et l'esprit vivifie. Quand l'église a fait ce commandement de s'abstenir à certains jours de toute œuvre servile il y avait des serfs alors liés à la glèbe; pour eux, en leur faveur, le repos fut prescrit; alors il n'était saint que la gent corvéable ne chômât volontiers; le maître seul y perdait, obligé de les nourrir, qui, sans cela, les eût accablés de travail, le précepte fut sage et la loi salutaire, dans ces temps d'opression, Mais depuis qu'il n'y a plus ni fief, ni haubert; qu'affranchis, peu s'en faut, de l'antique servitude, nous travaillons

pour nous quand l'impôt est payé, nous ne saurions chômer qu'à nos propres dépens, nous y contraindre, c'est... c'est pis que le budget, car le budget du moins profite aux courtisans, mais notre oisiveté ne profite à personne. Le travail qu'on nous défend, ce qu'on nous empêche de faire, le vivre et le vêtement qu'on nous ôte par-là, ne produisent point de pensions, de grâces, de traitements, c'est nous nuire en pure perte.

Les Anglais en voyant nos fêtes, montrent tous la même surprise, font tous la même réflexion; mais, parmi eux, il y en a qu'elles étonnent davantage, ce sont les plus âgés, qui, venus en France autrefois, ont quelque mémoire de ce qu'était la vieille Touraine et le peuple des bons seigneurs. De fait, il m'en souvient: jeune alors, j'ai vu avant cette grande époque où, soldat volontaire de la révolution, j'abandonnai des lieux si chers à mon enfance, j'ai vu les paysans affamés, déguenillés, tendre la main aux portes et partout sur les chemins, aux avenues des villes, des couvents, des châteaux, où leur inévitable aspect était le tourment de ceux-là même, que la prospérité commune indigne, désole aujourd'hui. La mendicité renaît, je le sais, et va faire, si ce qu'on dit est vrai, de merveilleux progrès; mais n'atteindra de long-temps ce degré de misère. Les récits que j'en ferais seraient faibles pour ceux qui l'ont vue comme moi, aux autres sembleraient inventés à plaisir; écoutez un témoin, un homme du grand siècle, observateur exact et désintéressé ; son dire ne peut être suspect: c'est Labruyère.

des

<< On voit, dit-il, certains animaux farouches, » måles et des femelles, répandus dans la campagne, >> noirs, livides, nuds, et tout brûlés du soleil, attachés » à la terre qu'ils fouillent et remuent avec une opiniâ>> treté invincible. Ils ont comme une voix articulée, et » quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une >> face humaine; et en effet ils sont des hommes, ils se » retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain » noir, d'eau et de racines. Ils épargnent aux autres >> hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir » pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce >> pain qu'ils ont semé. »

Voilà ses propres mots; il parle des heureux, de ceux qui avaient du pain, du travail, et c'était le petit nombre alors.

Si Labruyère pouvait revenir, comine on revenait autrefois, et se trouver à nos assemblées, il y verrait non seulement des faces humaines, mais des visages de feinmes et de filles plus belles, surtout plus modestes que celles de sa cour tant vantée, mises de meilleur goût sans contredit, parées avec plus de grâce, de décence; dansant mieux, parlant la même langue (chose particulière au pays), mais d'une voix si joliment, si doucement articulée, qu'il en serait content, je crois. Il les verrait le soir se retirer, non dans des tanières, mais dans leurs maisons proprement bâties et meublées. Cherchant alors ces animaux dont il a fait la description, il ne les trouverait nulle part et sans doute bénirait la cause,

qu'elle quelle soit, d'un si grand, si heureux change

ment.

Les fêtes d'Azai étaient célèbres, entre toutes celles de nos villages, attiraient un concours de monde des champs, des communes d'alentour. En effet, depuis que les garçons, dans ce pays, font danser les filles, c'est-à-dire depuis le temps que nous commençâmes d'être à nous, paysans des rives du Cher, la place d'Azai fut toujours notre rendez-vous de préférence pour la danse et pour les affaires. Nous y dansions comme avaient fait nos pères et nos mères, sans que jamais aucun scandale, aucune plainte en fût avenue, de mémoire d'homme, et ne pensions guères, sages comme nous sommes, ne causant aucun trouble, devoir être troublés dans l'exercice de ce droit antique, légitime, acquis et consacré par un si long usage, fondé sur les premières lois de la raison et du bon sens; car apparemment, c'est chez soi qu'on a droit de danser, et où le public sera-t-il, sinon sur la place publique? on nous en chasse néanmoins; un firman du préfet, qu'il appelle arrêté, naguère publié, proclamé au son du tambour, Considérant, etc., défend de danser à l'avenir, ni jouer à la boule ou aux quilles, sur ladite place, et ce, sous peine de punition. Où dansera-t-on ? nulle part; il ne faut point danser du tout ; cela n'est pas dit clairement dans l'arrêté de M. le préfet, mais c'est un article secret entre lui et d'autres puissances, comme il a bien paru de-puis. On nous signifia cette défense, quelques jours avant notre fête, notre assemblée de la Saint-Jean.

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