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qu'ils échappent souvent au procureur du roi. Il faut leur appliquer, d'une manière frappante, la loi (style de Broë). La liberté d'écrire jouit de tous ses droits; elle est libre (Broë tout pur), bien qu'elle aille en prison quelquefois. Elle enjambe sur la licence (Broë! Broë!) par l'excessive indulgence des magistrats.,

On avait d'abord essayé, dans le premier réquisitoire, d'accuser l'auteur de cet écrit d'offense à la personne du roi. On y a renoncé par réflexion.

Vient enfin l'examen des passages inculpés, dont le premier est celui-ci :

<< Car la cour donne tout au prince, comme les prê» tres tout à Dieu, et ces domaines, ces apanages, » ces listes civiles, ces budgets ne sont guères autre»ment pour le roi que le revenu des abbayes n'est pour » Jésus-Christ. Achetez, donnez Chambord, c'est la » cour qui le mangera, le prince n'en sera ni pis ni » mieux. »

Les prêtres tout à Dieu! Ah? oui, demandez aux pauvres. Tirade d'éloquence. Les abbayes! Oh! non. Il n'y a plus d'abbayes. Tirade de haut style sur la révolution. De morale, pas un mot, ni des phrases inculpées. Le second passage est celui-ci :

<< Mais à Chambord, qu'apprendra-t-il? Ce que peu>> vent enseigner et Chambord et la cour. Là, tout est >> plein de ses aïeux. Pour cela précisément je ne l'y >> trouve pas bien ; et j'aimerais mieux qu'il vécût avec » nous qu'avec ses ancêtres.....»

Maître de Broë n'examine point non plus ce passage, ni ce qu'il peut avoir de contraire à la morale. Il le cite et le laisse là, sans autrement s'en occuper. Mais, dit-il, ensuite de ces phrases, il y en a d'autres horribles. 11 ne les lira pas, parce qu'il n'en est point parlé dans l'acte d'accusation. Cependant elles sont horribles. Beau mouvement d'éloquence à propos de ces phrases, dont il n'est pas question et qu'on n'accuse pas. L'auteur, dit maître Jean, représente nos rois, ou du moins quelques-uns, comme ayant mal vécu et donné en leur temps de fort mauvais exemples. Il les peint corrompus, dissolus, pleins de vices, et condamne leurs déportements sans avoir égard aux convenances. Les tableaux qu'il en fait (non de sa fantaisie, mais d'après les histoires) sont scandaleux d'abord, et en outre immoraux, licencieux, déshonnétes. Le scandale abonde de nos jours, et la brochure y ajoute encore, mettant les vieux scandales à côté des nouveaux. Chapitre le plus long de tous et le meilleur par conséquent, sur la différence qu'il y a de l'historien au pamphlétaire, qu'il appelle aussi libelliste. L'un peut dire la vérité, parce qu'il fait de gros volumes qu'on ne lit pas. L'autre ne doit pas dire vrai, parce qu'on le lit en petit volume. L'auteur de la brochure va vous conter qu'il a copié les historiens, mensonge, Messieurs, mensonge odieux, aussi dangereux que coupable. Car l'histoire n'est pas toute dans sa brochure. Il devait copier tout ou rien. Il montre le laid, cache le beau. Louis eut des bâtards, mensonge. Car ce n'est pas le beau de son histoire. Il y

avait bien d'autres choses à vous dire de Louis-le-Grand. Ne les pas dire toutes, selon maître de Broë, c'est mentir, et de plus, insulter la nation. Qui ne sent, dit-il ? qui ne sent... Il croit que tout le monde sent cela. Vengez, Messieurs, vengez la nation, la morale.

Outre les historiens, Paul-Louis cite les pères et les prédicateurs, morts il y a long-temps; maître de Broë lui répond par une autorité vivante; c'est celle de Monseigneur le garde-des-sceaux actuel, dont il rapporte (en s'inclinant) les propres paroles extraites d'un de ses discours, page 40, sans songer que peut-être ailleurs Monseigneur a dit le contraire.

Et puis l'Écriture et les pères et les sermons de Massillon appartiennent aux honnêtes gens. Les écrivains ne doivent pas s'en servir pour se justifier. Développement de cette proposition appliquée à l'auteur d'un roman condamné, qui osa dernièrement alléguer l'Evangile.

Nota. Que cet épisode sur les horribles phrases dont on ne parle pas, occupe deux colonnes entières du Moniteur. Troisième passage.

<< Sachez qu'il n'y a pas en France une seule famille >> noble, mais je dis noble de race et d'antique origine, » qui ne doive sa fortune aux femmes; vous m'entendez. >> Les femmes ont fait les grandes maisons; ce n'est pas, » comme vous croyez bien, en cousant les chemises de » leurs époux, ni en allaitant leurs enfants. Ce que nous >> appelons, nous autres, honnête femme, mère de fa>> mille, à quoi nous attachons tant de prix, trésor pour

>> nous, serait la ruine du courtisan. Que voudriez-vous » qu'il fit d'une dame honesta, sans amant, sans intri– » gue, qui, sous prétexte de vertu, claquemurée dans » son ménage, s'attacherait à son mari? Le pauvre homme » verrait pleuvoir les grâces autour de lui, et n'attrape>> rait jamais rien. De la fortune des familles nobles, il » en paraît bien d'autres causes, telles que le pillage, >> les concussions, l'assassinat, les proscriptions, et sur>> tout les confiscations. Mais qu'on y regarde, et on » verra qu'aucun de ces moyens n'eût pu être mis en » œuvre sans la faveur d'un grand, obtenue par quelque » femme; car, pour piller, il faut avoir commandements, >> gouvernements, qui ne s'obtiennent que par les fem» mes; et ce n'était pas tout d'assassiner Jacques Coeur » ou le maréchal d'Ancre, il fallait, pour avoir leurs » biens, le bon plaisir, l'agrément du roi, c'est-à-dire >> des femmes qui gouvernaient alors le roi ou son mi»nistre. Les dépouilles des huguenots, des frondeurs, » des traitants, autres faveurs, bienfaits qui coulaient, » se répandaient par les mêmes canaux aussi purs que » la source. Bref, comme il n'est, ne fut, ni ne sera » jamais, pour nous autres vilains, qu'un moyen de for» tune, c'est le travail; pour la noblesse non plus il n'y » en a qu'un, et c'est........, c'est la prostitution, puis» qu'il faut, mes amis, l'appeler par son nom. » Quatrième exorde pour fixer encore le terrain. La charte fait des nobles qui descendent de leurs pères, et d'autres nobles qui ne descendent de personne,

et

puis de grands magistrats qui sont nobles aussi. Longue dissertation à la fin de laquelle il déclare qu'il ne s'agit pas de la noblesse, qu'il ne la défend pas.

Mais l'auteur outrage une classe, une généralité d'individus. Il offense la morale évidemment. L'honneur de certaines familles fait partie de la morale, et l'auteur blesse ces familles, quand il répète mot å mot ce que l'histoire en dit, et qui est imprimé partout. Il blesse la morale; et le pis c'est qu'il empêche toutes les autres familles d'imiter celles-là, de vivre noblement. Réprimez, Messieurs, réprimez. Oui, punissons, punissons. Ne souffrons pas, ne permettons pas, etc.

Maître Jean, qui appelle toujours l'auteur de la brochure libelliste, et l'associe dans sa réplique, aux écrivains les plus déshonorés en ce genre, ajoute que c'est l'avidité qui a fait écrire Paul-Louis, qu'il écrit par spéculation, qu'il est fabricant et marchand de libelles diffamatoires; et quand il disait cela, maître Jean de Broë venait de lire à haute voix une déclaration de l'imprimeur Bobée portant que jamais Paul-Louis n'a tiré nulle rétribution des ouvrages par lui publiés. N'importe, c'est un compte à régler du libelliste à l'imprimeur. Et quoi? maître Jean selon vous, rien ne se fait gratis au monde, rien par amour? tout est payé ? Je vous crois, même les réquisitoires, même le zèle et le dévouement.

Quatrième passage inculpé :

« O vous législateurs nommés par les préfets, pré>> venez ce malheur (celui du morcellement des grandes

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