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des ouvrages qui devaient composer son portefeuille, les uns une Histoire des Mathématiques, les autres des traductions, ceux-ci des Mémoires, ceux-là une Correspondance des Brutus de la révolution francaise. De tout cela, nous publions aujourd'hui ce qui s'est trouvé, et voici comment il faut l'expliquer. Courier avait fait des études immenses; et tout ce qu'il annonçait, il était préparé à l'exécuter sur-le-champ, en sorte qu'il parlait, comme de choses faites, des travaux qui lui étaient si faciles. Pour ne parler ici que de ses traductions de Plutarque et d'Hérodote, il avait recueilli depuis long-temps tous les matériaux de ce travail, compulsé les différentes éditions, collationné les leçons diverses, et fait son choix ; mais il n'en avait écrit que ce qui s'en trouve imprimé dans les éditions qu'on a données clandestinement d'une partie de ses œuvres, et ce que nous imprimons aujourd'hui. En sorte que ces immenses trésors qu'il possédait, et que lui seul pouvait communiquer au public, lui mort, sont aujourd'hui sans valeur et comme anéantis.

Quant à la Correspondance des Brutus, on croit savoir qu'il comptait écrire ses Mémoires, et y faire figurer sous cette forme tous ceux avec lesquels les événements de la révolution l'avaient mis en rapport. En se rappelant l'expression fidèle de l'enthousiasme de ces républicains devenus courtisans la plupart, il se plaisait à l'idée de troubler les jouis

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sances de leur servilité par les révélations de leur antique ferveur; et il faut regarder comme la menace d'un honnête homme indigné l'annonce qu'il faisait de la publication de leur ancienne correspondance dont il avait souvenir, mais qu'il ne possédait plus. Qu'ils soient tranquilles maintenant!

POLITIQUES

ET OPUSCULES LITTÉRAIRES.

AVERTISSEMENT

SUR LA LETTRE A M. RENOUARD.

POUR l'intelligence de ce qui suit, il faut premièrement savoir que Paul-Louis, auteur de cette lettre, ayant découvert à Florence, chez les moines du mont Cassin, un manuscrit complet des Pastorales de Longus, jusque-là mutilées dans tous les imprimés, se préparait à publier le texte grec et une traduction de ce joli ouvrage, quand il reçut la permission de dédier le tout à la princesse : ainsi appelait-on en Toscane la sœur de Bonaparte, Élisa. Cette permission, annoncée par le préfet même de Florence, et devant beaucoup de gens, à Paul-Louis, le surprit. Il ne s'attendait à rien moins, et refusa d'en profiter, disant pour raison que le public se moquait toujours de ces dédi

caces; mais l'excuse parut frivole: le public, en ce temps-là, n'était rien, et Paul-Louis passa pour un homme peu dévoué à la dynastie qui devait remplir tous les trônes. Le voilà noté philosophe, indépendant, ou pis encore, et mis hors de la protection du gouvernement. Aussitôt on l'attaque; les gazettes le dénoncent comme philosophe d'abord, puis comme voleur de grec. Un signor Puccini, chambellan italien de l'auguste Élisa, quelque peu clerc, écrit en France, en Allemagne; cette vertueuse princesse elle-même mande à Paris qu'un homme, ayant trouvé par hasard, déterré un morceau de grec précieux, s'en était emparé pour le vendre aux Anglais. Cela voulait dire qu'il fallait fusiller l'homme et confisquer son grec, s'il y eût eu moyen; car déjà les savants étaient en possession du morceau déterré qui complétait Longus, de ce nouveau fragment en effet très-précieux, imprimé, distribué gratis avec la version de Paul-Louis.

Un autre Florentin, un professeur de grec appelé Furia, fort ignorant en grec et en toute langue, fàché de l'espèce de bruit que faisait cette découverte parmi les lettrés d'Italie, met la main à la plume, comme feu Janotus, et compose une brochure. Les brochures étaient rares sous le grand Napoléon : celle-ci fut lue delà les monts, et même parvint à Paris. M. Renouard, libraire, accusé dans ce pamphlet de s'entendre avec Paul-Louis, pour dérober du grec aux moines, répondit seul; Paul-Louis pensait à autre chose.

Il parut aussi des estampes, dont une le représentait dans une bibliothèque, versant toute l'encre de son cornet sur un livre ouvert, et ce livre c'était le manuscrit de Longus. Car il y avait fait en le copiant, comme il est expliqué dans l'écrit qu'on va lire, une tache, unique prétexte de la persécution et de tant de clameurs élevées contre lui. On criait qu'il avait voulu détruire le texte original, afin de posséder seul Longus. Une Excellence à porte-feuille trouve ce raisonnement admirable, et, sans en demander davantage, ordonne de saisir le grec et le français publiés par Paul-Louis à Rome et à Florence; et ce fut une chose plaisante; car, de peur qu'il n'eût seul ce qu'il donnait à tout le monde, le vizir de la librairie, ne sachant ce que c'était que grec ni manuscrits, connaissant aussi peu Longus que son traducteur, d'abord avait écrit de suspendre la vente de l'œuvre, quelle qu'elle fit; puis apprenant qu'on ne vendait pas, mais qu'on donnait ce grec et ce français au petit nombre d'érudits amateurs de ces antiquités, il fit séquestrer tout, pour empêcher Paul-Louis de se l'approprier. Celui-ci ne s'en émut guère, et laissait sa Chloé dans les mains de la police, fort résolu à ne jamais faire nulle démarche pour l'en tirer; mais à la fin, il eut avis qu'on allait le saisir lui-même et l'arrêter. Cela le rendit attentif, et il commençait à rêver aux moyens de sortir d'affaire, quand il fut mandé chez le préfet de Rome, où il était alors, pour donner des éclaircissements

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