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tué, et vous voyez ce qui s'ensuivait, puisque sa parole fait foi, sans qu'il soit tenu de rien prouver.

Mais moi, je ne m'en crois pas quitte: ce qu'il n'a pas fait, il le fera. Déjà il répand le bruit que je l'ai menacé. Déjà il l'a écrit de sa main, sur le registre de la commune. Bien plus, il l'a fait publier au prône de la paroisse. Oui, Messieurs, au prône, un dimanche, par la voix du curé en chaire, tout le monde a été informé que Blondeau menaçait M. le maire. Cela vous étonne, Messieurs. C'est que vous connaissez les lois: mais moi, je connais M. le maire, et je sais qu'un mois de prison, mes travaux d'une année perdus, ma famille désolée, un procès qui me ruine, ce n'est pas vengeance pour lui. Ce qui m'étonne, moi, c'est de le voir agir avec tant de mesure, user de prévoyance, et même avant la fin de cette affaire-ci, se ménager des preuves pour une accusation plus grave, comme s'il n'avait pas toujours ses procès-verbaux, qui sont parole d'Evangile pour messieurs les juges de Tours. Sitôt qu'il lui plaira d'avoir été frappé ou même assassiné, qui le contredira dans ses déclarations? Craint-il qu'on ne s'avise d'examiner les faits? que le procureur du roi, le préfet, ne lui manquent au besoin, et qu'un jour, ces messieurs ne pensant plus aussi bien, ne se fassent scrupule de perdre un malheureux, parce qu'il sert M. Courier! et puis, si l'on voulait des preuves, des témoins, n'a-t-il pas ses fermiers, que vous l'avez vu, Messieurs, amener ici dans sa voiture, gens de bien comme lui, auxquels il coûte peu de lever

la main, jurer devant les magistrats? Enfin les signatures peuvent-elles jamais manquer à l'auteur d'un écrit qu'on va vous lire, Messieurs? C'est l'original même de la publication faite en chaire contre moi par M. le curé.

Par jugement rendu le 5 mars dernier, au tribunal de police correctionnelle de Tours, Clavier-Blondeau, garde particulier, a été condamné à 30 francs d'amende, à la confiscation de son fusil à deux coups, et aux frais du procès, pour avoir porté des armes de chasse et chassé sans permis de port-d'armes.

Plus à un mois d'emprisonnement, pour avoir menacé et injurié M. le maire de Véretz.

Pour extrait conforme au jugement,

Signé BOURRASSE, commis-greffier.
Pour copie conforme,

DE BEAUNE, maire.

Je soussigné, certifie avoir publié au prône de ma messe paroissiale, le dimanche 21 mars de la présente année 1819, les copies du jugement de l'autre part, d'après l'invitation qui m'en a été faite par M. DE BEAUNE, maire de cette commune.

MARCH ANDEAU, curé desservant de Véretz.

Voilà, Messieurs, ce qu'a publié M. le curé, dans la chaire de vérité, ce qu'il a notifié comme un acte authentique aux habitants de la paroisse. Il n'y a de vrai néanmoins dans cette pièce écrite toute entière de la main de

M. de Beaune, que sa seule signature. Le reste se peut dire imaginé par lui ou arrangé selon ses vues. Il n'est point du tout vrai que l'on m'ait condamné pour avoir menacé et injurié le maire. Il n'est point vrai non plus que ce soit là un extrait du jugement rendu contre moi. Il est encore moins vrai que ce prétendu extrait ait été délivré par le commis-greffier. Enfin il est faux que ce commis ait jamais signé rien de pareil, et son nom mis là est une pure invention de M. le maire. Le greffier n'a pu délivrer un extrait qui n'est pas conforme au jugement, aussi s'en défend-il et le nie à tous ceux qui lui en ont parlé. Le jugement ne dit point que j'ai menacé ni injurié personne ; je suis condamné pour avoir outragé en paroles M. le maire de Véretz. Les juges ont trouvé un outrage dans ces mots: Allez vous faire f... ; mais quelque envie qu'ils eussent d'obliger M. le Maire, ils n'y pouvaient trouver de menaces, quand même M. le préfet le leur eût enjoint par vingt lettres. Si le maire voulait des menaces, s'il entrait dans son plan d'avoir été menacé, il fallait qu'il le mît dans son procès-verbal, et cela n'eût pas fait plus de difficulté. Mais alors il n'y pensa pas. Pour réparer cette omission, il entreprit depuis de me faire signer à moi-même et avouer ces menaces en présence de témoins, employant pour cela une ruse qui devait lui réussir si on ne m'eût averti. C'est encore ici un des traits de l'esprit inventif de M. le maire, et je vous prie d'y faire attention, Messieurs.

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Au milieu du procès, dans la plus grande rage de ses

persécutions, quand son garde-champêtre, ses cédules, ses huissiers ne me donnaient point de relâche tout d'un coup, il feint de s'adoucir, d'avoir pitié de moi, de vouloir me laisser vivre on m'apprend, de sa part, qu'il se contentera d'une légère satisfaction, que si je veux lui faire quelques excuses, toute poursuite contre moi cessera. Moi je me crus hors de l'enfer, au premier mot qui m'en fut dit ; je rendis grâces à Dieu, et promis de me trouver le dimanche suivant, après la messe, chez M. le maire, pour lui faire toutes les excuses, toutes les soumissions qu'il voudrait. Le dimanche venu, j'arrive à l'heure dite ; je trouve à la mairie le conseil assemblé, beaucoup de gens et M. le maire, auquel je fis excuse (de quoi, grand Dieu!) le plus humblement que je sus, lui demandant pardon de l'avoir offensé, sans dire où ni comment, de peur de mentir, et promettant de ne le faire plus à l'avenir. Il paraisait content, tout allait le mieux du monde. Pour conclure, on ouvre devant moi le gros registre de la commune, on lit un long narré où je ne compris mot; on me dit de signer; j'allais signer, n'ayant soupçon de quoi que ce fût, quand quelqu'un me retint: Prends garde, me dit-il, tu vas signer que tu as insulté M. le maire, que tu l'as menacé, violemment menacé, tel jour, en tel lieu, à telle heure, tu vas signer.... que sais-tu encore? Ces mots me donnèrent à penser; je refusai; demandai à me consulter, et làdessus M. le maire : Tu iras en prison. Je n'entendis pas le reste, car on me fit sortir; mes excuses ainsi sont res

tées sur le registre de la commune, et mes menaces et d'autres choses, non signées de moi, dieu merci.

Voilà les finesses de M. de Beaune, dont je suis bien aise, Messieurs, que vous soyez avertis, afin de vous en garder, car il est homme à vous faire dire tout ce qu'il voudra. Si votre sentence ne lui agrée, telle que vous l'aurez prononcée, il l'arrangera le lendemain, au prône de la paroisse ; et quant aux signatures, vous pensez bien, Messieurs, qu'il ne s'en fera faute, non plus que de celle du commis-greffier Bourrassé.

Au reste, de même qu'il sait accommoder à son plaisir les sentences des tribunaux, il sait s'en passer, les prévenir. Remarquez bien ceci, Messieurs : le jugement contre moi est du 5; j'en appelle le 10, et onze jours après, le 21, avant même que mon appel vous fùt parvenu, M. de Beaune fait publier ma condamnation. Vous voilà bien surpris, Messieurs ; vous pensiez que votre jugement pouvait faire quelque chose à l'affaire, mais songez-y, de grâce; M. de Beaune est maire, et M. de Beaune avait fait son procès-verbal. Or jamais rien n'a résisté au procès-verbal de M. le maire, appuyé surtout comme il l'est d'une lettre du préfet. Votre sentence après cela n'est qu'une pure formalité, d'ailleurs assez indifférente, qu'il n'a pas cru devoir attendre, ou qu'il attendait, pour mieux dire, dans une parfaite assurance, n'ayant nul doute à cet égard.

Le cas que fait M. de Beaune de l'autorité judiciaire a mieux paru encore dans cette affaire-ci, quand les juges

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