honore sa vie. M. Lavalette, M. Léon Halévy, M. Viennet, nos fabulistes les plus modernes, ne se sont jamais fait faute de railler les ministres et les députés. Je dois même remarquer que, des trois fabulistes que je viens de nommer, celui qui attaque le moins les hommes et les choses du gouvernement parlementaire est celui qui n'a jamais été ministre ni député, M. Léon Halévy. Non pas qu'il n'y ait un peu de politique dans ses fables où n'y en avait-il pas autrefois? mais c'est de la politique toute générale et qui touche de près à la morale, celle qui n'est d'aucun parti et qui s'adresse à tous les hommes. Voyez la fable intitulée le Feu d'artifice : A Paris... non, à Tombouctou, La naissance d'un prince (on sait que c'est partout Le reste vient plus tard... ou ne vient pas du tout... Sur les ailes du vent s'élançait dans les cieux, Les soleils agitaient leur cercle radieux; C'était un océan de feux, Soulevant ses flots d'or sous la nue embraséc... Éclataient, grandissaient, s'élevaient avec eux. D'enfants une troupe moqueuse Le remarque, et, riant de sa clarté fumeuse : Tout en parlant, l'un d'eux jette une pierre, Voit en éclats voler son verre Tout ce grand fracas se mourait, Mais par malheur on n'y voit goutte; On s'agite, on se presse, on cherche en vain sa route; Les petits sur les grands, les grands sur les petits, On s'écrase; partout le désordre et les cris, Plaintes, querelles, gens meurtris; C'est un tumulte, une déroute A faire peur aux plus hardis!... Quand, par bonheur, une main bienfaisante, Donne un guide à la foule... On le bénit alors; A sa lueur modeste on rend plus de justice; Que dis-je? c'est un Dieu ! c'est un astre, un sauveur! Que l'on tire... un feu d'artifice! A est en cet exemple un utile conseil Craignons le vain éclat des lueurs mensongères, On bénira, comme un soleil, Le plus humble des réverbères 1. Quant à M. Viennet et à M. Lavalette, tous deux députés, Dieu sait quelles libertés ils se donnent! On voit qu'ils frappent en famille. Que dites-vous, par exemple, de la fable du Chêne et du Lierre de M. Lavalette? Un chêne à la tête superbe Semblait régner sur les bois d'alentour. << Soyez mon protecteur, mon maître; Mon tour viendra de vous servir. Ah! quel honneur pour moi, seigneur, si votre tête, Acceptait mon feuillage vert! » Le lierre donc grimpa, tourna, gagna le faîte; Et longtemps avant l'âge on vit tomber le chêne 1 M. Léon Halévy, Fables, liv. III, fable v, édit.de 1843. Le lierre, vil flatteur, veut croître à vos dépens; Plus que vos ennemis redoutez vos clients. Que pensez-vous de l'Os à ronger de M. Viennet? Un jeune groom, espiègle assez malin, Donnait en plein air audience Çà, dit le groom, quel en est le plus digne? Et que chacun fasse valoir ses droits. Nuit et jour, dit le dogue, on sait bien que je veille; Qui médisait de la maison, Dans ma gueule sanglante a laissé son oreille. — Le chien qui gardait les brebis Vante à son tour sa vigilance : A ces terribles ennemis. Un vieux chat, composant sa mine papelarde, Compta les rats et les souris Que dans sa vie il avait pris: A la course, à l'arrêt, je puis tout défier, S'écrie enfin le chien de chasse; Je flaire à deux cents pas le lièvre et la bécasse, - C'est bien! vous le servez ainsi qu'il faut le faire, Et toi, mon griffon, qu'as-tu fait? – Moi, répond le griffon, dont le poil sec et rêche Se dressait de plaisir à cet appel si doux, Je n'ai tué ni rats ni loups; Mais je vous suis partout, je vous aime et vous lèche, Mettez, au lieu d'un os, une place importante: On les loue, on les glorifie;, Mais qu'il arrive un sot dont l'unique valeur Soit d'être, en toute circonstance, Le plat valet de monseigneur, Le sot aura la préférence 1. 1 Fables de M. Viennet, 2 édit., liv. III, fable п. |