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UN ÉCHANTILLON DE L'ART AZTÈQUE

J'ai l'honneur de vous présenter une petite statuette en terre cuite qui a été trouvée à Mexico, à 4 mètres sous le sol, au fond de l'antique lagune, parmi les débris et pilotis des habitations lacustres aztèques. Vous savez que les aztèques étaient un des plus anciens peuples du Mexique. Leur dernier empereur Guatimozin a été torturé et mis à mort par Fernand Cortez en 1522.

Cette statuette nous montre que si les aztèques ont été, de tous les peuples de l'Amérique, le plus loin dans l'étude des beaux-arts, édifiant les gigantesques palais de Mexico et de Cholula, s'ils se servaient du dessin pour communiquer leurs idées dans le langage hiéroglyphique avant que les autres Américains aient songé à la sculpture et à la gravure, on peut dire qu'ils n'avaient pas dépassé l'enfance des

arts.

Presque tous les profils de la statuette sont composés de lignes droites. La tête seule a été un peu étudiée. La place des seins est indiquée de façon à préciser le sexe. Quant aux membres inférieurs, ils sont réduits aux moignons qui supportent la figurine.

Vous voyez qu'elle est creuse et renfermait probablement de petits cailloux, si bien qu'en l'agitant on devait obtenir un bruit analogue à celui que produit le hochet des enfants dont elle devait jouer le rôle.

Des renseignements que j'ai recueillis sur les fouilles au cours desquelles cette statuette a été trouvée, il résulte que le terrain de la vieille lagune renferme, au milieu des débris de poteries et d'ustensiles de ménage entassés entre les pilotis de l'antique cité de Mexico, un assez grand nombre de figurines analogues, mais presque toutes bossues. Le docteur Capitan, dans les Archives de Neurologie chirurgicale en a parlé et en a même figuré quelques-unes. Les bossus étaient considérés chez les aztèques comme des individus un peu spéciaux et quasi divins. Le dieu du vent était représenté chez eux sous la forme d'un singe portant une bosse. Les bossus sont complaisamment figurés dans ceux de leurs manuscrits figuratifs qui nous sont parvenus. Enfin Torquemada (1), décrivant le palais de Mexico dont je parlais tout à l'heure, y parle de nains bossus et contrefaits, élevés dans des appartements particuliers et qui, disloqués dans leur jeunesse pour le service de la maison royale, servaient à l'empereur comme servaient les eunuques aux princes infidèles.

Or, M. Galba de Douai, l'ingénieur qui a bien voulu me rapporter cette figurine, rentrait en France avec plusieurs échantillons qui, malheureusement, furent brisés pendant la traversée et qui tous portaient une gibbosité très marquée à la région cervicale. Aussi, je me réserve de reprendre cette étude dès que je serai en possession de nouvelles statuettes que j'ai demandées à Mexico.

Torquemada.

Primera parte de los Vicente i un libros rituales i monarchia India. 3 vol. in-4°, Madrid, 1723, tome I. Libro Tercero, cap. xxv, p. 298.

Vous voyez, Messieurs, que ces débris de l'art antique sont intéressants, non seulement parce qu'ils ressuscitent pour nous les mœurs des vieilles peuplades à jamais disparues, mais aussi parce qu'ils nous racontent un peu leur histoire et nous initient même à leurs misères: quelques-uns nous enseignent leur pathologie.

Quant aux objets que je vous présente, ce sont : 1o une pointe de flèche;

2o Deux débris de pointes de masses d'armes qui datent de la même époque et proviennent de la même source. Ils ont été examinés par M. le Directeur du Musée Archéologique national de Mexico qui a en vitrine des objets identiques.

Ils sont en obsidienne, minéral d'origine volcanique à base de feldspath, très dur, d'un aspect vitreux, noir, vert, jaune ou rouge. Ceux-ci sont d'un vert bouteille.

L'obsidienne est commune en Irlande, au Mexique, dans les Andes du Pérou. Elle est employée en Europe dans les arts d'agrément, mais elle a peu de valeur. On l'appelle encore Miroir des Incas parce que les Péruviens s'en servaient pour faire des miroirs. Les Mexicains et les Péruviens l'utilisaient pour en fabriquer des couteaux et autres ustensiles.

C'est avec un poignard à lame d'obsidienne que les prêtres aztèques, après avoir étranglé sur l'autel les victimes humaines, leur arrachaient le cœur pour l'offrir à leur dieu: un fort vilain bon dieu qui était au musée mexicain de l'Exposition universelle de 1867.

Tous ces débris vénérables dormaient encore il y

a quelques mois à peine au fond des vieilles tourbes de l'ancienne lagune qui était le Mexico aztèque, à l'époque où commençait la conquête par le féroce conquistadore Fernand Cortez.

PEUGNIEZ.

Les choses anciennes

MESSIEURS,

« Un chimiste laisse tomber quelques gouttes mystérieuses dans un vase qui ne semble contenir que de l'eau claire et aussitôt un monde de cristaux s'élève jusqu'aux bords et nous révèle ce qu'il y avait en suspens dans ce vase, où nos yeux incomplets n'avaient rien aperçu ». Ce passage de Maurice Maeterlink, en son livre Le Trésor des Humbles, me revint à la mémoire quand j'eus le grand honneur d'être admis parmi vous.

Recherchant quels titres je possédais à cette faveur inestimable, je pensai que comme la chimie votre bienveillance opère des prodiges. Elle sait découvrir, à dose infinitésimale, le mérite de productions, sur lesquelles leur auteur eut vraisemblablement fait le silence, avant que les autres ne fassent l'oubli. J'ai dù m'incliner devant elle, et puisqu'un reflet de vous-mêmes était tombé sur leur obscurité, j'ai reconnu les timides enfants de mon

cerveau.

Quelle distance entre la pensée que nous écrivons et celle que l'on nous imprime! Tant que l'œuvre pend au bout de notre plume, elle participe de l'illusion dans laquelle elle est créée; elle garde

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