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Mais le danger est bien moins dans l'influence plus ou moins indirecte des littératures étrangères se substituant à celles des anciens que dans l'irrésistible courant utilitaire qui nous entraîne en ce siècle

finissant.

Sarcey

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Le Struggle for life est devenu terrible; «< on n'a plus <«<le temps aujourd'hui » a dit quelque part Francisque d'apprendre ce qui ne sert qu'à élever « l'âme, qu'à agrandir l'intelligence et qu'à former « le cœur..... Savoir ce dont on aura besoin pour pratiquer le métier qu'on veut exercer, il n'y a pas d'autre but à se proposer. »

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Et l'on ne voit pas que l'étude des langues ancien nes exige un perpétuel emploi de l'esprit d'analyse et de logique, qu'elle affine l'intelligence de l'enfant et lui donne une sûreté de vue, une souplesse, une perspicacité qui le serviront dans toutes les fonctions, dans tous les métiers où le conduira la bataille de la vie.

Dix ans pour cela, me dira-t-on, c'est beaucoup; je ne trouve pas que ce soit trop pour faire un homme.

Mais qu'on y prenne garde, la somme des connaissances nécessaires à ceux qui entrent dans la vie devient chaque jour plus considérable, et comme les forces de l'adolescent ont des limites, qu'il est aussi funeste de surmener l'esprit que le corps, quand on ajoute quelque chose au programme, c'est le grec d'abord et le latin ensuite qui font les frais de la réforme.

Aussi les défenseurs des vieilles humanités ontils leurs heures de découragement. « Je ne lutte que « pour l'honneur, écrivait l'un d'entre eux, me sa«< chant vaincu d'avance. >>

Vous n'avez point voulu, Monsieur, vous abandonner à semblable désespérance. Restez fidèle à votre foi dans la vertu éducatrice des anciens, l'exemple que vous venez de donner avec votre haute compétence est salutaire et digne d'éloges.

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Pour nous, Messieurs, continuons à défendre pied à pied le glorieux patrimoine que nous ont légué nos devanciers de Rome et d'Athènes, c'est une mine. inépuisable où l'on trouve encore l'or le plus pur et le diamant le plus éclatant; mais quoi qu'il advienne, n'allons pas, comme en était tenté un jour Francisque Sarcey, «nous asseoir tristement sur les ruines de Carthage et regarder avec une curiosité mélancolique l'avenir mystérieux d'un monde nouveau qui se <«<lève », rappelons nous au contraire cette pensée consolante de Sénèque, un ancien qui croyait au progrès: «La nature ne livre pas à la fois tous ses secrets. « Nous nous croyons initiés, et nous ne sommes qu'au seuil du temple. La vérité ne vient pas s'of«frir à tous les regards; elle se cache et s'enferme <«< au plus profond de son sanctuaire notre siècle en « découvre un aspect; les siècles qui suivront décou« vriront les autres (1).

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Sénèque; Questions naturelles.

NOUVELLES RECHERCHES SUR LE LIEU D'ORIGINE

DE

Raoul De HOUDENC

TROUVÈRE DU XIII® SIÈCLE

PRÉCÉDÉES D'UN APERÇU SOMMAIRE SUR LE MOUVEMENT
LITTÉRAIRE EN FRANCE A PARTIR DU X SIÈCLE

ÉTUDE PRÉSENTÉE A L'ACADÉMIE D'AMIENS dans la Séance du 9 février 1900

PAR

M. EMILE DELIGNIÈRES, Membre correspondant.

Les œuvres littéraires françaises vraiment dignes de ce nom n'apparaissent guère que lors des premières croisades; celles-ci donnèrent l'essor aussi bien aux productions de l'esprit qu'aux actes d'hé

roïsme.

Le premier réveil littéraire s'était manifesté plus de deux siècles auparavant sous l'influence de Charlemagne qui avait su réunir autour de lui tous les savants de l'Europe: Pierre de Pise, Alcuin d'Yorck, Eginhard, son historien, et bien d'autres; la littérature alors était assujettie aux règles d'une scholastique rigoureuse, encore toute imprégnée de latin. Louis le Débonnaire et Charles le Chauve imitèrent l'exemple de Charlemagne, leur prédé cesseur, mais les invasions qui, dès la fin du IXe siècle et pendant le x avaient troublé si profondément le pays, depuis l'Escaut jusqu'à la Loire, avaient arrêté le mouvement littéraire dans son

premier élan. Ce n'était guère que dans les monastères, à l'ombre et dans la quiétude des cloîtres, que s'étaient conservés les dépôts sacrés de l'Antiquité et l'on en vit sortir, pendant une longue période, des historiens et des légendaires, des théologiens et des philosophes, enfin des poètes et des orateurs. Il s'était fondé en France des abbayes importantes telles que celles des Bénédictins de Saint Maur en Anjou en 543, de Saint-Denis, de Poitiers établie en 544 ou 550 par sainte Radegonde (1), celles encore de Cluny, de Citeaux et de Prémontré, de Saint-Jean à Amiens de cet ordre, et bien d'autres; et en Artois, celle de Saint-Bertin fondée en l'an 648 et dont la liste des abbés va jusqu'en 1764 (2).

Au x et surtout au x1° siècle, on vit se fonder les écoles célèbres de Reims, du Bec et d'autres. Celle de Saint-Amand, dans le Nord, brillait d'un vif éclat dès le x siècle; elle a produit le poème De Schola Elonensi, du prieur Foulques, œuvre récemment découverte par M. l'abbé Desilve qui en a fait l'objet de sa thèse de théologie, três remarquée du monde savant (3). Nous citerons aussi, dans le Ponthieu,

(1) Notre distingué collègue correspondant de la Société d'Emumulation, M. Alfred Julia, du Crotoy, a publié dans le volume du Centenaire, en 1897, une étude d'un grand intérêt historique et littéraire sur Sainte Radegonde.

(2) La Société des Antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer, a publié dernièrement les Chartes de Saint-Bertin, d'après le grand cartulaire de Dom Charles Joseph Dervitte, par M. l'abbé Bled. 3 fasc. in-4°.

(3) De Schola Elonensi sancti Amandi a sœculo Ix ad xII usque, par le docteur Jules Desilve. 1 vol. in-8 de xv-209 pages. Louvain, Lille et Valenciennes, 1890.

l'Ecole de Centule (Saint-Riquier), avec Angilbert, élève d'Alcuin, Enguerran, Gervin, l'un des plus habiles prédicateurs de son siècle, et Hariulfe, l'auteur de la célèbre Chronique de Centule. (1).

Au XIe siècle, on commence à s'affranchir des règles de la vieille scholastique, bien qu'elle fût restée néanmoins en honneur dans les abbayes et dans les monastères; une langue nouvelle apparaît qui, se débarrassant peu à peu du latin de plus en plus dégénéré, se polit par se polit par le cours du temps et le progrès des esprits pour devenir, par une véritable transformation, notre langue nationale. Pendant la période de transition, ce fut d'abord la langue romane, qui bientôt se divisa en deux dialectes différents, l'un, la langue d'oil au sud de la Loire, l'autre, la langue d'oc ou Wallonne, dans la partie septentrionale; c'est cette dernière qui a donné naissance à la langue française proprement dite.

On peut assigner au x1° siècle le Roman de Roncevaux ou Chanson de Roland, la première œuvre originale, dit-on, qui nous ait été conservée de la langue d'oil, et la plus vraiment nationale, dironsnous avec M. Vuilhorgne, de nos épopées chevaleresques; c'est en vain qu'on a voulu, en Allemagne, nous en déposséder. Bientôt, et sous l'influence des Croisades qui mélangèrent les peuples et les langues

(1) M. Ernest Prarond vient de publier avec le plus grand soin dans les Mémoires in-4° de la Société d'Emulation d'Abbeville, 1899, la traduction de la Chronique de Centule, par le marquis le Ver, avec avertissement et avec les remarques du traducteur sur les divers chapitres; (1 volume de 376 pages avec tables détaillées).

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