J'ai, le premier, contraint la lyre d'Eolie, Vieille Histoire Un peuple s'enfle et meurt comme un flot sur la grève. Un jour, je traversais une grande cité, Ce que conçoit son rève et peut sa volonté. J'interroge un passant : « Depuis quand cette ville? - Or, cinq cents ans après, je repassai par là. Plus de ville; tout a disparu; c'est la plaine L'uniforme vallée où glisse un fleuve en paix, L'ont-ils enfin couchée au fond des tombeaux verts? » << Jamais ce lieu n'a vu de ville, et la vallée N'a connu de tout temps que l'herbe que voilà. » Où s'était élevée une ville superbe, Où le pâtre plus tard avait marché dans l'herbe, L'eau s'était retirée; où j'avais vu la vague, D'un éternel manteau de cendre recouvert. Flux et reflux sans fin ! Courte science humaine ! - Qu'importait, après tout, au pâtre qui promène Sa vache ou sa brebis à travers le gazon Rare ou touffu suivant le temps et la saison ; LES PERSES Ce fut une illustre journée dans les fastes de l'art dramatique que celle où le premier poëte d'Athènes, parvenu à la maturité de son génie comme de son âge (il pouvait alors avoir cinquante-deux ans), développa, devant ses concitoyens rassemblés au théâtre, la mémorable scène de leur indépendance. Huit ans s'étaient à peine écoulés depuis l'accomplissement de cette grande œuvre à laquelle tous avaient mis la main, et l'homme inspiré qui entreprenait d'en reproduire le tableau, et les spectateurs qui venaient assister à cette solennelle commémoration de leur gloire. Les souvenirs auxquels le drame allait s'adresser étaient vivants dans les cœurs ; l'auditoire était gagné d'avance à l'art puissant qui devait, dans un instant, l'émouvoir et le transporter. Les hommes faits se retraçaient vivement ces jours fameux où ils avaient combattu et vaincu ensemble; les vieillards et les femmes, ce douloureux exil qui les conduisit à Trézène, sur les rivages de l'ile d'Egine, de celle de Salamine et dans les villes de l'Eubée, tandis qu'Athènes était en proie à l'incendie allumé par les barbares, et que sa fortune avec ses guerriers s'était réfugiée sur les flots. Une immense attente, une impatiente curiosité faisait battre le sein de cette jeunesse qui avait grandi au milieu des dangers et des triomphes de la patrie, et qui allait tout à l'heure prendre place parmi ses défenseurs. On y distinguait sans doute ce futur rival d'Eschyle qui avait commencé sa vie toute poétique, auprès du trophée de Salamine, en chantant, à la tête d'un chœur de jeunes enfants, l'hymne de la victoire. Aristide, Thémistocle étaient, je m'imagine, présents à cette fête nationale, que leur absence eût rendue incomplète, où tous les regards les cherchaient, où toutes les voix les nommaient. Tout conspirait à préparer l'œuvre du poëte ; les lieux eux-mêmes étaient autant de témoins de ce qu'il allait peindre; ils rappelaient de toutes parts aux yeux et les barbares et leurs vainqueurs ces humbles tréteaux, entourés d'échafauds grossiers que n'avait pas encore remplacés le magnifique théâtre de Bacchus, ces ruines récentes, et dont plusieurs, celles des temples, destinées à rappeler, dans tous les temps, la fureur sacrilège de Xerxès, ne devaient jamais être relevées; ces édifices commencés, cette ville qui sortait de ses cendres, cette mer à jamais illustrée par la merveilleuse victoire. de Salamine, cette île de Psyttalie, où avait été massacrée l'élite de l'armée persane, ce mont Egialée, d'où Xerxès avait contemplé son désastre, tous ces objets parlaient éloquemment à l'imagination des spectateurs; ils faisaient, ainsi qu'eux-mêmes, partie du magnifique spectacle qui allait s'ouvrir. (PATIN, Tragiques Grecs, Les Perses.) |