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présomptueux, dépréciateurs de l'anatomie, des langues, de la critique, de l'histoire, et il conclut par ces paroles : « Je ne >> sais comment et par quelle étoile, dont l'influence est en>>nemie de toutes sortes de secrets, les cartésiens n'ont presque > rien fait de nouveau, et. . . presque toutes les découvertes » ont été faites par des gens qui ne le sont point 1. Les ayant >> attaqués dans leur fort, c'est-à-dire, dans les mathématiques, » où j'ai montré combien la géométrie cartésienne était bornée, » et ayant fait voir de plus combien leurs règles sur la force >> mouvante sont mal entendues, j'ai entrepris en même temps » de réhabiliter en quelque façon l'ancienne philosophie. . . Il » m'arriva un jour de dire que le cartésianisme, en ce qu'il »a de bon, n'était que l'antichambre de la véritable philo» sophie 2. >>

NOTE 48, P. 312.

De la valeur de Descartes dans les sciences physiques.

On connaît généralement les erreurs, les défauts, les vices dont la méthode et les conclusions de Descartes sont entachées dans les sciences physiques. Si le physicien l'emporte en lui sur le philosophe, ce qui n'était pas fort difficile, en revanche il est bien au-dessous du premier de ses contemporains. Je veux parler de Galilée, qui peut à bien meilleur droit que Bacon, revendiquer l'honneur d'avoir créé la science moderne dans l'ordre de l'observation. Eh bien! écoutez comme le physicien français parle de l'illustre italien: « Je trouve en général qu'il philosophe >> beaucoup mieux que le vulgaire, en ce qu'il quitte le plus » qu'il peut les erreurs de l'école, et tâche à examiner les » matières physiques par des raisons mathématiques. En cela » je m'accorde entièrement avec lui, et je tiens qu'il n'y a » point d'autre moyen pour trouver la vérité. Mais il me semble

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» qu'il manque beaucoup, en ce qu'il ne fait que des digres>>sions et ne s'arrête point à expliquer suffisamment aucunes » matières, ce qui montre qu'il ne les a point toutes exa» minées par ordre, et que, sans avoir considéré les premières » causes de la nature, il a seulement cherché les raisons de » quelques effets particuliers, et ainsi qu'il a bâti sans fonde» ment. Or, d'autant que sa manière de philosopher est plus » proche de la vraie, d'autant peut-on plus aisément connaître » ses fautes, ainsi qu'on peut mieux dire quand s'égarent ceux » qui suivent quelquefois le droit chemin, que quand s'égarent » ceux qui n'y entrent jamais 1. »

Un tel langage dans la bouche d'un homme qui, en physique, est un très-mince écolier de Galilée, n'est-il pas indigne? Je ne puis comprendre comment Mersenne toléra de telles impertinences chez son ami. Ce bon religieux, avec son indulgence excessive, a gâté pour sa part notre philosophe. Si ses contemporains avaient été un peu plus sévères à son égard, pensez-vous qu'il eût osé écrire que les fondements de sa physique sont « presque tous si évidents, qu'il ne faut que les en« tendre pour les croire, » et qu'il n'y en a aucun dont il ne se croie en état de fournir la démonstration 2. — C'est là, du reste, un de ses traits de modestie accoutumés. Pensez-vous qu'il eût osé dire en parlant du chaos: « Je décrivis cette » matière, et tâchai de la représenter telle qu'il n'y a rien au » monde, ce me semble, de plus clair ni plus intelligible 3 (ceci » n'est pas difficile à comprendre cette matière n'existe pas, » c'est une pure invention de l'esprit de Descartes), excepté ce » qui a été dit tantôt de Dieu et de l'âme; car même je supposai » expressément qu'il n'y avait en elle aucune de ces formes ou » qualités dont on dispute dans les écoles, ni généralement au

1 Lett. au P. Mersenne. 2 Œuv., tom. 1, p. 199.

Euv., tom. VII, p. 434, 435.

3 Décrire le chaos et y répandre la lumière ! Peut-on imaginer une plus extravagante fanfaronnade ? Mais quiconque a lu en entier les œuvres philosophiques de Descartes, croira bien plutôt ce philosophe capable de faire le chaos que la lumière !

>> cune chose dont la connaissance ne fût si naturelle à nos >> âmes qu'on ne peut pas même feindre de l'ignorer. » On ne peut rien imaginer de plus exquis., « De plus, je fis voir >> quelles étaient les lois de la nature, et sans appuyer mes » raisons sur aucun autre principe que sur les perfections in» finies de Dieu, je tâchai à démontrer toutes celles dont on >> eût pu avoir quelque doute, et à faire voir qu'elles sont telles, » qu'encore que Dieu aurait créé plusieurs mondes, il n'y en » saurait avoir aucun où elles manquassent d'être observées 1. » Cette prétention de connaître et de fabriquer la nature a priori, se conçoit encore chez les panthéistes allemands : c'est une conséquence logique de leur système; mais chez un homme qui, comme Descartes, professe une doctrine différente du panthéisme, et ose critiquer Galilée, la prétention est vraiment absurde et ridicule. Quand Pascal écrivait que toute la philosophie ne mérite pas une heure de fatigue, ne peut-on pas supposer qu'il pensait au cartésianisme ? Et peut-être encore plus spécia lement à ce fameux livre des Principes, qu'il faut lire quatre fois si l'on veut en profiter, selon le conseil ou le précepte de l'auteur? Or il est bon de savoir que ce livre est en très-grande partie un amas d'hypothèses inconsistantes, plus digne d'un ro mancier ou d'un ancien philosophe de l'école ionique et atomistique, que d'un auteur traitant les matières scientifiques. Descartes y rejette entre autres vérités les causes finales, et puis il ajoute : « Nous tâcherons seulement de trouver par la faculté » de raisonner qu'il (Dieu) a mise en nous, comment celles (les >> choses) que nous apercevons par l'entremise des sens ont pu » être produites 2. » Ainsi il condamne la recherche des causes finales, accessibles jusqu'à un certain point à l'esprit de l'homme, et il admet et considère comme la substance des sciences physiques, la recherche des causes efficientes, qui est absolument impossible dans les choses naturelles. Au reste, inepties et les contradictions, même philosophiques,

1 OEuv., tom. 1, p. 170.

2 Les Principes de la phil., part. 1. - Euv., tom. 1, p. 81.

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quent pas dans ce livre. On y trouve sa plaisante distinction entre l'infini et l'indéfini 1, qu'il applique ailleurs d'une manière non moins amusante à la question de savoir si le monde est fini ou infini 2, comme aussi aux éléments de la matière, qu'il affirme pouvoir se diviser en un nombre indéfini de parties 3. Mais s'il n'y a point d'atômes, c'est-à-dire, de parties indivisibles dans la matière, comme il s'efforce de le prouver 4, comment les parties de la matière peuvent-elles n'être pas infinies, mais seulement indéfinies? C'est ici, en répondant à cette objection, que brille la singulière logique propre à notre philosophe. N'oublions pas le magnifique épilogue qu'il donne sur sa propre sagesse dans la quatrième partie. Voici les titres des numéros 199 et 200. « Il n'y a aucun phénomène en la nature qui >> ne soit compris en ce qui a été expliqué en ce traité 5. Ce >> traité ne contient aussi aucuns principes qui n'aient été re>> çus de tout temps de tout le monde; en sorte que cette phi>>losophie n'est pas nouvelle, mais la plus ancienne et la plus >> commune qui puisse être 6. » Sans chercher à concilier cette antiquité avec la prétention du philosophe, qui affirme ailleurs qu'avant lui on ne savait rien connaître, ni démontrer aucune vérité spéculative, dites-moi, en lisant ces deux titres et les paragraphes correspondants, que vous pourrez chercher dans son livre, ne vous semble-t-il pas avoir sous les yeux la recette d'un empirique ou le programme d'un charlatan?

NOTE 49, P. 312.

Opinion de Descartes sur le génie spéculatif des mathématiciciens.

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» tant dans le monde (des génies) qui soient propres pour les » spéculations de la métaphysique que pour celles de la géo» métrie 1. » Et ailleurs, dans une lettre à Mersenne: « Les >> opinions de vos analystes touchant l'existence de Dieu et l'hon>> neur qu'on lui doit rendre, sont, comme vous écrivez, très» difficiles à guérir, non pas qu'il n'y ait moyen de donner des >> raisons assez fortes pour les convaincre, mais pour que ces » geus-là, pensant avoir bon esprit, sont souvent moins ca>>pables de raison que les autres; car la partie de l'esprit qui >> aide le plus aux mathématiques, à savoir l'imagination, nuit >> plus qu'elle ne sert pour les spéculations métaphysiques 2. » >> Cher Descartes, vous avez raison, et nous vous savons d'autant plus de gré de nous avoir enseigné cette vérité, que vous avez eu soin de la corroborer par un exemple, . . . . . le vôtre.

NOTE 50, P. 313.

Passage de Menjot sur Descartes.

Le culte idolâtrique rendu à Descartes par ses contemporains et par ses compatriotes fut sans doute répandu, mais non universel; et il y a quelques exceptions honorables. Menjot, médecin fameux du roi de France au XVIIe siècle, parle ainsi du doute méthodique de Descartes: « Hippocrate met entre les >> marques infaillibles du délire, de croire apercevoir des ob>> jets qui ne s'offrent point à nos sens, ou de ne pas remarquer >> ceux qui s'y présentent. . . . Descartes exige d'abord que >> son catéchumène commence par devenir fou, en doutant par >> exemple qu'il souffre de la douleur lorsqu'on le pique vive» ment. Ainsi on peut dire, sans offenser cet auteur, que les >> petites maisons servent de vestibule à sa philosophe, qui >> fait tant de bruit dans le monde. » Cette lettre, adressée au

1 Euv., tom. 1, p. 220. Ibid., tom. VIII, p. 175.

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