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>> ces saintes cérémonies qui assurent et adoucissent le pas»sage à une autre vie. Où en sommes-nous, Messieurs? Dans >> quel temps vivons-nous ? » Et nous aussi, nous pouvons demander en quel temps vivons-nous et à quoi en sommesnous réduits, si un homme honorable, qui fait profession de panthéisme, et qui nie la révélation dans ses écrits, ose parler de la sorte du haut de la tribune française, sans craindre de faire sourire ses auditeurs.

NOTE 16

P. 114.

Passage de Leibniz contre les dissipateurs des doctrines

antiques.

« Il y a autant ou plus de sujet de se garder de ceux qui, >> par ambition le plus souvent, prétendent innover, que de se >> défier des impressions anciennes. Et après avoir médité sur >> l'ancien et sur le nouveau, j'ai trouvé que la plupart des doc>> trines reçues peuvent souffrir un bon sens. De sorte que je » voudrais que les hommes d'esprit cherchassent de quoi sa>>tisfaire à leur ambition, en s'occupant plutôt à bâtir et à » avancer, qu'à reculer et à détruire. Et je souhaiterais qu'on >> ressemblât plutôt aux Romains, qui faisaient de beaux ou>> vrages publics, qu'à ce roi vandale à qui sa mère recom>> manda que, ne pouvant pas espérer la gloire d'égaler ces >> grands bâtiments, il en cherchât à les détruire 2. »>

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Notre malheureux siècle a été condamné par la Providence à être témoin de toutes sortes de délire, de honte et de scandale.

1 Discours sur la renaiss. de la dom. ecclés., p. 12.

2 LEIBNIZ, Nouv, ess. sur l'entend. hum., liv. 1, chap. 2. Œuv phil., éd. Raspe, p. 57.

Il n'y a pas longtemps que quelques évêques de la Lithuanie et de la Russie-Blanche renièrent la foi catholique professée depuis tant de siècles, et préférèrent à la noble et suave paternité du pontife romain, à la fraternité de l'Eglise universelle, le joug spirituel de l'oppresseur de leur patrie, et l'impure société de l'église moscovite. Tout ce qui, en Europe, n'est point russe ou barbare, tout ce qui conserve quelque sentiment de générosité et de pudeur, a dû s'étonner, non pas de l'usurpation du bourreau de la Pologne, déjà connu pour un monstre infâme, mais de ce que des pasteurs livraient eux-mêmes leurs brebis aux loups, de ce qu'ils vendaient à un tyran leur foi, leur âme et leur réputation.

NOTE 18, P. 134.

Des causes de la réforme.

Les oppositions dialectiques qui aidèrent à la réforme des protestants peuvent se réduire au tableau suivant :

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3. Opposition

Prêtres,

Laïques,

de classe à classe. Aristocratie élective. Aristocratie héréditaire

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riches, trafiquants, etc.

c'est-à-dire, sacer- c'est-à-dire, soldats,

doce.

Ces oppositions ne justifient pas la réforme, mais elles l'ex

pliquent.

NOTE 19, P. 134.

Que la sincérité de R. Descartes dans ses protestations de catholicisme est pour le moins douteuse.

On peut très-bien regarder comme une précaution inspirée par la prudence, la profession de catholicisme que fait Descartes dans plusieurs endroits de ses écrits; mais si on regarde cette profession comme sincère, il sera difficile de la concilier avec les principes de sa doctrine. Ses lettres prouvent parfaitement qu'il n'était pas disposé à souffrir le martyre par amour pour la vérité, et que s'il avait, comme on le raconte, le courage du soldat, il ne possédait pas certainement celui du citoyen et du philosophe. En écrivant au P. Mersenne, à propos de Galilée, il dit : Ne cherchez que le repos et la tranquillité de l'esprit 1. Quand un tribunal ecclésiastique condamna un point de la doctrine de ce grand homme, Descartes fut si effrayé, qu'il voulait brûler ses papiers, et il disait : « Je ne voudrais pour » rien du monde qu'il sortit de moi un discours où il se >> trouvât le moindre mot qui fût désapprouvé de l'Eglise 2. D Ne croyez pas qu'il fût le moins du monde poussé par un sentiment de respect envers l'autorité qui avait porté la cen

1 Euv. Paris, 1824, tom. vi, p. 251.

2 Ibid., p. 238, 239.

tence; car, quoiqu'il ne s'agisse ici, ni du Saint-Siége, ni de l'Eglise, comme il le dit à tort, mais d'une simple congrégation romaine, nous regarderions sa réserve comme hautement digne d'éloges. Mais par tout le contexte de sa lettre, on voit qu'il est poussé par une autre raison: la crainte de compromettre la tranquillité de sa vie. Dans une autre lettre au même P. Mersenne, écrite un an après, c'est-à-dire en 1654, il le dit expressément : « Je sais bien qu'on pourrait dire que » tout ce que les inquisiteurs de Rome ont décidé n'est pas » incontinent article de foi pour cela, et qu'il faut première»ment que le concile y ait passé; mais je ne suis point si » amoureux de mes pensées que de me vouloir servir de D telles exceptions pour avoir moyen de les maintenir, et le » désir que j'ai de vivre en repos, et de continuer la vie que

j'ai commencée en prenant pour ma devise bene vixit, bene » qui latuit, fait que je suis plus aise, etc. 1 » Chacun voit quel fut le scrupule religieux et le stoïcisme philosophique de notre écrivain, et que si le bene latuit ne le préserva pas de la vanité, des brigues et de l'ambition littéraire, qui furent le but principal de ses fatigues et de sa vie, il le rendit au moins prudent par rapport à cette gloire qui pouvait être difficile et dangereuse.

D

Le procédé méthodique et le doute absolu que Descartes met en tête de toute sa philosophie ne peuvent aucunement se concilier avec les principes catholiques. Selon son procédé, nous devons douter une fois en notre vie de toutes les choses où » nous trouverons le moindre soupçon d'incertitude. Il sera » même fort utile que nous rejetions comme fausses, toutes » celles où nous pourrons imaginer le moindre doute 2. » Il fait ensuite l'énumération des choses dont on doit douter. « Nous > douterons en premier lieu, si de toutes les choses qui sont tom» bées sous nos sens, ou que nous avons jamais imaginées, il y > en a quelques-unes qui soient véritablement dans le monde ....

1 Euv., tom. vi, p. 243.

2 Princ. de la philos., part. 1; Œuv., tom. 111, p. 63, 64.

>> Nous douterons aussi de toutes les autres choses qui nous » ont semblé autrefois très-certaines, même des démonstrations » de mathématique, et de ses principes, encore que d'eux>> mêmes ils soient assez manifestes, à cause qu'il y a des >> hommes qui se sont mépris en raisonnant sur de telles ma» tières; mais principalement parce que nous avons ouï dire, » que Dieu qui nous a créés peut faire tout ce qui lui plaît, » et que nous ne savons pas encore si peut-être il n'a point >> voulu nous faire tels que nous soyons toujours trompés, >> même dans les choses que nous pensons le mieux con»> naître 1. Nous supposons facilement qu'il n'y a point de >> Dieu, ni de ciel, ni de terre, et que nous n'avons point de >> corps 2. » Telle est, cependant, la doctrine contenue dans les Méditations et dans la Méthode, quoique dans ce dernier ouvrage elle ne soit pas aussi crûment enseignée. Ant. Arnauld, qui, cependant, comme nous le verrons, s'aperçut plus tard du peu d'orthodoxie de Descartes, eut, dans le principe, la simplicité de croire que celui-ci ne veut parler que d'un doute fictif, d'un simple artifice méthodique, bon à employer pour connaître scientifiquement la vérité, et il se plaint seulement de ce que cela ne soit pas trop clairement expliqué dans les Méditations « Verumtamen haud scio, an aliqua præfatiuncula « hæc meditatio præmuniri debeat, qua significetur de iis re

1 Ibid., p. 64, 65.

2 Ibid., p. 66. Ainsi, au même moment où l'on doute de toutes les choses sensibles, et même des démonstrations mathématiques, on allègue, pour justifier le doute, que quelques hommes se sont trompés; on insiste principalement sur cette plaisante raison: nous avons ouï dire que Dieu qui nous a créés peut faire tout ce qui lui plaît; dans le moment même où l'on nie l'existence du ciel, de la terre et des corps, on ajoute foi à ce que nous avons ouï dire, c'est-à-dire, à la valeur des signes et de la parole; au moment même où l'on suppose facilement (notez l'adverbe) que Dieu n'existe pas, on interprète d'une manière absurde l'omnipotence divine, pour en conclure le doute absolu. La cervelle d'un fou raisonne certes plus sainement que celle de Descartes.

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