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Quant aux doctrines en particulier, on peut douter encore si les esprits sont vraiment disposés à retourner sans délai à la foi, et si ceux qui en sont persuadés ne sont pas séduits par le désir qu'ils en ont. En effet, quoiqu'il arrive de temps en temps certaines oscillations favorables à la cause de la vérité, il ne semble pas cependant que, tout compté, les esprits soient en voie de retour vers la religion. L'incrédulité change de forme, elle ne change ni d'esprit ni de fond. Peu importe que du matérialisme ou de l'athéisme on ait passé au rationalisme et à un panthéisme spiritualiste, ou même à une sorte de christianisme abstrait et spéculatif; ce n'est là qu'un mouvement d'opinions; de là à une foi positive, ferme et agissante, telle que doit la posséder l'homme catholique, l'intervalle est immense et le passage difficile. Je ne sais encore si le rationalisme actuel durera. Il me semble que l'on refait aujourd'hui, à petits pas, ce qu'on a fait rapidement et tout d'une traite au siècle dernier; on essaie d'obtenir aujourd'hui, scientifiquement et de sang-froid, ce qu'on précipitait auparavant avec l'impétuosité de la passion et de l'imagination. Les anciens incrédules de France discouraient avec rage, tandis que la moderne impiété d'Allemagne est pacifique et blasphême doctement. Certes, après les longs circuits de l'erreur, après la vogue d'une fausse science habile à voiler les sophismes sous le manteau de l'érudition, le génie de l'homme devra se reposer dans la vérité; mais il faut peutêtre qu'avant d'arriver à ce terme, il complète le cercle de l'erreur; et de même que dans la période d'impiété ignorante et passionnée on passa de la négation de la Bible et de la révélation à l'attaque des vérités rationnelles, et on finit par l'athéisme; de même, dans la période d'impiété savante et calme qui commence, on passera peut-être de la révélation à la philosophie. Le temps n'est pas éloigné où le rationalisme flasque et bâtard qui domine aujourd'hui se transformera probablement en un nouveau sensualisme. Il tirera probablement son origine de l'Allemagne, destinée à donner une forme plus rigoureuse et plus savante aux opinions de Condillac, comme E. Kant perfectionna le psychologisme de Descartes, et Hégel le

panthéisme. Dejà, par quelques signes, on peut conjecturer que le sensualisme commence à s'y insinuer et à y être en honneur ; il devra sans doute l'emporter autant sur celui de Condillac et de Tracy, que l'herméneutique et la critique licencieuse d'Eichorn et de Gesenius surpassent celles de Voltaire et de Volney. Je désire dans tous les cas être un faux prophète, mais j'ai bien du mal à me persuader qu'un siècle dans lequel un ouvrage comme celui de Strauss obtenu une grande célébrité et les honneurs de la mode, ne soit pas destiné à finir par une réédition du système de la nature. Cela me paraît d'autant plus probable, que le rationalisme théologique est sensualiste par son principe, son génie, son essence, sa méthode, sa fin, quoiqu'au premier abord il paraisse tout différent.

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De l'habileté de P.-L. Courier dans sa langue et dans la connaissance des écrivains italiens.

Courier est peut-être le seul homme en France qui ait su écrire notre langue avec une élégante pureté. La preuve de ce que j'avance existe dans plusieurs de ses lettres, imprimées dans sa correspondance, et avec les réponses écrites en italien à des Italiens 1. On y voit, le dirai-je ?... Oui, je le dirai, pour que la honte nous corrige, on y voit que le littérateur français savait écrire la langue italienne beaucoup mieux que ses correspondants. Je crois qu'on peut en partie, attribuer à l'étude approfondie qu'il a faite de nos classiques, son mérite éminent dans la connaissance de sa propre langue; et au jugement de plusieurs de ses compatriotes, il n'y a point d'auteur postérieur au XVIe siècle qui puisse, en ce point, le surpasser ou l'égaler. En effet, les italianismes les plus gracieux sont nombreux dans

1 Euvres compl., Brux., 1836, tom. IV, p. 163, 164, 165, 166, 167, 168, 219 et 220.

le style de Courier, comme ils le sont plus encore chez Rabelais, Amyot, Montaigne, Charron, Etienne de la Béotie, et d'autres auteurs anciens. On connaît l'opinion de Courier sur les écrivains modernes de son pays; il disait entre autres choses dans une lettre « Gardez-vous bien de croire que quelqu'un ait » écrit en français depuis le règne de Louis XIV; la moindre D⚫ femmelette de ce temps-là vaut mieux pour le langage que » les Jean-Jacques, Diderot, d'Alembert, contemporains et pos» térieurs; ceux-ci sont tous des ânes bâtés, sous le rapport » de la langue, pour user d'une de leurs phrases; vous ne de>vez pas seulement savoir qu'ils ont existé 1. » Quant à l'italien, il l'appelait la plus belle des langues vivantes 2.

NOTE 12, P. 61.

Passage de Lessing sur la sobriété et la retenue des
écrivains anciens.

« C'est le privilége des anciens d'avoir traité de chaque chose » avec la mesure convenable. Mais nous avons souvent cru, > nous autres modernes, que nous surpasserions de beaucoup » nos maîtres, si nous convertissions en grandes routes battues » les chemins écartés où ils ne faisaient que des promenades; > au risque même de voir les véritables grands chemins plus » sûrs et plus directs changés à leur tour en simples sen» tiers 3. »

Ces considérations de Lessing peuvent être spécialement appliquées aux doctrines philosophiques.

NOTE 13, P. 92.

Sur l'utilité des bons journaux ecclésiastiques.

Il est une classe de lecteurs à laquelle un bon journal ecclé, siastique peut être très-profitable, c'est celle des curés de cam

1 Œuvres comp., Brux., 1836, t. IV, p. 387.

2 Lettre à M. Renouard.

3 Du Laocoon, trad. par Wanderbourgh, Paris, 1802, p. 12 et 13.

pagne. Ces hommes vénérables, qui font revivre sous nos yeux, au milieu de la corruption moderne, cette paternité patriarchale qui embellit les premiers jours du monde et fit l'éducation du genre humain; ces hommes qui ont mérité la sympathie et les hommages des écrivains les moins inclinés vers le sacerdoce, depuis Rousseau jusqu'à Weiss ; ces hommes-là, au milieu de leurs fatigues apostoliques, manquent souvent du temps et des secours nécessaires pour continuer des études plus sérieuses, supposé que la fortune leur ait permis de les commencer. Un livre qui resserre en un étroit espace tout ce qu'il y a de plus important et de plus utile dans la science, dans l'histoire de la religion, dans l'histoire contemporaine surtout, un livre qui soit comme un miroir fidèle de la plus vaste société qui existe au monde, je veux dire, de la chrétienté catholique, doit servir de secours utile à ceux qui sont la partie de cette grande république la plus précieuse et la plus méritante peutêtre, mais certainement la plus occupée. En Italie, où les moyens manquent souvent, mais où le bon sens et le bon vouloir ne manquent pas pour adopter autant que possible ce qu'il y a de bon dans les inventions de notre siècle, on connaît l'usage des bons journaux, et je suis heureux de pouvoir en citer un qui s'imprime dans ma province natale. Les compilateurs du Propagateur religieux sont d'autant plus dignes d'éloges, qu'ils joignent à la science, au talent, à la modération, au sentiment du bon et du beau, le zèle modeste qui porte à choisir entre différents emplois, non les plus apparents, mais les plus utiles en eux-mêmes, et les plus utiles à la patrie. Dans un siècle où les lettres sont un moyen de satisfaire à une vanité vulgaire ou à la cupidité, c'est une grande vertu de ne les employer qu'au bien public. Autant il faut mépriser les journalistes à âme vénale, ignorants et présomptueux, autant il faut louer, ce me semble, ceux qui, comme les auteurs du Propagateur, tendent à une fin plus noble, et savent mettre à la portée du grand nombre une érudition dont ils pourraient se faire honneur auprès des hommes d'élite. C'est là un talent peu apprécié, mais rare et difficile dans toute condition de temps et de fortune.

NOTE 14, P. 96.

Passage de Leibniz sur la liberté catholique des écrivains.

Leibniz, dont la modération et le talent égalaient la science, et dont les opinions, tout luthérien qu'il était, pouvaient faire rougir un grand nombre de catholiques ses contemporains; Leibniz, dans une de ses lettres au P. Des Bosses, jésuite, s'exprime ainsi : « Optarem...... concedi doctis, etiam vestris, > philosophandi libertatem, quæ emulationem parit et ingenia » excitat contra animi servitute dejiciuntur, neque aliquid » egregii ab eis expectes, quibus nihil indulgeas. Itaque Itali » et Hispani, quorum excitata sunt ingenia, tam parum in » philosophia præstant, quia nimis arctantur 1. » Cette sage liberté doit être d'autant plus précieuse aux catholiques, qu'eux seuls peuvent en user sans en redouter les abus, à cause de l'admirable constitution de l'Eglise, qui, par sa hiérarchie, peut concilier res olim dissociabiles, c'est-à-dire, la liberté dans les matières douteuses avec l'unité dans celles qui sont nécessaires, d'après la règle de saint Augustin.

NOTE 15, P. 108.

Plaintes de M. Cousin contre le clergé français.

<«< Ainsi, Messieurs, s'écrie M. Cousin, la piété la mieux » éprouvée ne suffit plus à protéger notre dernière heure. » Quelles qu'aient été notre vie et NOTRE FOI, si nous ne » rétractons pas toutes les maximes de l'église gallicane, si »> nous ne renions pas notre attachement aux lois, notre fidé» lité à l'état, nos derniers moments peuvent être privés de

1 Op. omn., éd. Dulens, tome 11, part. 1, p. 277.

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