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OLETAN

23 OCT 1967

VARIÉTÉS

LITTÉRAIRES,

OU

RECUEIL de Pièces, tant originales que traduites, concernant la Philosophie, la Littérature et les Arts.

CONSIDERATIONS

SUR

LES CORPS ORGANISÉS,

A l'occasion de l'ouvrage que M. BONNET, citoyen de Genève, a publié sous le même titre.

LES

Es anciens avoient voulu deviner comme nous les secrets de la nature; mais ils n'avoient point de fil pour se guider dans les détours de ce labyrinthe immense. Le secours des microsTome IV.

A

copes, l'anatomie comparée, deux siècles d'observations continuelles, ont été nos moyens; nous avons ouvert quelques portes de l'édifice, mais il nous est toujours arrivé la même chose qu'à ce curieux qui, dit-on, entra dans un tombeau où brûloit une lampe sépulcrale depuis deux mille ans; il marcha sur des ressorts qui renversèrent la lampe et l'éteignirent.

La nature s'y prend de plus d'une manière pour la génération des êtres qui végètent ou qui ont la vie; elle produit sans racines presque tous les arbres aquatiques; elle se sert de l'union des deux sexes dans tous les quadrupèdes et les bípèdes.

Il en est d'autres qui perpétuent leur race sans aucun accouplement. C'est assez, parmi plusieurs espèces de poissons, qu'un mâle passe par-dessus les œufs d'une femelle jetés au hasard sur le rivage pour que ces œufs soient fécondés. On voit des reptiles vivipares, d'autres ovipares.

Il y a des vermisseaux qui se multiplient par boutures; il y en a, comme plusieurs plantes, qu'on peut couper en plusieurs parties, et chaque partie reproduit une tête, et quelquefois une queue.

Ce que nous appelons des singularités est in

nombrable; tout doit paroître prodige, parce que tout est inexplicable.

M'apprendrez-vous jamais par quels subtils ressorts
L'éternel artisan fait végéter les corps?
Pourquoi l'aspic affreux, le tigre, la pantère
N'ont jamais adouci leur cruel caractère,
Et que, reconnoissant la main qui le nourrit,
Le chien meurt en léchant le maître qu'il chérit?
D'où vient qu'avec cent pieds, qui semblent inutiles
Cet insecte tremblant traîne ses pas débiles?
Pourquoi ce ver changeant se bâtit un tombeau,
S'enterre et ressuscite avec un corps nouveau,
Et, le front couronné, tout brillant d'étincelles,
S'élance dans les airs en déployant ses aîles (1)?

Platon tâcha d'expliquer le mystère de la génération par des simulacres réfléchis de la Divinité, par le nombre de trois et par le triangle. La saine physique nè s'accommode guère de ces triangles ni de ces simulacres. Hippocrate, abandonnant cette vaine métaphysique, regarda l'union des deux sexes et le mélange des principes de la vie de ces deux sexes comme la seule cause de la génération. Mais souvent un de ces deux sexes ne fournit point de ses prin

(1) Epître deVoltaire sur la Modération.

cipes, et combien d'animaux naissent sans cette union!

Descartes, dans son traité de la formation du foetus, n'examine pas seulement la question de la génération.

Harvey, le plus grand anatomiste de son temps, n'admit que le systême des œufs et prit pour devise, omnia ex ovo. Il dépeupla de biches les parcs du roi d'Angleterre; il disséqua les unes immédiatement après leur copulation, les autres après quelques heures, les autres après quelques jours; il crut voir l'origine de la formation, mais il ne la vit pas. Il prétendit de plus que le principe émané du mâle ne produisoit aucune altération dans les œufs des oiseaux, et Malpighi s'assura du contraire par l'expérience; mais Malpighi fut d'accord avec Harvey sur le systême des ovaires, c'est-à-dire, que toutes les femelles ont des œufs plus ou moins visibles, dans lesquels le fœtus est contenu. Cette opinion si vraisemblable de Harvey et de Malpighi fut universelle jusqu'au temps où Loewenhooke, Vallisnieri et plusieurs autres observateurs crurent trouver, à l'aide du microscope, dans les principes émanés du mâle, de petits animaux innombrables, s'agitant dans la liqueur avec une extrême vitesse.

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