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ment et presque sans altération du vers latin. Lorsque notre vers (1), dit-il, est composé d'onze syllabes, et que l'accent en frappe la sixième, il est pris du vers latin communément appelé endecasyllabe, dont la sixième et dixième syllabes sont nécessairement longues.

Cui dono lepidum novum libellum.
Canto l'arme pietose e'l Capitano.

Lorsque dans le même vers l'accent tombe sur la quatrième syllabe, il descend du vers saphique, dont la quatrième et la dixième syllabes sont longues de nécessité.

Jam satis terris nivis atque diræ,

Voi ch' ascoltate in rime sparse il suono.

la

Mais sans adopter les subtilités de Castelvetro, sans chercher l'origine de la rime ni dans la consonnance qu'introduisirent dans la chûte de leurs périodes les corrupteurs de l'éloquence latine; ni dans la prose latine, que rima pour première fois certain moine appelé Léon; ni dans la conquête de l'Espagne par les Maures, qui, selon quelques auteurs, répandirent la rime dans toute l'Europe; nous osons avancer

(1) Ch. 46 de l'impression de Naples, 1714.

que par-tout où des circonstances particulières n'ont pas rendu le rhythme musical tellement inhérent à la langue, que la langue ait toujours prescrit rigoureusement cette espèce de rhythme, la rime et le vers, tels que nous les avons, sont nés d'eux-mêmes dans les campagnes parmi les travaux et les fêtes. Le chant est naturel à l'homme, et il ne seroit difficile de prouver que la période purement musicale, telle

que

pas

la nature l'inspire, renferme et conséquemment assigne et prescrit et le nombre des syllabes et les repos et la rime qui constituent l'essence de notre vers. Mais les détails où nous serions obligés d'entrer pour donner à cette opinion le degré de force et d'évidence dont elle est susceptible, deviendroient immenses, et ne seroient d'ailleurs à la portée que du petit nombre de personnes qui sont également versées et dans l'art et dans l'histoire de la musique. Quoi qu'il en soit de l'origine de notre vers, les Provençaux passèrent pour l'avoir inventé; ce qui est certain, c'est que ce peuple vif, enjoué, spiri tuel et sensible, donna au vers tant de grace, d'harmonie et de variété, que sa langue se répandit dans toutes les cours de l'Europe.

Les Français, les Italiens, les Espagnols, et même les Allemands, cultivèrent la poésie pro

vençale. Les Italiens qui ne tardèrent pas d'en transporter le mécanisme et les procédés à leur propre langue, les étendirent encore et les perfectionnèrent; mais ils restèrent toujours fidèles à la rime; jusqu'à ce que le Trissin impatient d'un joug qu'il regardoit comme barbare, voulut entièrement effacer de la poésie de sa nation les couleurs provençales, en abo lissant les lois tyranniques de la rime.

Le Trissin avoit senti que dans le vers italien, indépendamment de l'harmonie, trop sensible et trop extérieure, qui résultoit de l'homophonie des désinences, il en étoit une infiniment plus fine et délicate qui naissoit du mouvement même du vers sur lequel la mobilité des accens répandoit une mesure réglée et cependant trèsvariée. La forme de notre vers alexandrin nous prive de cet inestimable avantage, są marche exige absolument le repos à la sixième syllabe, de sorte que le vers se trouve constamment divisé en deux portions égales; mais on ne conçoit pas pourquoi dans le vers de dix, qui seul devroit être employé dans la scène de nos drames lyriques, nous n'avons pas pris les mêmes libertés que les Italiens; ce seroit cependant l'unique moyen de forcer nos compósiteurs à jeter de la variété dans leurs récitatifs.

Les Espagnols et les Anglais ont trouvé dans leur langue toutes les ressources dont ils avoient besoin pour faire passer dans leur poésie les procédés hardis de la versification italienne. Mais les Allemands ont pris une route à part; les malheureux succès de ceux des Italiens et des Français qui avoient voulu rappeler la prosodie ancienne, ne les ont point découragés : l'abondance des voyelles empêcha l'italien de réussir. La fréquence des consonnes ne devroitelle pas former un plus grand obstacle encore pour l'allemand? Mais il ne nous convient pas de disputer à une nation le sentiment de l'harmonie qui convient à sa langue et à sa poésie. Un instrument que les Haller, les Zacharie, les Klopstock, ont employé avec tant de succès et d'éclat, est sans doute l'instrument le plus propre à la poésie allemande; et ne le fût-il pas, les ouvrages de ces grands hommes suffiroient pour le consacrer à jamais.

A.

ESSAI

SUR L'EXPÉRIENCE

EN MÉDECINE,

'D'après le traité que M. Zimmerman en à donné en langue allemande.

L'ART

'ART de guérir exige d'autant plus de pénétration qu'il est dirigé fort souvent par de simples vraisemblances, dont le plus haut degré ne sauroit être apperçu sans une extrême sagacité; d'ailleurs tous les pas d'un médecin habile ressemblent à des découvertes, eu égard à l'incertitude des principes qu'il est obligé de cal

culer.

Ce qu'il faut entendre par l'expérience en médecine, c'est l'habileté qu'on acquiert dans cet art à force de recueillir des observations et des épreuves bien faites, et surtout bien combinées.

C'est une erreur populaire d'imaginer que

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