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siaste des amateurs tiendroit -il un autre langage? Nous nous rappelons à ce sujet qu'un prélat de la maison Strozzi, voulant acheter à Rome une pierre gravée, antique et d'une beauté extraordinaire, et n'étant pas en état d'en payer sur-le-champ la valeur, laissa en gage son carrosse et ses chevaux, et avoua qu'il lui en eût moins coûté d'aller à pied toute sa vie que de se voir privé de cette pierre.

A.

OBSERVATIONS

SUR

LE CARACTÈRE DE XÉNOPHON,

ET SUR SES DIFFÉRENS OUVRAGES.

XENOPHON et PLATON, ces deux célèbres disciples de Socrate, ne purent se garantir d'une foiblesse malheureusement trop commune parmi les gens de lettres, la jalousie; mais Platon s'y livra avec moins de ménagement que Xénophon, peut-être parce qu'il s'étoit borné à un seul genre de gloire, celle de philosophe et d'écrivain; au lieu que son rival y joignoit celle d'habile et d'heureux capitaine.

Cette rivalité mérite d'être remarquée; le témoignage des deux disciples de Socrate en a bien plus de force dans les principes sur lesquels ils sont d'accord: or, à certains égards, leur autorité devient celle de la Grèce entière. En effet, les réflexions de ces deux grandshommes sur la politique, c'est-à-dire, sur l'art de former

Former et de gouverner les hommes, ne peuvent être regardées que comme le résultat et d'une longue expérience, et des observations qu'avoient faites sur cette expérience les plus grands philosophes de l'antiquité. Quelles leçons ne devoit pas fournir le parallèle des institutions que suivoient Athènes, Sparte, la Crète et tant de républiques, qui toutes, pour former des citoyens, employèrent des moyens différens et produisirent toutes des Grecs vraiment dignes de ce nom, quand ce nom fut le plus célèbre et le plus digne de sa célébrité.

Les ouvrages de Xénophon et de Platon, considérés sous ce point de vue, sont certainement les monumens les plus précieux qui nous restent de la sage antiquité, et c'est dans cet esprit qu'il faut les lire pour en sentir tout le mérite.

Vainement on dira que Platon n'a voulu traiter que de la justice, comme le porte le vrai titre de l'ouvrage auquel on a donné celui de République; il est évident que son but principal a été de donner un traité de politique. Il a posé une hypothèse pour mieux développer ses principes. Il est ridicule d'attaquer cette hypothèse, et c'est mal entendre ce profond écrivain que de la donner pour une comparaison

Tome IV.

K

uniquement destinée à rendre plus intelligible son systême sur la justice. Qu'on fasse voir l'absurdité de la république de Platon, on n'ôtera rien du mérite de son ouvrage; qu'on ne lui suppose d'autre intention celle de que

composer

un traité sur la justice, et on en fera un trèsmauvais écrivain.

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Il en faut dire à-peu-près autant de la Cyropédie ou de l'histoire de Cyrus par Xénophon. Quelque peine que se soit donnée Thomas Hutchinson pous assigner à cet ouvrage le plus haut degré d'authenticité historique qu'on puisse lui supposer, on ne sauroit se dissimuler que c'est moins une histoire qu'un traité politique, dans lequel l'auteur a eu en vue d'exposer les moyens les plus propres à former des citoyens justes et courageux, d'enseigner l'art de créer une armée et de mettre en action un général également sage et profond dans l'art de la guerre. Si c'étoit une histoire, on y verroit mille défauts que les autres ouvrages de Xénophon ne permettent pas d'imputer à ce philosophe : en effet, à quoi pourroient servir les conversations peu intéressantes qu'on y trouve, les détails minutieux où entre l'historien et dont on ne peut supposer qu'il ait été jamais instruit, les assertions qu'il hasarde sur les vues et les intentions de Cyrus,

sinon à déparer une histoire où tout devoit être grand et digne du héros de l'Asie?

Mais qu'on envisage la vie de Cyrus comme le canevas d'un traité méthodique; rien alors ne paroîtra déplacé dans cet ouvrage, et l'on n'y verra rien qui ne soit digne de celui qui dirigea la retraite des dix mille, et qui en écrivit l'histoire.

Ici Xénophon égale Platon, si même il ne le surpasse, dans le plan qu'il nous donne des parties les plus essentielles de l'administration. Quelle sagesse dans ses vues sur l'éducation nationale! quelle profondeur dans les principes qu'il établit sur l'art de créer la valeur et de l'entretenir par l'émulation la plus naturelle et la plus durable entre deux ordres, dont l'un, voué uniquement au métier des armes, parce qu'il est exempt des besoins pressans qui rappellent l'homme à la nécessité de subsister et conséquemment à l'amour de la vie, devient pour le reste de la nation un modèle de valeur et de désintéressement; tandis que l'autre, endurci par les travaux, devient brave par imitation, et respecte dans l'ordre supérieur et les vertus qu'il n'a pas au même degré, et l'aisance héréditaire qui en impose au peuple, et le droit

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