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nière d'instruire, dont Aristote a fait les plus grands éloges, fut pervertie par les disciples de Pythagore qui, pour s'attirer les regards et les hommages de la multitude, transformèrent leurs préceptes en énigmes. D'autres moins ambitieux et plus sages introduisirent un nouveau genre d'enseignement, lumineux, agréable et facile : ils mirent leurs préceptes dans la bouche des animaux : les plantes même et les êtres inanimés devinrent l'organe de la sagesse ; mais la plupart des philosophes, soit qu'ils craignissent de blesser les hommes puissans, soit qu'ils voulussent donner à leurs discours un air de mystère et de grandeur, eurent recours à l'allégorie, toujours plus obscure, et conséquemment moins utile que l'apologue.

Cette manière de présenter les êtres abstraits et purement intellectuels sous des images sensibles s'étendit aux branches les plus importantes de la philosophie. Ainsi, pour enseigner la nature de l'univers, l'immortalité de l'ame, l'existence des peines et des récompenses après la mort, les Egyptiens imaginèrent la métempsycose; doctrine que Pythagore transporta depuis en Italie, et que ses disciples, sur - tout les poëtes; altérèrent par tant d'extravagances et d'absurdités qu'elle perdit enfin toute croyance.

Malgré les différens moyens qu'on employa pour donner aux hommes des leçons utiles, la science des mœurs demeura très-imparfaite jusqu'au temps de Socrate. On voit par les dialogues de Platon qu'avant ce sage, on ne connoissoit encore ni la nature ni la force de la vertu, et qu'on n'avoit aucune idée du juste et de l'injuste. Socrate enseigna donc le premier aux humains que c'est de la nature même de l'homme que doivent se déduire tous ses devoirs; seul moyen de réduire la morale en systême.

A l'exemple de Socrate, tous les philosophes voulurent s'exercer sur la morale; parmi les différentes manières de traiter cette intéressante portion de la philosophie, examinons principalement quels furent à cet égard les sentimens de Platon, d'Aristote, de Zénon et d'Epicure.

Platon, homme d'un esprit vaste et d'une imagination ardente et poétique, uniquement livré à la contemplation des vérités universelles et éternelles, voulut transporter l'homme du monde sensible à l'univers intelligible, et proposa une forme de félicité, d'où ce philoşophe déduisit une morale qui ne peut convenir qu'aux esprits purs et entièrement affranchis des liens de la matière.

Aristote qui à une grande exactitude de rai

sonnement joignit une imagination très-réglée, envisagea l'homme tel qu'il est, et ne lui proposa que les devoirs qui conviennent à sa nature. Ainsi abandonnant cette vaste et chimérique société où Platon faisoit commercer les humains avec les dieux et les génies, il considéra l'homme dans l'état où il doit être, c'està-dire, dans l'état de société civile; il établit en conséquence les principes de la justice et de la vertu, et en déduisit exactement les devoirs essentiels de la morale.

Zénon, persuadé que l'ame humaine est une portion de la divinité, prétendit que la perfection de l'homme consiste à jouir de lui - même sans que rien puisse l'en empêcher; et comme, selon ce philosophe, tous les obstacles sont étrangers à notre nature et naissent uniquement des choses extérieures qui seules, disoit-il, sont soumises au destin, il voulut que son sage se concentrât tellement en lui-même qu'il se suffît tout seul et ne prît aucune espèce d'intérêt à tout ce qui se passe hors de lui.

Enfin Epicure, qui nia la puissance du destin et la providence des dieux, prétendit que l'homme, sans s'embarrasser du reste de l'univers, devoit s'occuper uniquement de lui-même et chercher à se rendre heureux. On sait que ce

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philosophe ne voyoit le bonheur que dans le plaisir; et comme un des plus grands obstacles au plaisir est le désir des choses superflues, d'où naissent les privations et des troubles toujours accompagnés d'un sentiment de douleur, il enseigna que la consistoit à modérer les désirs et à purger les passions. C'est ainsi qu'en partant de principes très-différens de ceux de Zénon, Epicure établit à-peu-près le même systême de morale.....

sagesse

S.

DISSERTATION

SUR

LE CABINET DE CICERON, D'APRÈS M. L'ABBÉ VENUTI.

CICERON étoit âgé d'environ quarante-trois ans lorsqu'il se proposa de former une bibliothèque et une collection d'antiquités. Il avoit rempli d'une manière distinguée les plus belles places de la république; il touchoit au moment d'obtenir le consulat; mais prévoyant les malheurs qui menaçoient la liberté de sa patrie, et faisant attention qu'il est un temps dans la vie où les seuls biens qui conviennent à l'homme sont la retraite et le repos, il s'occupa dès-lors des moyens propres à répandre de la douceur sur les momens de sa vieillesse. « Gardez-vous » bien », écrivoit-il à son intime ami Titus Pomponius Atticus, qui demeuroit alors à Athènes, « gardez-vous bien de promettre ou » de vendre votre bibliothèque à personne;

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