FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE BORDEAUX MM. BAUDRY-LACANTINERIE, *, O I., doyen, professeur de Droit civil. SAIGNAT,, Q I., professeur de Droit civil. BARCKHAUSEN, O. *, Q I., professeur de Droit administratif. DE LOYNES, I., professeur de Droit civil. VIGNEAUX, I., professeur d'Histoire du droit. LE COQ, *, I., professeur de Procédure civile. LEVILLAIN, QI., professeur de Droit commercial. DESPAGNET, Q I., professeur de Droit international public. DUGUIT, ◊ I., assesseur du doyen, professeur de Droit consti- DE BOECK, I., professeur de Droit romain. DIDIER, I., professeur de Droit maritime et de Législation industrielle. CHÉNEAUX, A., professeur adjoint, chargé du cours de Droit civil comparé et de Droit civil approfondi (Doctorat). SAUVAIRE-JOURDAN, agrégé, chargé des cours de Législation et Économie coloniales et d'Économie politique (Doctorat). BENZACAR, agrégé, chargé du cours d'Economie politique (Licence). MM. SIGUIER, A., secrétaire. PLATON, I., ancien élève de l'École des Hautes-Études, sous bibliothécaire. LALANNE,, commis au Secrétariat. COMMISSION DE LA THÈSE MM. DUGUIT, professeur, président. BARCKHAUSEN, professeur MONNIER, professeur suffragants. INTRODUCTION GÉNÉRALE Si d'une part la Nation ne se gouverne pas directement, si d'autre part elle ne cesse de prendre part en quelque façon à la formation de la loi, son organisation politique prend le nom général de système représentatif: il consiste essentiellement. dans la participation au pouvoir législatif d'un certain nombre d'individus désignés par la voix populaire. Le collège des élus apparut presque toujours comme la représentation de la Nation, mais d'aucuns ont nié cette représentation pour faire de ce collège un agent de l'Etat, l'agent législatif. Aujourd'hui le problème n'est point encore tranché et d'ores et déjà nous pouvons indiquer trois manières principales de résoudre la question. D'abord la théorie qui fait du député le mandataire de ses électeurs c'est la théorie du mandat impératif en honneur aux États Généraux de l'ancienne France, défendue encore aujourd'hui bien plus souvent par des hommes politiques que par des théoriciens. La théorie qui fait du député le mandataire non plus de sa circonscription mais de la Nation tout entière, et tout le Parlement mandataire de tout le pays, fut introduite en France par la législation révolutionnaire (article 34 du décret du 22 décembre 1789-janvier 1790). On la nomme théorie du mandat représentatif : on s'explique mal l'expression de mandat représentatif qui ne signifie rien par elle-même; nous la trouvons néanmoins sous la plume de plusieurs auteurs : ils entendent exprimer par ce pléonasme qu'il existe entre le Parlement et la Nation des rapports de représentant à représenté et que chaque député pris en particulier est le mandataire de toute la Nation mais comme tout mandataire qu'il est ce député ne s'oblige réellement par aucun mandat, on s'explique fort mal la qualification de ce système où le député en réalité n'est rien, c'est-à-dire jouit d'une fonction sui generis : néanmoins nous continuerons à nous servir de cette expression qui est commode. : Il est enfin une théorie que l'on ne trouve consacrée formellement par aucune loi constitutionnelle cette théorie, seule. conforme aux principes juridiques et seule justifiée par les faits, enseigne que le Parlement n'est qu'un collège de fonctionnaires de l'État, les fonctionnaires législatifs. Il n'est pas indifférent d'adopter l'une ou l'autre de ces conclusions l'intérêt juridique est considérable, puisqu'il s'agit de savoir quelle est la nature du lien qui unit le député à ses électeurs; et tout d'abord si c'est un lien de droit ou simplement un lien politique ainsi que l'enseigne Jellinek. Si c'est un lien juridique, le député est en quelque manière tenu envers ses électeurs; s'il n'y a pas de lien juridique envers les par électeurs, il faut alors trouver de qui lui viennent ses attributions. Si nous répondons : les attributions du député lui sont données l'État, le député devient un fonctionnaire. La distinction prend une très grande importance si l'on en considère les conséquences supposons qu'il s'élève une difficulté sur l'étendue des droits du député; d'après quelles règles devra-t-on la trancher? Question insoluble si on ne connaît la nature juridique de ses attributions. S'il est un mandataire on appliquera les règles du mandat; s'il est un fonctionnaire, les règles de la fonction publique. Mais aucune des Constitutions actuelles n'a pris soin de dénoncer la nature des attributions du député, et l'on serait vraiment fort embarrassé s'il s'agissait de trancher quelque difficulté. Supposons que la question se présente -elle s'est présentée en fait plusieurs fois - de savoir si le député est ou non révocable par la Chambre dont il fait partie. S'il est mandataire de sa circonscription, la Chambre ne peut rien contre lui, mais par contre il dépend de ses commettants et c'est ainsi qu'aux États Généraux de l'ancienne France, les règles du mandat civil s'appliquaient entièrement aux relations des députés et de leur bailliage. c'est le cas de la S'il s'agit d'un mandat représentatif plupart des législations modernes en l'absence d'un texte précis autorisant ou défendant la révocation du député, il est impossible de formuler une réponse certaine. On discuta beaucoup en France les révocations de Grégoire et de Manuel sous la Restauration; néanmoins, ces révocations furent prononcées. Et si maintenant le cas se présentait de députés notoirement indignes de remplir les hautes fonctions législatives, il est bien probable, il est même certain, que les Chambres refuseraient leur expulsion. Les principes auraient-ils donc changé? Assurément non : le principe du mandat représentatif appartient à la Constitution de 1875 comme à la Charte de 1814. On ne pourrait que supposer la volonté du législateur constitutionnel et l'on déciderait, à bon droit sans doute, que le législateur de 1875 n'admettait pas la révocation. des députés néanmoins, si la Chambre voulait bien l'entendre autrement, il serait assez difficile de taxer sa décision d'illégalité la question est donc insoluble. : Si le député est un fonctionnaire, ne doutons pas qu'il ne soit révocable en principe: s'il était même inamovible, il ne serait pas irrévocable, car les deux choses ne se confondent point. On peut donc admettre le droit d'expulsion au profit des Chambres législatives : c'est un exemple entre bien d'autres de l'intérêt juridique de la question: faut-il appliquer au député les règles du mandat ou celles de la fonction publique? Cette question est bien plus grosse encore de conséquences politiques; il s'agit de savoir si le député est tenu de ses votes devant ses électeurs, ou si, une fois élu, il est libre de voter suivant ses vues personnelles : mandataire, il est tenu; fonctionnaire, il n'est pas tenu; mandataire, il s'inspire des intérêts particuliers qu'il représente à la Chambre; fonctionnaire, il s'inspire des intérêts généraux suivant ses propres appréciations: c'est un intérêt capital, et nous considérons la liberté politique du député comme une des plus sûres garanties d'une bonne gestion des affaires politiques. " Nous nous attacherons donc à repousser tous les systèmes du mandat politique; nous verrons que ces systèmes reposent |