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sentir les ressources inépuisables de l'expression et de la pensée. Ces rapprocheL ments, ces contrastes, si magiques, si pittoresques dans la nature et dans les arts, ont dans les lettres le même charme, la même puissance, et sont dans l'enseignement, par leur agrément, leur utilité, un des moyens d'instruction les plus féconds et les plus heureux.

Pour répandre sur cet ouvrage le charme et le prix d'une plus riche variété, nous avons réuni aux auteurs fameux qui ne sont plus, les auteurs vivants dont les talents sont depuis longtemps consacrés par la gloire, et même ceux dont le nom, jeune encore, est déjà inauguré par elle à la célébrité.

En cela, nous n'avons fait aussi que nous conformer aux principes et aux idées des maîtres de l'art, Le Batteux (1), Rollin, etc. Ce dernier recommande de lire aux jeunes <gens les meilleurs ouvrages français, de <faire un recueil des plus beaux endroits, où l'utilité et l'agrément se trouvent en<semble, qui leur plairont infiniment par l'élégance du style et la variété des ma<tières, et leur feront connaître les savants <de notre langue qui ont travaillé à la porter à ce point de perfection où nous la voyons, et qui ont fait tant d'honneur ‹ à la France par leur profonde érudition ‹ et leurs curieuses découvertes en tout genre de sciences. Il me semble que l'université de Paris, la plus ancienne et « comme la mère et la source de toutes les

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Chaque morceau de ce Recueil, en offrant un exercice de lecture soignée, de mémoire, de déclamation, d'analyse, de développement oratoire, et de critique, est en même temps une leçon de vertu, d'humanité ou de justice, de religion, de dévouement au prince et à la patrie, de désintéressement ou d'amour du bien public, etc. Tout, dans ce Recueil, est le fruit du génie, du du talent, de la vertu; tout y respire et le goût le plus exquis et la morale la plus pure. Pas une pensée, pas un mot qui ne convienne à la délicatesse de la pudeur et à la dignité des mœurs. Cette lecture, pleine de charme et d'intérêt, perfectionnera aussi, achèvera l'éducation des jeunes personnes, leur donnera l'indication des ouvrages d'un grand nombre de nos meilleurs auteurs, et, pour la plupart d'entre elles, une teinture suffisante de notre littérature.

En un mot, tous les moyens de donner, soit au fond, soit à la forme et à l'exécution de l'ouvrage, tout l'agrément, toute l'utilité qu'il comporte, nous les avons recherchés, employés avec un zèle et un soin qu'inspirent seuls l'ardent désir du bien de la jeunesse et l'espoir de seconder efficacement les instituteurs et les institutrices, les pères et les mères de famille qui ont le loisir ou le besoin de s'occuper eux-mêmes, dans leurs foyers, de l'éducation de leurs enfants.

NOEL ET DE LA PLACE.

RÉSUME

DE

L'HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANÇAISE.

Indocti discant

les vainqueurs; cette poésie, née au sein des tempêtes et parmi les neiges des montagnes, n'a point la noble et harmonieuse beauté des chants grecs; elle est àpre, violente, orageuse, comme ses héros; mais elle a souvent une hauteur sublime et un caractère d'énergie remarquable. Les Bardes, les Scaldes, les poëtes

La critique moderne a imprimé un nouveau caractère à l'histoire de la littérature. Elle ne se contente pas aujourd'hui d'exposer les faits, elle cherche à les expliquer, et quelque rapide que puisse être le résumé qu'elle présente, elle doit donner le pourquoi de chaque époque et de chaque écrivain; c'est elle surtout qui prend pour devise: Scribitur non solùm ad narrandum, sed ad pro-gallois, tudesques et danois, les patriarches de la bandum.

Pour obéir à cette loi en traitant de la littérature française, il faut remonter à sa source, et étudier attentivement les influences qui dès l'abord lui donnèrent l'impulsion, et celles qui contribuèrent ensuite à la modifier successivement, depuis sa naissance jusqu'à l'époque actuelle.

littérature irlandaise, le vieil Ossian surtout, si l'œuvre de Macpherson tout entière n'est pas une fable, tirèrent de leurs harpes des accords qui ont retenti sans doute dans les chants les plus anciens de la tribu franque, et qui se sont conservés jusqu'à Charlemagne. C'est à l'influence de ce génie septentrional qu'il faut rapporter ce

L'origine de la nation, sa religion, son gou-qu'il y a tout à la fois d'énergique et d'abstrait, vernement, ses mœurs, enfin les grandes idées sociales qui, renfermées dans le domaine des théories, ou réalisées par les événements, affectèrent profondément son existence voilà les éléments dont la réunion servit à former la littérature française dans son principe, et sert à l'expliquer dans ses modifications successives.

Les Francs étaient une des tribus du Nord qui brisèrent les barrières élevées autour d'elles par le puissant génie de Rome, renversèrent cet empire gigantesque, et s'en partagèrent les débris. Il est évident que ce grand acte de force, que cette lutte si longue et si dramatique entre ce qu'on est convenu d'appeler la barbarie et la civilisation, dut être un fait aussi inspirateur que le premier choc entre l'Asie et la Grèce dans les plaines de Troie. Les Achilles et les Hectors du Septentrion n'ont point manqué d'Homères, et l'érudition allemande a tiré de leurs tombeaux les chantres qui animaient alors les combattants et exaltaient

de mélancolique et de galant dans les premières poésies des conquérants de la Gaule; car ces barbares, si terribles sur le champ de bataille, avaient souvent, dans une extase religieuse, contemplé la nature au bord de leurs lacs immenses et sous leur ciel nuageux, et ils rendaient aux femmes une sorte de culte que leur avaient transmis leurs ancêtres dès les temps les plus reculés.

Le christianisme fut un second élément poétique et littéraire qui s'unit au premier, et l'altéra sans l'effacer. En lui vinrent se fondre les couleurs brusques et tranchées de la poésie septentrionale. Il en adoucit la violence sanguinaire, l'indomptable rudesse; mais il lui conserva, le spiritualisant encore, son génie de méditation et de galanterie.

en

D'une autre part, le christianisme, qui présidait non-seulement au culte, mais à l'enseignement et à la plupart des transactions sociales, se servait rarement des idiomes populaires; il parlait

grec et surtout latin: la langue latine, familière d'ailleurs à la plus grande partie des peuples vaincus, resta donc la langue du culte, de l'instruction, des affaires publiques, des contrats privés. Il fallut, pour la cultiver, étudier les écrivains qui l'avaient employée dans les siècles antérieurs. L'esprit classique de l'antiquité romaine s'étendit peu à peu chez les peuples barbares à mesure que, pénétrant dans l'empire, ils embrassaient le christianisme, et que l'élite de leurs puissances intellectuelles s'adonnait à l'unique science de ces temps, à celle du moins qui comprenait toutes les autres, à la théologie.

Les dogmes chrétiens et les lois sociales de Rome, modifiées elles-mêmes sous Justinien, par l'influence du christianisme, sanctionnèrent, dans la suite, l'état politique préexistant dans le Nord, cet état qu'on a résumé en un seul mot, la féodalité, et qu'on a défini, en le considérant à son origine et sous le point de vue le plus général et le plus simple, le dévouement libre envers un homme libre qui rend en échange de cette servitude volontaire une protection généreuse.

De la consécration de la féodalité par le christianisme naquit la chevalerie, que les croisades portèrent à son plus haut point de développement. Si la lutte entre Rome et le Nord avait donné un élan extraordinaire au génie septentrional, la lutte entre le christianisme et l'islamisme développa de même le génie féodal et chevaleresque; elle y ajouta en même temps de nouveaux élé

ments.

La passion de voyages et d'aventureuses conquêtes, qui animait les croisés autant que l'ardeur du prosélytisme, les jota au milieu du merveilleux oriental, du platonisme d'Alexandrie et d'Antioche encore vivant sous la cendre, de la poésie arabe, non moins riche d'images mais plus chaude, plus sensuelle, plus enivrante que celle du Nord: une grande fusion s'opéra entre l'Asie et l'Europe. La littérature française ne resta pas étrangère à ces nouvelles influences qui s'exerçaient plus ou moins sur toutes les littératures européennes, mais elle sut garder cependant un caractère original, qui lui appartient en propre et qui brilla toujours parmi toutes ces bannières septentrionales, chrétiennes, classiques, féodales, chevaleresques, orientales, qu'elle arbora tour à tour ou simultanément, mais sans jamais déposer son étendard.

Ce caractère qui la domine dès sa naissance et reparaît sans cesse aux yeux qui suivent sa longue carrière, est le bon sens, fondé sur l'analyse philosophique et sociale, et souvent revêtu des formes de la plaisanterie. C'est dans la pensée une

singulière intelligence de la réalité des choses, une observation fine et profonde des hommes, une tournure d'esprit calme, raisonneuse, et par là même gaie et railleuse, car il n'y a de vraiment sérieux que la passion; dans le style, une inimitable clarté de langage, une tempérance extrême de figures et d'ornements. L'abus de ces qualités, c'est la minutie de l'analyse, la dignité de convention, la froideur et la monotonie; leur avantage, c'est la facilité à discerner et à s'approprier le bien partout où il se rencontre; c'est un éloignement égal pour ce qu'il y a de vague, d'obscur, de métaphysique dans l'enthousiame du Nord, d'efféminé et de délirant dans l'imagination passionnée du Midi, ou dans l'éclat éblouissant et mythique de l'Orient. Faut-il expliquer cette nature littéraire par le climat, par la situation mitoyenne du pays qu'habitent les Francs, par leur système de gouvernement, par cet esprit social qui leur est propre et qui ramène tout à une mesure exacte et précise? ou bien chaque peuple, comme chaque individu, apporte-t-il, en apparaissant au monde, un caractère primitif qui le distingue entre les peuples, ses frères, et qui ne s'efface plus? Quoi qu'il en soit, la lecture attentive des écrivains français fera aisément reconnaître la vérité de ces remarques dont la précision forcée d'un résumé n'admet point les preuves détaillées.

Des débris du celtique, la première langue des Gaules qui, en dépit des Romains, vivait encore dans les campagnes, du latin qui s'était naturalisé avec eux dans les villes, du tudesque que la victoire porta de tous côtés à la suite des barbares, se forma la langue romane. Cette langue ellemême se divisa en deux branches, le roman provençal et le roman wallon ou welche.

On les appela aussi l'un, langue d'oc, l'autre langue d'oil, d'après le mot qui servait dans les deux pays à exprimer la particule affirmative oui. La langue d'oc n'eut d'existence littéraire que du neuvième au treizième siècle; elle la dut aux troubadours. Après cette époque elle dégénéra en France, et finit par aller se perdre dans le patois provençal; le Catalan la prolongea en Espagne. La langue d'oil, cultivée surtout par les trouvères ou troubadours du Nord, et répandue dans toute l'ancienne Gaule par la double influence de la cour qui se fixa à Paris et de l'université de cette capitale, qui devint une des sources de science les plus fécondes pour l'Europe entière, forma dans ses perfectionnements successifs la langue française telle qu'elle existe aujourd'hui. C'est donc du roman wallon seul qu'il peut être question dans cet essai.

LITTÉRATURE FRANÇAISE

JUSQU'AU SEIZIÈME SIÈCLE.

CONTES ET POÉSIES LYRIQUES.

Les poëtes sont les premiers écrivains de toutes les nations. Les contes en vers et les chansons furent une des premières formes sous lesquelles la poésie se manifesta en France, forme vraiment nationale, produit naïf du sol où la grâce et l'imagination provençale se réunissent souvent à la gaieté sensée et piquante du Nord. Les dicts, les lais, les complaintes, les fabliaux, furent des sous-divisions du conte: les virelais, les ballades, et plus tard les triolets, les rondeaux, les quatrains, les chants royaux, etc., se rattachérent à la chanson. Les contes étaient des récits d'aventures chevaleresques ou pastorales, et plus souvent bourgeoises et comiques. La féerie du Nord n'était pas étrangère aux premiers; les désappointements conjugaux ou les gaillardises des moines faisaient presque toujours les frais des seconds. Les chansons étaient ou religieuses, morales, ou guerrières, ou bachiques; la plus grande partie étaient galantes et érotiques.

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La liste des trouvères qui s'exercèrent dans ces divers genres de poésie est très-considérable. Leur mérite, en général, 'c'est la naïveté, la franchise, la finesse, la gausserie; leur défaut, c'est le prosaïsme, la trivialité, et cette obscurité qui tient à l'imperfection du langage. Remontez jusqu'en onze cent quatre-vingt-treize, vous trouverez les chansons et les fabliaux de Gautier de Coinsi. Sous saint Louis et sous Philippe le Hardi, Rutebeuf écrivit le dict d'Aristote et quelques dialogues en vers, comme la Dispute du croisé et du décroisé. Jean de Boves, Durand, Cortebarbe, et Marie de France, le plus ancien de nos fabulistes, furent ses contemporains. Mais celui qu'on peut justement appeler le premier des poetes français, c'est Thibaut, comte de Champagne. La grâce, la pureté, la délicatesse de ses pastourelles, de ses tensons, et de ses reverdies ou chants de mai, lui méritent ce titre. Il est le chef de ces nobles poëtes qui crurent que l'éclat des talents ajoutait à l'éclat du nom. Près de lui

vinrent se ranger Charles d'Anjou, frère de saint Louis, le comte de Bretagne, le vidame de Chartres, le comte de La Marche, le châtelain de Coucy, monseigneur Gace Brulé, et dans les siècles suivants, Charles d'Orléans, digne rival du comte de Champagne en esprit comme en noblesse, et qui le surpassa par la correction de son langage, Jean duc de Bourbon, Philippe duc de Bourgogne, Jean duc de Lorraine et René d'Anjou qui fut depuis roi de Sicile.

Tandis que ces poëtes gentilshommes se rapprochaient surtout du genre des troubadours, les roturiers imitaient plutôt les trouvères. Parmi eux se distinguent Froissart, dont la prose est supérieure à ses essais de poésie; Olivier Bacelin qui crea le vau-de-Vire, dont on a fait depuis le vaudeville; Alain Chartier qui contribua au perfectionnement de la langue, sans mériter pourtant ce baiser historique dont l'honora la, Dauphine Marguerite d'Écosse pendant son sommeil, et la flatteuse justification qu'elle ajouta, en disant : Ce n'est pas à l'homme que j'en veux, mais à la précieuse bouche de laquelle sont issus et sortis tant de bons mots et vertueuses paroles. ›

Au reste, le quinzième siècle n'aurait rien à envier dans la poésie tendre et gracieuse à ceux qui l'ont suivi, si l'on parvenait à démontrer l'authenticité des écrits de Marguerite-ÉléonoreClotilde de Surville de Vallon-Chalys, la plus brillante étoile de cette pléiade de femmes-poëtes dont M. Vanderburgh a publié les frangments en 1802. Il est impossible de réunir à une plus profonde sensibilité, une plus exquise élégance de style; les Verselets à mon premier né, l'Héroïde à Bérenger, son époux, le Chant royal à Charles VII, plusieurs de ses rondeaux et de ses ballades sont les chefs-d'œuvre du genre ; mais la perfection matérielle de la versification, le savant enchainement et quelquefois la nature même des idées, empêchent de croire que le fond, non plus que la forme de l'ouvrage, appartienne au xve siècle.

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