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sort moins prospère. Son pied délicat se pose étourdiment sur une grappe de raisin, elle glisse : en vain elle étend ses bras, en vain elle se balance pour rétablir l'équilibre; elle tombe, et sa chute fut telle, qu'après s'être relevée à la hate,

Tage, parcourant une campagne ordinairement dépouillée, sèche, abandonnée, où l'ardeur du soleil dévore une végétation dure, courte, ligneuse, quand le souffle des tempêtes n'en élève pas une poussière rougeâtre qui pénètre les vêtements, et va donner sa teinte sinistre aux traits duelle courut cacher son visage dans le sein de sa

campagnard, ainsi qu'aux tristes bosquets d'yeuses
échappés à la destruction parmi des rocs dépouil-
lés, épars. Le vautour seul, entre les oiseaux car-
nassiers habitants de l'austère vallée, y domine
les airs, en menaçant des bandes malpropres de
mérinos, guidés par des pâtres plus malpropres
encore, malheureux et grossiers compagnons des
animaux qu'ils défendent, non-seulement contre
les loups, mais encore contre les nombreux lynx,
dont les monts de Grédos et les monts Lusita-
niques sont tous remplis. Nulle partie de l'Espagne
n'est plus sauvage ni plus pauvre que celle qu'on
feignit en être la plus riante et la plus riche,
et quelques points un peu moins déshérités de la
nature, qu'on rencontre çà et là le long du fleuve
que nous avons représenté tel qu'il est, ne sau-
raient lui mériter ce nom de Tage doré et cette
célébrité qu'on lui donna, en adoptant comme des
vérités les exagérations des poëtes.

BORY DE SAINT-VINCENT. Guide du Voyageur
en Espagne.

LES VENDANGES.

Vers la gauche, un riche et immense vignoble étale ses trésors. Le dieu du vin et celui des amours saluent à l'envi leur domaine tous deux sourient d'espérance. De joyeux vendangeurs ont déjà signalé, depuis l'aube du jour, leur bruyante allégresse par des ritournelles redoublées, et les actives vendangeuses à genoux, ou penchées près des ceps, détachent les grappes parfumées, et les entassent dans des paniers; ensuite des enfants et des jeunes filles les versent dans des hottes déjà humides et arrosées de ce jus, dont l'innocence apparente et la perfide douceur, semblables aux décevantes promesses du malicieux Amour, recèlent les éléments du délire et des querelles

odieuses.

Non loin de là, on voit un groupe d'autres jeunes filles qui s'amusent à charger outre mesure un pauvre villageois dont la physionomie un peu naïve excite le rire et la malice de l'essaim folâtre. Il fléchit sous le faix, il chancelle, le coteau est rapide; mais il se cramponne, il s'arrête à propos, et parvient sans accident jusqu'à la cuve, où il jette d'un seul coup d'épaule son lourd fardeau.

Une des jeunes espiègles, qui s'était montrée plus impitoyable que ses compagnes, éprouve un

mère.

Plus loin, un des vendangeurs déjà sur le retour fuit les atteintes d'une jeune fille à qui il vient d'adresser quelques paroles un peu libres. La jeune vendangeuse le poursuit: il veut esquiver son approche; elle le joint, le saisit, et, pour se venger, elle presse sur son visage barbu plusieurs grappes de raisin dont elle s'était armée dans sa course il détourne la tête, mais il n'en reçoit pas moins sur son front, dans ses yeux, la liqueur exprimée par la main de sa folâtre ennemie qui, hors d'haleine, vole rejoindre ses compagnes.

Au pied du coteau, on voyait assis auprès d'une table, et sous une épaisse feuillée, un groupe de vieillards qui, avec du vin et de jeunes pensées, se consolaient entre eux des ravages du temps. Ces souvenirs, ces douces réverbérations de la jeunesse sur l'âge avancé, semblables aux derniers rayons du soleil dans une soirée d'hiver, régénérent, par une sorte de palingénésie, hélas! trop fugitive, les premières émotions de la vie. C'est ainsi que l'astre du jour réchauffe de ses feux décroissants les membres appesantis du vieillard qui ne peut s'en approcher qu'avec lenteur, et qui ne les voit pas sans regret disparaître sous l'horizon. Enfin, avoir vu, avoir éprouvé, le dire, c'est voir, c'est éprouver encore. De là ces épanchements, ces ineffables effusions du cœur, ces doux projets pour l'avenir. Le père, jusqu'alors indécis, accorde, en remplissant le verre de son vieux voisin, sa fille bien-aimée au fils de son ancien ami, et l'Amour, du haut des airs, sourit au dieu des vendanges 1.

POUGENS. Les Quatre Ages, ch li

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bres. Leretroussis de leur feuillage faisait paraître chaque espèce de deux verts différents. Chacun a son mouvement. Le chêne au tronc roide ne courbe que ses branches, l'élastique sapin balance sa haute pyramide, le peuplier robuste agite son feuillage mobile, et le bouleau laisse flotter le sien dans les airs comme une longue chevelure. Ils semblent animés de passions: l'un s'incline profondément auprès de son voisin comme devant un supérieur, l'autre semble vouloir l'embrasser comme un ami; un autre s'agite en tous sens comme auprès d'un ennemi. Le respect, l'amitié, la colère, semblent passer tour à tour de l'un à l'autre comme dans le cœur des hommes, et ces passions versatiles ne sont au fond que les jeux des vents. Quelquefois un vieux chêne élève au milieu d'eux ses longs bras dépouillés de feuilles et immobiles. Comme un vieillard, il ne prend plus de part aux agitations qui l'environnent; il a vécu dans un autre siècle. Cependant ces grands corps insensibles font entendre des bruits profonds et mélancoliques. Ce ne sont point des accents distincts; ce sont des murmures confus comme ceux d'un peuple qui célèbre au loin une fête par des acclamations. Il n'y a point de voix dominantes: ce sont des sons monotones, parmi lesquels se font entendre des bruits sourds et profonds, qui nous jettent dans une tristesse pleine de douceur. Ainsi les murmures d'une forêt accompagnent les accents du rossignol, qui de son nid adresse des voeux reconnaissants aux amours. C'est un fond de concert qui fait ressortir les chants éclatants des oiseaux, comme la douce verdure est un fond de couleur sur lequel se déache l'éclat des fleurs et des fruits.

Ce bruissement des prairies, ces gazouillements des bois, ont des charmes que je préfère ux plus brillants accords; mon âme s'y abanlonne, elle se berce avec les feuillages ondoyants les arbres, elle s'élève avec leur cime vers les cieux, elle se transporte dans les temps qui les ont vus naître et dans ceux qui les verront mouir; ils étendent dans l'infini mon existence circonscrite et fugitive. Il me semble qu'ils me parlent, comme ceux de Dodone, un langage mystérieux; ils me plongent dans d'ineffables êveries qui souvent ont fait tomber de mes mains les livres des philosophes. Majestueuses Forêts, paisible solitude, qui plus d'une fois avez almé mes passions, puissent les cris de la guerre e troubler jamais vos résonnantes clairières ! 'accompagnez de vos religieux murmures que es chants des oiseaux, ou les doux entretiens es amis et des amants qui veulent se reposer ous vos ombrages.

BERNARDIN De saint-pierre. Harmonies de la Nature.

LES DÉSERTS DE L'ARABIE PÉTRÉE.

Qu'on se figure un pays sans verdure et sans eau, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l'oeil s'étend et le regard se perd, sans pouvoir s'arrêter sur aucun objet vivant; une terre morte et pour ainsi dire écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés; un désert entièrement découvert où le voyageur n'a jamais respiré sous l'ombrage, où rien ne l'accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante: solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forêts; car les arbres sont encore des êtres pour l'homme qui se voit seul plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes : il voit partout l'espace comme son tombeau; la lumière du jour, plus triste que l'ombre de la nuit, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l'horreur de sa situation, en reculant à ses yeux les barrières du vide, en étendant autour de lui l'abîme de l'immensité qui le sépare de la terre habitée; immensité qu'il tenterait en vain de parcourir : car la faim, la soif et la chaleur brùlante pressent tous les instants qui lui restent entre le désespoir et la mort.

BUFFON. Histoire du chameau.

MOYEN DE CONNAITRE LES GRANDS EFFETS DES VARIÉTÉS DE LA NATURE.

Ce n'est point en se promenant dans nos campagnes cultivées, ni même en parcourant toutes les terres du domaine de l'homme, que l'on peut connaître les grands effets des variétés de la nature c'est en se transportant des sables brûlants de la zone torride aux glacières des pôles; c'est en descendant du sommet des montagnes au fond des mers; c'est en comparant les déserts avec les déserts que nous la jugerons mieux, et l'admirerons davantage. En effet, sous le point de vue de ses sublimes contrastes, et des majestueuses oppositions, elle paraît plus grande en se montrant telle qu'elle est. Nous avons ci-devant peint les déserts arides de l'Arabie Pétrée; ces, solitudes nues où l'homme n'a jamais respiré sous l'ombrage, où la terre, sans verdure, n'offre aucune subsistance aux animaux, aux oiseaux, aux insectes, où tout paraît mort, parce que rien ne peut naître, et que l'élément nécessaire au développement des germes de tout être vivant ou végétant, loin d'arroser la terre par des ruisseaux d'eau vive, ou de la pénétrer

par des pluies fécondes, ne peut même l'humecter d'une simple rosée.

Opposons ce tableau d'une sécheresse absolue dans une terre trop ancienne, à celui des vastes plaines de fange, des savanes noyées du nouveau continent; nous y verrons par excès ce que l'autre n'offrait que par défaut : des fleuves d'une largeur immense, tels que l'Amazone, la Plata, l'Orénoque, roulant à grands flots leurs vagues écumantes, et se débordant en toute liberté, semblent menacer la terre d'un envahissement, et faire effort pour l'occuper tout entière. Des eaux stagnantes, et répandues près et loin de leur cours, couvrent le limon vaseux qu'elles ont déposé; et ces vastes marécages, exhalant leurs vapeurs en brouillards fétides, communiqueraient à l'air l'infection de la terre, si bientôt elles ne retombaient en pluies précipitées par les orages, ou dispersées par les vents. Et ces plages, alternativement sèches et noyées, où la terre et l'eau semblent se disputer des possessions illimitées, et ces broussailles de mangles, jetées sur les confins indécis de ces deux éléments, ne sont peuplées que d'animaux immondes qui pullulent dans ces repaires, cloaques de la nature, où tout retrace l'image des déjections monstrueuses de l'antique limon.

Les énormes serpents tracent de larges sillons sur cette terre bourbeuse; les crocodiles, les crapauds, les lézards, et mille autres reptiles à larges pattes, en pétrissent la fange; des millions d'insectes enflés par la chaleur humide en soulèvent la vase; et tout ce peuple impur, rampant sur le limon ou bourdonnant dans l'air qu'il obscurcit encore, toute cette vermine dont fourmille la terre, attire de nombreuses cohortes d'oiseaux ravisseurs dont les cris confondus, multipliés, et mêlés aux coassements des reptiles, en troublant le silence de ces affreux déserts, semblent ajouter la crainte à l'horreur, pour en écarter l'homme et en interdire l'entrée aux autres êtres sensibles; terres d'ailleurs impraticables, encore informes, et qui ne serviraient qu'à lui rappeler l'idée de ces temps voisins du premier chaos où les éléments n'étaient pas séparés, où la terre et l'eau ne faisaient qu'une masse commune, et où les espèces vivantes n'avaient pas encore trouvé leur place dans les différents districts de la nature.

LE MÊME. Description du Kamichi.

L'ÉCUREUIL.

L'écureuil est un joli petit animal qui n'est qu'à demi sauvage, et qui, par sa gentillesse, par sa docilité, par l'innocence de ses mœurs, mérite

rait d'être épargné; il n'est ni carnassier, ni nuisible, quoiqu'il saisisse quelquefois des oiseaux; sa nourriture ordinaire sont des fruits, des amandes, des noisettes, de la faîne et du gland; il est propre, leste, vif, très-alerte, très-éveillé, très-industrieux; il a les yeux pleins de feu, la physionomie fine, le corps nerveux, les membres très-dispos : sa jolie figure est encore rehaussée, parée par une belle queue en forme de panache, qu'il relève jusque dessus sa tête, et sous laquelle il se met à l'ombre. Il est, pour ainsi dire, moins quadrupède que les autres; il se tient ordinairement assis presque debout, et se sert de ses pieds de devant comme d'une main, pour porter à sa bouche; au lieu de se cacher sous terre, il est toujours en l'air; il approche des oiseaux par sa légèreté; il demeure comme eux sur la cime des arbres, parcourt les forêts en sautant de l'un à l'autre, y fait son nid, cueille les graines, boit la rosée, et ne descend à terre que quand les arbres sont agités par la violence des vents. On ne le trouve point dans les champs, dans les lieus découverts, dans les pays de plaine; il n'ap proche jamais des habitations; il ne reste point dans les taillis, mais dans les bois de hauteur, sur les vieux arbres des plus belles futaies. Il craint l'eau plus encore que la terre, et l'on assure que, lorsqu'il faut la passer, il se sert d'une écorce pour vaisseau, et de sa queue pour voile et pour gouvernail. Il ne s'engourdit pas. comme le loir, pendant l'hiver; il est en tout temps très-éveillé ; et, pour peu qu'on touche au pied de l'arbre sur lequel il repose, il sort de sa petite bauge, fuit sur un autre arbre, ou se cache à l'abri d'une branche. Il ramasse des noisettes pendant l'été, en remplit les trous, les fentes d'un vieux arbre, et a recours en hiver à sa provision; il les cherche aussi sous la neige qu'il détourne en grattant. Il a la voix éclatante et plus perçante encore que celle de la fouine; il a de plus un murmure à bouche fermée, un petit gro gnement de mécontentement qu'il fait entendre toutes les fois qu'on l'irrite. Il est trop léger pour marcher, il va ordinairement par petits sauts, et quelquefois par bonds; il a les ongles si pointus et les mouvements si prompts, qu'il grimpe en un instant sur un hêtre dont l'écorce est fort lisse.

LE CHEVREUIL.

LE MÊME.

Le cerf, comme le plus noble des habitants des bois, occupe dans les forêts les lieux ombrages par les cimes élevées des plus hautes futaies. Le chevreuil, comme étant d'une espèce plus infe rieure, se contente d'habiter sous des lambris

plus bas, et se tient ordinairement dans le feuillage épais des plus jeunes taillis; mais, s'il a moins de noblesse, moins de force, et beaucoup moins de hauteur de taille, il a plus de grâce, plus de vivacité et même plus de courage que le cerf; il est plus gai, plus leste, plus éveillé; sa forme est plus arrondie, plus élégante, et sa figure plus agréable; ses yeux surtout sont plus beaux, plus brillants, et paraissent animés d'un sentiment plus vif; ses membres sont plus souples, ses mouvements plus prestes, et il bondit sans effort, avec autant de force que de légèreté.

Il est encore plus rusé, plus adroit à se dérober, plus difficile à suivre; il a plus de finesse, plus de ressources d'instinct car, quoiqu'il ait le désavantage mortel de laisser après lui des impressions plus fortes, et qui donnent aux chiens plus d'ardeur et de véhémence d'appétit que l'odeur du cerf, il ne laisse pas que de savoir se soustraire à leur poursuite par la rapidité de sa première course et par ses détours multipliés. Il n'attend pas, pour employer la ruse, que la force lui manque dès qu'il sent, au contraire, que les premiers efforts d'une fuite rapide ont été sans succès, il revient sur ses pas, retourne, revient encore; et, lorsqu'il a confondu, par des mouvements opposés, la direction de l'aller avec celle du retour, lorsqu'il a mêlé les émanations présentes avec les émanations passées, il se sépare de la terre par un bond, et, se jetant à côté, il se inet ventre à terre, et laisse, sans bouger, passer près de lui la troupe entière de ses ennemis ameutés.

LE MÊME.

ments et par ses cris l'impatience de combattre et le désir de vaincre; marchant ensuite en silence, il cherche à reconnaitre le pays, à découvrir, à surprendre l'ennemi dans son fort; il recherche ses traces, il les suit pas à pas, et par des accents différents indique le temps, la distance, l'espèce, et même l'àge de celui qu'il poursuit.

Le chien, indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent lui attirer les regards de l'homme. Ün naturel ardent, colère, même féroce et sanguinaire, rend le chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède, dans le chien domestique, aux sentiments les plus doux, au plaisir de s'attacher et au désir de plaire; il vient en rampant mettre aux pieds de son maître son courage, sa force, ses talents; il attend ses ordres pour en faire usage; il le consulte, il l'interroge, il le supplie; un coup d'œil suffit, il entend les signes de sa volonté sans avoir, comme l'homme, la lumière de la pensée, il a toute la chaleur du sentiment, il a de plus que lui la fidélité, la constance dans ses affections: nulle ambition, nul intérêt, nul désir de vengeance, nulle crainte que celle de déplaire; il est tout zèle, tout ardeur et tout obéissance; plus sensible au souvenir des bienfaits qu'à celui des outrages, il ne se rebute pas par les mauvais traitements; il les subit, les oublie, ou ne s'en souvient qué pour s'attacher davantage; loin de s'irriter ou de fuir, il s'expose de luimême à de nouvelles épreuves; il lèche cette main, instrument de douleur, qui vient de le frapper; il ne lui oppose que la plainte, et la désarme enfin par la patience et la soumission. LE MÊME. Quadrupèdes.

LE CHIEN.

Le chien, fidèle à l'homme, conservera toujours une portion de l'empire, un degré de supériorité sur les autres animaux ; il leur commande, il règne lui-même à la tête d'un troupeau, il s'y fait mieux entendre que la voix du berger; la sûreté, l'ordre et la discipline sont le fruit de sa vigilance et de son activité; c'est un peuple qui lui est soumis, qu'il conduit, qu'il protége, et contre lequel il n'emploie jamais la force que pour y maintenir la paix. Mais c'est surtout à la guerre, c'est contre les animaux ennemis ou indépendants, qu'éclate son courage, et que son intelligence se déploie tout entière. Les talents naturels se réunissent ici aux qualités acquises. Dès que le bruit des armes se fait entendre, dès que le son du cor ou la voix du chasseur a donné le signal d'une guerre prochaine, brûlant d'une ardeur nouvelle, le chien marque sa joie par les plus vifs transports; il annonce par ses mouve

MÊME SUJET.

Le chien est le modèle, le vrai prototype de l'amitié. Chaque espèce se distingue par un attribut particulier qui est, pour ainsi dire, un hommage rendu à ce noble et généreux sentiment : l'une est spécialement vouée à la garde des troupeaux, et le berger solitaire lui confie sans crainte ses plus chères espérances; l'autre veille autour de notre demeure, et nous donne la sécurité au milieu de nos immenses possessions. Nous dormons sur la foi de son instinct vigilant et protecteur. Le chien fait tourner tous les jours au profit de l'homme les dons les plus rares dont la nature l'a comblé. Il cherche, il interroge, il suit prudemment les traces de la proie que poursuit l'avide chasseur. On dirait que l'attachement qu'il porte à son maître aiguise en quelque sorte toutes les finesses de son odorat. Il s'expose pour lui,

quand il s'agit de combattre les plus terribles habi- | gloire des combats aussi intrépide que son tants des forêts, et lui dévoue à chaque instant son infatigable intrépidité.

Mais considérons plutôt ces courageux animaux au milieu des glaciers du mont Saint-Bernard, prêtant assistance aux voyageurs qui s'égarent. les guidant au sein des ténèbres, leur créant des routes au milieu des torrents, à travers mille abimes, et partageant avec les hommes les plus vénérés les soins périlleux d'une bienfaisance hospitalière.

Voyez les chiens de Terre-Neuve s'élancer dans les flots, affronter le courroux des vagues, braver le déchaînement des vents et de la tempête, se réunir pour mieux résister au courant des fleuves, plonger dans les gouffres de la mer, et ramener vers le rivage les malheureux naufragés.

Qui n'a pas entendu parler des chiens de la Sibérie? Il semble néanmoins qu'on n'ait pas assez célébré leur intelligence, leur dévouement, leurs services, leur générosité. Ces animaux servent à la fois pour les Samoïèdes de bêtes de somme et de bêtes de trait. Ils manifestent une étonnante vigueur, et transportent des fardeaux à des distances prodigieuses. On les attelle à des traîneaux. Plus lestes que nos coursiers, ils savent se frayer des issues au travers des routes les plus escarpées. Ils ne font qu'effleurer le sol, et passent rapidement sur la neige sans jamais l'enfoncer. Aussi sobres que laborieux, il leur suffit, pour se nourrir, de quelques poissons qu'on fait mariner, et qu'on met ensuite en réserve. Mais, ce qu'il y a de merveilleux dans les habitudes de ces bons chiens, c'est qu'ils restent libres et livrés à euxmêmes tout le cours de leur été. Tant qu'on n'a pas besoin de leur assistance, ils vivent de leur seule industrie. Ce n'est qu'à un signal qu'on leur donne, après l'apparition des premiers froids, qu'ils accourent affectueusement auprès de leurs maîtres, pour leur rendre tous les services dont ceux-ci ont besoin. Ils les dirigent pendant les ténèbres de la nuit, et au milieu des plus terribles orages. Quand les Samoïedes tombent engourdis sur la terre couverte de frimas, leurs chiens viennent les couvrir de leurs corps, et leur communiquer leur chaleur naturelle. Mais que fait l'homme, partout si ingrat, pour tant de bons offices? Il attend que ces animaux deviennent vieux pour exiger leur peau, et pour s'en revêtir.

ALIBERT. Physiologie des passions.

:

maître, le cheval voit le péril et l'affronte; il se fait au bruit des armes, il l'aime, il le cherche, et s'anime de la même ardeur. Il partage aussi ses plaisirs à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étincelle. Mais, docile autant que courageux, il ne se laisse pas emporter à son feu; il sait réprimer ses mouvements : nonseulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs; et, obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'arrête, et n'agit que pour y satisfaire. C'est une créature qui renonce à son être pour n'exister que par la volonté d'un autre; qui sait même la prévenir; qui, par la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l'exécute; qui sent autant qu'on le désire, et ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède, et même meurt pour mieux obéir 1.

LE CHEVAL DOMPTÉ.

BUFFON.

Voyez ce cheval ardent et impétueux : pendant que son écuyer le conduit et le dompte, que de mouvements irréguliers! C'est un effet de son ardeur, et son ardeur vient de sa force, mais d'une force mal réglée. Il se compose, il devient plus obéissant sous l'éperon, sous le frein, sous la main qui le manie à droite et à gauche, le pousse, le retient comme elle veut. A la fin il est dompté il ne fait que ce qu'on lui demande : il sait aller le pas, il sait courir, non plus avec cette activité qui l'épuisait, par laquelle son obéissance était encore désobéissante. Son ardeur s'est changée en force, ou plutôt, puisque cette force était en quelque façon dans cette ardeur, elle s'est réglée. Remarquez: elle n'est pas détruite, elle se règle; il ne faut plus d'éperon, presque plus de bride; car la bride ne fait plus l'effet de dompter l'animal fougueux ; par un petit mouvement, qui n'est que l'indication de la volonté de l'écuyer, elle l'avertit plutôt qu'elle ne le force, et le paisible animal ne fait plus, pour ainsi dire, qu'écouter: son action est tellement unie à celle de celui qui le mène, qu'il ne s'ensuit plus qu'une seule et même action.

BOSSUET. Méditations sur l'Evangile.

LE CHEVAL.

La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal, qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la

LA CHÈVRE ET LA BREBIS.

Là chèvre a, de sa nature, plus de sentiment et de ressource que la brebis; elle vient à

1 Voyez, Descriptions en vers, le Cheval.

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