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Je comptai, sans changer de place, plus de vingt | sortes d'insectes dans un fort petit espace, et pour le moins autant de diverses plantes. Je pris un de ces insectes, dont je ne sais point le nom, et peut-être n'en a-t-il point: car les hommes, qui donnent divers noms, et souvent de trop magnifiques, à tout ce qui sort de leurs mains, ne croient pas seulement devoir nommer les ouvrages du Créateur qu'ils ne savent point admirer. Je le considérai attentivement; et je ne crains point de vous dire de lui ce que JésusChrist assure des lis champêtres, que Salomon, dans toute sa gloire, n'avait point de si magnifiques ornements. Après que j'eus admiré quelque temps cette petite créature si injustement méprisée, et même si indignement et si cruellement traitée par les autres animaux, à qui apparemment elle sert de pâture, je me mis à lire un livre que j'avais sur moi, et j'y trouvai une chose fort étonnante: c'est qu'il y a dans le monde un nombre infini d'insectes pour le moins un million de fois plus petits que celui que je venais de considérer, cinquante mille fois plus petits qu'un grain de sable.

MINUIT.

MALFBRANCHE.

L'horloge du clocher de Saint-Philippe sonna lentement minuit; je comptai l'un après l'autre chaque tintement de la cloche, et le dernier m'arracha un soupir. Voilà donc, me dis-je, un jour qui vient de se détacher de ma vie, et quoique les vibrations décroissantes du son de l'airain frémissent encore à mon oreille, la partie de mon voyage qui a précédé minuit est déjà tout aussi loin de moi que le voyage d'Ulysse ou celui de Jason; dans cet abime du passé, les instants et les siècles ont la même longueur; et l'avenir a-t-il plus de réalité ? Ce sont deux néants entre lesquels je me trouve en équilibre comme sur le tranchant d'une lame. En vérité, le temps me paraît quelque chose de si inconcevable que je scrais tenté de croire qu'il n'existe réellement pas, et que ce qu'on nomme ainsi n'est autre chose qu'une punition de la pensée.

Je me réjouissais d'avoir trouvé cette définition du temps, aussi ténébreuse que le temps luimême, lorsqu'une autre horloge sonna minuit ; ce qui me donna un sentiment désagréable. Il me reste toujours un fond d'humeur lorsque je me suis occupé d'un problème insoluble, et je trouvai fort déplacé ce second avertissement de la cloche à un philosophe comme moi; mais j'éprouvai décidément un véritable dépit quelques secondes après, lorsque j'entendis de loin une troisième

cloche, celle du couvent des Capucins, situé sur l'autre rive du Pò, sonner encore minuit comme par malice.

Lorsque ma tante appelait une ancienne femme de chambre un peu revêche qu'elle affectionnait cependant beaucoup, elle ne se contentait pas dans son impatience de sonner une fois, mais elle tirait sans relâche le cordon de la sonnette jusqu'à ce que la servante parût. Arrivez donc, mademoiselle Brauchet!» et celle-ci, fàchée de se voir presser ainsi, venait tout doucement, et répondait avec beaucoup d'aigreur avant d'entrer au salon On y va, madame, on y va. › Tel fut aussi le sentiment d'humeur que j'éprouvai lorsque j'entendis la cloche indiscrète des Capucins sonner minuit pour la troisième fois. Je le sais! m'écriai-je en étendant les mains du côté . de l'horloge; oui, je le sais, je sais qu'il est minuit, je ne le sais que trop.›

C'est, il n'en faut pas douter, par un conseil insidieux de l'esprit malin que les hommes ont chargé cette heure de diviser leurs jours: renfermés dans leurs habitations, ils dorment ou s'amusent, tandis qu'elle coupe un des fils de leur existence; le lendemain ils se lèvent gaiement, sans se douter le moins du monde qu'ils ont un jour de plus. En vain la voix prophétique de l'airain leur annonce l'approche de l'éternité, en vain elle leur répète tristement chaque heure qui vient de s'écouler; ils n'entendent rien, ou s'ils entendent, ils ne comprennent pas. O minuit!... heure terrible!... Je ne suis pas superstitieux, mais cette heure m'inspira toujours une espèce de crainte, et j'ai le pressentiment que si jamais je venais à mourir, ce serait à minuit. Je mourrai donc un jour! Comment? Je mourrai? Moi qui parle, moi qui me sens et qui me touche, je pourrais mourir? J'ai quelque peine àle croire; car enfin, que les autres meurent, rien n'est plus naturel, on voit cela tous les jours; on les voit passer, on s'y habitue, mais mourir soi-même ! mourir en personne! c'est un peu fort. Et vous, messieurs, qui prenez ces réflexions pour du galimatias, apprenez que telle est la manière de penser de tout le monde, et la vôtre à vous-mêmes. Personne ne songe qu'il doit mourir; s'il existait une race d'hommes immortels, l'idée de la mort les effrayerait plus que nous.

X. DE MAISTRE.

L'HOMME AU MILIEU DE LA CRÉATION.

Lorsque Dieu plaça sur la terre l'homme nu et désarmé, ce fils de la création, qui allait en être le roi, ne se distinguait du reste des êtres vivants par aucun indice de sa future grandeur.

Peut-être même avait-il plus de faiblesse et de misère. Ne pouvant ni se perdre au fond des eaux, ni traverser rapidement les airs, il ne pouvait pas davantage échapper, comme le ciron, par sa petitesse, aux attaques de la bête fauve; saisir une proie comme le renard; combattre comme le lion; fuir comme la gazelle; franchir les marécages, les ravins escarpés, en courant, comme l'écureuil, de branche en branche, de forêt en forêt, d'un bout des continents à l'autre. Sans défense contre les feux du Midi et contre les froids du Nord, en butte à tous les périls, à toutes les souffrances, la race humaine ne semblait jetée sur la terre, par un caprice cruel du sort, que pour disparaître aussitôt, dévorée par les fléaux dont elle se voyait assaillie. Si les autres enfants de la création avaient eu un langage, ils auraient dit:

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Quel est cet être chétif, dont la peau sans duvet sera brûlée par les premiers rayons du jour, trempée par la première rosée des nuits, lacérée par les moindres frimas? Sa bouche n'est bonne tout au plus qu'à lacérer les membres d'ennemis déjà terrassés. Sa main n'a point d'armes pour les saisir vivants et les déchirer. Son pied, nu comme tout le reste, n'est propre, ni à le défendre, ni presque à le soutenir un caillou, une ronce suffiront pour l'ensanglanter. Son œil éclaire peut-être les espaces lointains, mais ne saurait que par un effort suivre le sol qui fuit sous ses pas; ce n'est d'ailleurs qu'un flambeau incomplet qui <ne s'allume qu'au feu du soleil, et s'éteint avec fui il perd toutes ses lumières quand elles sont les plus utiles, dans l'obscurité. Sa longue chevelure n'est point un vêtement ni une défense; cet ornement funeste semble-t-il autre chose qu'un embarras, qu'un piége qu'il porte avec lui, dans lequel il se prendra sans cesse, s'il essaye de fuir sous l'abri des forêts?

Poursuivi par la faim, par la pluie, par l'un de nous, quelle sera sa nourriture? Où cherchera-t-il un refuge? Il tentera de cueillir un fruit, de trouver un asile sur les branches d'un arbre protecteur. Mais comment ses membres délicats pourront-ils embrasser l'apre et vaste ⚫trone? Son corps s'épuisera de sueur et de sang dans ce travail, pour nous si facile. Ses pieds ne s'attacheront pas, dans le sommeil, comme ceux de l'oiseau, au rameau battu par la tempête. Il n'osera se livrer au repos; et l'aigle, qui le découvrira dans le feuillage, ira le <déchirer de sa serre impitoyable; l'ours montera jusqu'à la cime, pour le saisir et le dévorer; l'éléphant l'atteindra de la trompe dans sa retraite impuissante; le serpent dont il aura troublé le nid l'enlacera de ses nœuds, et le

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brisera, avec sa compagne, contre le tronc hospitalier. Voudrait-il fuir sous les eaux? II ne peut y vivre; les traverser pour chercher asile sur d'autres bords? L'hirondelle franchit l'Océan, l'alcyon habite un pli de la vague, mille insectes courent au travers des flots; mais lui, il périrait à quelques brasses du rivage, si même les monstres des mers le laissaient envahir leur domaine. L'empire des eaux et celui des airs sont également inaccessibles pour lui; et sur la face de la terre, impuissant à la défense comme à l'attaque, inhabile à se ‹ nourrir comme à se venger, faible jouet du plus faible d'entre nous, il n'aura vu la lumiere que pour souffrir, trembler et mourir!> Mais Dieu avait dit à l'homme, en le créant à sa ressemblance et en le bénissant : « Crois et multiplie! remplis la terre, subjugue-la! Règne sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur tous les êtres vivants qui se meuvent sur la terre! >

Dieu avait dit. Peu de temps s'écoula, et les créatures robustes, armées, terribles, fuyaient de toutes parts. La créature débile et nue avait su poursuivre, atteindre, dompter les monstres de l'air et ceux de l'Océan. L'oiseau abattu, le poisson dévoré, lui fournissaient la plume et l'arête qui mettaient à la portée de son bras les hôtes les plus rapides des forêts. Ami dévoué, sentinelle obéissante, le chien faisait la garde à ses côtés, et donnait la vie pour sa vie. Le tigre le vêtissait de sa peau. La cavale le nourrissait de son lait et de sa chair. Le taureau, l'âne, l'éléphant, le dromadaire, domptés, formaient autour de lui en quelque sorte une famille d'esclaves, qui employaient à l'envi leur force patiente à le servir. Toute la nature vivante semblait, comme autant d'artisans dociles, n'avoir d'autre tâche que d'aplanir devant lui les obstacles, de rapprocher les distances, de lui chercher, sur la surface de la terre et dans son sein, des richesses et des jouissances toujours nouvelles. Le chameau, le renne, le cheval, cette noble conquête, transportaient au gré de ses vœux les plus lourds fardeaux, les matériaux les plus utiles, et au besoin, lui-même, d'une extrémité des continents à l'autre. Déjà le caillou lui avait donné l'étincelle, qui triomphait des hivers, éclairait l'obscurité des nuits, mettait des plaines fécondes à la place des forêts immenses des premiers temps, assouplissait le fer et l'or, changeait les métaux, arrachés par lui du sein de la terre bruts et inutiles, en haches, en glaives, en charrues, plus tard en monnaies précieuses. Le pin, descendu à sa voix du haut des montagnes dans le sein des mers, prenait, sous ses auspices, possession de l'Océan, et, formant sur la face des flots comme

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des ponts mobiles, comme des comptoirs alliés, rapprochait tout ce que Dieu semblait avoir séparé, les terres, les races, les plantes, les trésors divers. Une rame et un gouvernail lui suffirent pour mettre en commun toutes les moissons, toutes les richesses, toutes les contrées de l'univers.

Il fallut moins de trente siècles, suivant toute apparence, pour accomplir ces changements magnifiques. Au bout de ce temps, des nations s'étaient formées. L'Europe, l'Asie, l'Afrique comptaient sur leurs communes frontières de vastes et florissants empires. La race humaine, autrefois errante et grossière, élevait maintenant les pyramides pour loger sa dépouille, enfantait l'Iliade et croyait en Dieu.

N.-A. DE SALVANDY.

L'UNION ENTRE LES HOMMES.

Lorsqu'un arbre est seul, il est battu des vents et dépouillé de ses feuilles; et ses branches, au lieu de s'élever, s'abaissent comme si elles cherchaient la terre.

Lorsqu'une plante est seule, ne trouvant point d'abri contre l'ardeur du soleil, elle languit et se dessèche, et meurt.

Lorsque l'homme est seul, le vent de la puissance le courbe vers la terre, et l'ardeur de la convoitise des grands de ce monde absorbe la séve qui le nourrit.

Ne soyez donc point comme la plante et comme l'arbre qui sont seuls mais unissezvous les uns aux autres, et appuyez-vous, et abritrez-vous mutuellement.

Tandis que vous serez désunis, et que chacun ne songera qu'à soi, vous n'avez rien à espérer que souffrance, et malheur, et oppression.

Qu'y a-t-il de plus faible que le passereau, et de plus désarmé que l'hirondelle? Cependant, quand paraît l'oiseau de proie, les hirondelles et les passereaux parviennent à le chasser, en se rassemblant autour de lui, et le poursuivant tous ensemble.

Prenez exemple sur le passereau et sur l'hirondelle.

Celui qui se sépare de ses frères, la crainte le suit quand il marche, s'assied près de lui quand il repose, et ne le quitte pas même durant son sommeil.

Donc, si l'on vous demande : Combien êtesvous? Répondez: Nous sommes un, car nos frères c'est nous, et nous c'est nos frères.

Dieu n'a fait ni petits ni grands, ni maîtres ni esclaves, ni rois ni sujets il a fait tous les hommes égaux.

Mais, entre les hommes, quelques-uns ont plus de force ou de corps ou d'esprit, ou de volonté, et ce sont ceux-là qui cherchent à s'assujettir les autres, lorsque l'orgueil ou la convoitise étouffe en eux l'amour de leurs frères.

Et Dieu savait qu'il en serait ainsi, et c'est pourquoi il a commandé aux hommes de s'aimer, afin qu'ils fussent unis, et que les faibles ne tombassent point sous l'oppression des forts.

Car celui qui est plus fort qu'un seul sera moins fort que deux, et celui qui est plus fort que deux sera moins fort que quatre; et ainsi les faibles ne craindront rien, lorsque, s'aimant les uns les autres, ils seront unis véritablement.

Un homme voyageait dans la montagne, et il arriva en un lieu où un gros rocher, ayant roulé sur le chemin, le remplissait tout entier, et hors du chemin il n'y avait point d'autre issue, nì à gauche ni à droite.

Or, cet homme voyant qu'il ne pouvait continuer son voyage à cause du rocher, essaya de le mouvoir pour se faire un passage, il se fatigua beaucoup à ce travail, et tous ses efforts furent vains.

Ce que voyant, il s'assit plein de tristesse et dit: Que sera-ce de moi lorsque la nuit viendra et me surprendra dans cette solitude, sans nourriture, sans abri, sans aucune défense, à l'heure où les bêtes féroces sortent pour chercher leur proie?

Et, comme il était absorbé dans cette pensée, un autre voyageur survint, et celui-ci, ayant fait ce qu'avait fait le premier et s'étant trouvé aussi impuissant à remuer le rocher, s'assit en silence et baissa la tête.

Et après celui-ci, il en vint plusieurs autres, et aucun ne put mouvoir le rocher, et leur crainte à tous était grande.

Enfin, l'un d'eux dit aux autres : Mes frères, prions notre Père qui est dans les cieux; peutêtre qu'il aura pitié de nous dans cette détresse.

Et cette parole fut écoutée, et ils prièrent de cœur le Père qui est dans les cieux.

Et, quand ils eurent prié, celui qui avait dit : Prions, dit encore: Mes frères, ce qu'aucun de nous n'a pu faire seul, qui sait si nous ne le ferons pas tous ensemble?

Et ils se levèrent, et tous ensemble ils poussèrent le rocher, et le rocher céda, et ils poursuivirent leur route en paix.

Le voyageur c'est l'homme, le voyage c'est la vie, le rocher ce sont les misères qu'il rencontre à chaque pas sur sa route.

Aucun homme ne saurait soulever seul ce rocher; mais Dieu en a mesuré le poids de manière qu'il n'arrête jamais ceux qui voyagent ensemble.

LA MENNAIS.

LA TOLERANCE.

On a vu des temps où l'homme, en égorgeant l'homme dont les croyances différaient des siennes, se persuadait offrir un sacrifice agréable à Dieu. Ayez en abomination ces meurtres exécrables.

Comment le meurtre de l'homme pourrait-il plaire à Dieu, qui a dit à l'homme: Tu ne tueras point?

Lorsque le sang de l'homme coule sur la terre comme une offrande à Dieu, les démons accourent pour le boire, et entrent dans celui qui l'a versé.

On ne commence à persécuter que quand on désespère de convaincre; et qui désespère de convaincre, ou blasphème en lui-même la puissance de la vérité, ou manque de confiance dans la vérité des doctrines qu'il annonce.

Quoi de plus insensé que de dire aux hommes: Croyez ou mourez!

La foi est fille du Verbe: elle pénètre dans les cœurs avec la parole, et non avec le poignard.

Jésus passa en faisant le bien, attirant à lui par sa bonté, et touchant par sa douceur les âmes les plus dures.

Ses lèvres divines bénissaient et ne maudissaient point, si ce n'est les hypocrites. Il ne choisit pas des bourreaux pour apôtres.

Il disait aux siens: Laissez croître ensemble, jusqu'à la moisson, le bon et le mauvais grain; le père de famille en fera la séparation sur l'aire.

Et à ceux qui le pressaient de faire descendre le feu du ciel sur une ville incrédule: Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes.

L'esprit de Jésus est un esprit de paix, de miséricorde et d'amour.

Ceux qui persécutent en son nom, qui scrutent les consciences avec l'épée, qui torturent le corps pour convertir l'âme, qui font couler les pleurs au lieu de les essuyer; ceux-là n'ont pas l'esprit de Jésus.

Malheur à qui profane l'Évangile, en le rendant pour les hommes un objet de terreur! Malheur à qui écrit la bonne nouvelle sur une feuille sanglante!

Ressouvenez-vous des catacombes.

En ce temps-là, on vous traînait à l'échafaud, on vous livrait aux bêtes féroces dans l'amphithéâtre pour amuser la populace, on vous jetait à milliers au fond des mines et dans les prisons, on confisquait vos biens, on vous foulait aux pieds comme la boue des places publiques; vous n'aviez, pour célébrer vos mystères proscrits, d'autre asile que les entrailles de la terrre.

Que disaient vos persécuteurs? Ils disaient

que vous propagiez des doctrines dangereuses; que votre secte, ainsi qu'ils l'appelaient, troublait l'ordre et la paix publique; que, violateurs des lois et ennemis du genre humain, vous ébranliez l'empire en ébranlant la religion de l'empire.

Et, dans cette détresse, sous cette oppression, que demandiez-vous? La liberté. Vous réclamiez le droit de n'obéir qu'à Dieu, de le servir et de l'adorer selon votre conscience.

Lorsque, même en se trompant dans leur foi, d'autres réclameront de vous ce droit sacré, respectez-le en eux, comme vous demandiez que les païens le respectassent en vous.

Respectez-le pour ne pas flétrir la mémoire de vos confesseurs et ne pas souiller les cendres de vos martyrs.

La persécution a deux tranchants; elle blesse à droite et à gauche.

Si vous ne vous souvenez plus des enseignements du Christ, ressouvenez-vous des catacombes.

LA MENNAIS.

PENSÉES DE DIVERS AUTEURs.

L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser. Une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt; et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever, non de l'espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.

Diseur de bons mots, mauvais caractère.

Peu de chose nous console, parce que peu de chose nous afflige.

On ne montre pas sa grandeur pour être en une extrémité, mais bien en touchant les deux à la fois, et remplissant tout l'entre-deux.

L'homme qui n'aime que soi ne hait rien tant que d'être seul avec soi.

On se persuade mieux, pour l'ordinaire, par les raisons qu'on a trouvées soi-même, que par celles qui sont venues dans l'esprit des autres.

Ceux qui font des antithèses en forçant les mots sont comme ceux qui font de fausses fenêtres pour la symétrie.

La vraie éloquence se moque de l'éloquence. Il y a plaisir d'être dans un vaisseau battu de l'orage, lorsqu'on est assuré qu'il ne périra point.

Les persécutions qui travaillent l'Église sont de

cette nature.

La propre volonté ne se satisferait jamais quand elle aurait tout ce qu'elle souhaite; mais on est satisfait dès l'instant qu'on y renonce.

La piété chrétienne anéantit le moi humain, et la civilité humaine le cache et le supprime.

PASCAL.

L'amour de Dieu est le bon sens de l'amour de soi.

ABBADIE.

Il est plus honteux de se défier de ses amis que d'en être trompé.

Le vrai moyen d'être trompé, c'est de nous croire plus fins que les autres.

Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de rien.

L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu.

Le trop grand empressement qu'on a de s'acquitter d'une obligation est une espèce d'ingratitude.

Ce n'est pas un grand malheur d'obliger des ingrats; mais c'en est un insupportable d'être obligé à un malhonnête homme.

Louer les princes des vertus qu'ils n'ont pas, c'est leur dire impunément des injures.

Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement.

Le plus grand défaut de la pénétration n'est pas de n'aller point jusqu'au but, c'est de le passer.

Nos actions sont comme les bouts rimés, que chacun fait rapporter à ce qui lui plaît.

L'esprit nous sert quelquefois à faire hardiment des sottises.

Rien n'empêche tant d'être naturel que l'envie de le paraître.

Nous gagnerions plus de nous laisser voir tels que nous sommes que d'essayer de paraître ce que nous ne sommes pas.

LA ROCHEFOUCAULD.

C'est une grande misère que de n'avoir pas assez d'esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire.

Rien n'est moins selon Dieu et selon le monde que d'appuyer tout ce que l'on dit dans la conversation, jusqu'aux choses les plus indifférentes, par de longs et de fastidieux serments. Un honnête homme qui dit oui et non mérite d'être cru : son caractère jure pour lui, donne créance à ses paroles, et attire toute sorte de confiance.

Quelque désintéressement qu'on ait à l'égard de ceux qu'on aime, il faut quelquefois se con

traindre pour eux, et avoir la générosité de recevoir.

Celui-là peut prendre, qui goûte un plaisir aussi délicat à recevoir que son ami en sent à lui donner. Il y a du plaisir à rencontrer les yeux de celui à qui on vient de donner.

Il vaut mieux s'exposer à l'ingratitude que de manquer aux misérables.

Il faut briguer la faveur de ceux à qui l'on veut du bien, plutôt que de ceux de qui l'on espère du bien.

La moquerie est souvent indigence d'esprit. Si vous observez avec soin qui sont les gens qui ne peuvent louer, qui blâment toujours, qui ne sont contents de personne, vous reconnaîtrez que ce sont ceux mêmes dont personne n'est content.

Il n'y a pour l'homme que trois événements. naître, vivre et mourir : il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre.

Deux choses toutes contraires nous préviennent également, l'habitude et la nouveauté.

Quand une lecture vous élève l'esprit, et qu'elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l'ouvrage : il est bon, et fait de main d'ouvrier. Dans un méchant homme, il n'y a pas de quoi faire un grand homme.

LA BRUYÈRE.

Les grandes pensées viennent du cœur. La servitude abaisse les hommes jusqu'à s'en faire aimer.

On ne peut être juste si l'on n'est humain. Il est faux qu'on ait fait fortune lorsqu'on ne sait pas en jouir.

C'est être médiocrement habile que de faire des dupes.

Nous querellons les malheureux pour nous dispenser de les plaindre.

La clarté orne les pensées profondes. Ceux qui se moquent des penchants sérieux aiment sérieusement les bagatelles.

Les sots admirent qu'un homme à talent ne soit pas une bête pour ses intérêts.

La nécessité de mourir est la plus amère de nos afflictions.

Newton, Pascal, Bossuet, Racine, Fénelon, c'est-à-dire les hommes de la terre les plus éclairés, dans le plus philosophique de tous les siècles, et dans la force de leur esprit et de leur âge, ont cru en Jésus-Christ; et le grand Conde, en mourant, répétait ces nobles paroles : Oni, nous verrons Dieu comme il est, sicuti est, facie ad faciem.

La solitude est à l'esprit ce que la diète est 2a

corps.

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