Page images
PDF
EPUB

discorde et de défiance qui soufflait la guerre aux quatre coins de l'Europe; qui l'eût dit qu'avant la fin du printemps tout serait calmé ? Quelle apparence de pouvoir dissiper sitôt tant de ligues? Comment accorder tant d'intérêts contraires? Comment calmer cette foule d'États et de princes, bien plus irrités de notre puissance que des mauvais traitements qu'ils prétendaient avoir reçus? N'eût-on pas cru que vingt années de conférences ne suffiraient pas pour terminer toutes ces querelles? La diète d'Allemagne, qui n'en devait examiner qu'une partie, depuis trois ans qu'elle y était appliquée, n'en était encore qu'aux préliminaires. Le roi cependant, pour le bien de la chrétienté, avait résolu, dans son cabinet, qu'il n'y eût plus de guerres; la veille qu'il doit partir pour se mettre à la tête d'une de ses armées, il trace six lignes, et les envoie à son ambassadeur à la Haye. Là-dessus les provinces délibèrent, les ministres des hauts alliés s'assemblent, tout s'agite, tout se remue les uns ne veulent rien céder de ce qu'on leur demande; les autres redemandent ce qu'on leur a pris, et tous ont résolu de ne pas poser les armes. Mais lui, qui sait bien ce qui en doit arriver, ne semble pas même prêter d'attention à leurs assemblées, et, comme le Jupiter d'Homère, après avoir envoyé la terreur parmi ses ennemis, tournant les yeux vers les autres endroits qui ont besoin de ses regards, d'un côté il fait prendre Luxembourg, de l'autre il s'avance luimême aux portes de Mons: ici, il envoie des généraux à ses alliés ; là, il fait foudroyer Gênes; il force Alger à lui demander pardon; il s'applique même à régler le dedans de son royaume, soulage ses peuples, et les fait jouir par avance des fruits de la paix; et enfin, comme il l'avait prévu, voit ses ennemis, après bien des conférences, bien des projets, bien des plaintes inutiles, contraints d'accepter ces mêmes conditions qu'il leur a offertes, sans avoir pu en rien retrancher, y rien ajouter; ou, pour mieux dire, sans avoir pu, avec tous leurs efforts, s'écarter d'un seul pas du cercle étroit qu'il lui avait plu de leur tracer 1.

RACINE. Discours prononcé à l'Académie française, à la réception de MM. Thomas Corneille et Bergeret.

LE SOUVERAIN, OU LOUIS XIV.

Que de dons du ciel ne faut-il pas pour bien régner! Une naissance auguste, un air d'empire

4 Cette noble image qui termine l'éloge du roi, renferme une allusion délicate à un fait célèbre de l'histoire romaine, et laisse beaucoup plus à découvrir qu'elle ne montre. On s'imagine assister à l'entrevue où Popilius, ayant prescrit de la part du sénat des conditions de paix à Antiochus, et voyant que ce roi cherchait à éluder, ce fier Romain l'en

et d'autorité, un visage qui remplisse la curiosité des peuples empressés de voir le prince, et qui conserve le respect dans un courtisan : une parfaite égalité d'humeur, un grand éloignement pour la raillerie piquante, ou assez de raison pour ne se la permettre point: ne faire jamais ni menaces ni reproches, ne point céder à la colère, et être toujours obéi; l'esprit facile, insinuant; le cœur ouvert, sincère, et dont on croit voir le fond, et ainsi très-propre à se faire des amis, des créatures et des alliés : être secret toutefois, profond et impénétrable dans ses motifs et dans ses projets du sérieux et de la gravité dans le public: de la brièveté jointe à beaucoup de justesse et de dignité, soit dans les réponses aux ambassadeurs des princes, soit dans les conseils : une manière de faire des grâces qui est comme un second bienfait, le choix des personnes que l'on gratifie le discernement des esprits, des talents et des complexions pour la distribution des postes et des emplois le choix des généraux et des ministres un jugement ferme et solide, décisif dans les affaires, qui fait que l'on connaît le meilleur parti et le plus juste: un esprit de droiture et d'équité qui fait qu'on le suit jusques à prononcer quelquefois contre soi-même en faveur du peuple, des alliés, des ennemis : une mémoire heureuse et très-présente qui rappelle les besoins des sujets, leur visage, leurs noms, leurs requêtes: une vaste capacité qui s'étende non-seulement aux affaires de dehors, au commerce, aux maximes d'État, aux vues de la politique, au reculement des frontières par la conquête de nouvelles provinces, et à leur sûreté par un grand nombre de forteresses inaccessibles, mais qui sache aussi se renfermer au dedans, et comme dans les détails de tout un royaume; qui abolisse des usages cruels et impies, s'ils y règnent; qui réforme les lois et les coutumes, si elles étaient remplies d'abus; qui donne aux villes plus de sûreté, et plus de commodités par le renouvellement d'une exacte police, plus d'éclat et plus de majesté par des édifices somptueux punir sévèrement les vices scandaleux; donner, par son autorité et par son exemple, du crédit à la piété et à la vertu : protéger l'Église, ses ministres, ses droits, ses libertés : ménager ses peuples comme ses enfants; être toujours occupé de la pensée de les soulager, de rendre les subsides légers, et tels qu'ils se lèvent sur les provinces sans les appauvrir de grands talents pour la guerre ; être vigilant, appliqué, laborieux:

[blocks in formation]

avoir des armées nombreuses, les commander en personne, être froid dans le péril, ne ménager sa vie que pour le bien de son État, aimer le bien de son État et sa gloire plus que sa vie : une puissance très-absolue, qui ne laisse point d'occasion aux brigues, à l'intrigue et à la cabale; qui ôte cette distance infinie qui est quelquefois entre les grands et les petits, qui les rapproche, et sous laquelle tous plient également une étendue de connaissances qui fait que le prince voit tout par ses yeux, qu'il agit immédiatement et par luimême ; que ses généraux ne sont, quoique éloignés de lui, que ses lieutenants, et les ministres que ses ministres une profonde sagesse qui sait déclarer la guerre, qui sait vaincre et user de la victoire, qui sait faire la paix, qui sait la rompre, qui sait quelquefois, et selon les divers intérêts, contraindre les ennemis à la recevoir; qui donne des règles à une vaste ambition, et sait jusques où

l'on doit conquérir au milieu d'ennemis couverts ou déclarés, se procurer le loisir des jeux, des fêtes, des spectacles; cultiver les arts et les sciences; former et exécuter des projets d'édifices surprenants: un génie enfin supérieur et puissant qui se fait aimer et révérer des siens, craindre des étrangers, qui fait d'une cour, et même de tout un royaume, comme une seule famille unie parfaitement sous un même chef, dont l'union et la bonne intelligence est redoutable au reste du monde ces admirables vertus me semblent renfermées dans l'idée du souverain. Il est vrai qu'il est rare de les voir réunies dans un même sujet; il faut que trop de choses concourent à la fois, l'esprit, le cœur, les dehors, le tempérament; et il me paraît qu'un monarque qui les rassemblerait toutes en sa personne, serait bien digne du nom de GRAND.

LA BRUYÈRE.

EXORDES.

Que le début soit simple et n'ait rien d'affecté. BOILEAU. Art poet., ch. 1.

PRECEPTES DU GENRE.

L'esprit plaît dans une épigramme et dans une chanson. Mais dans la chaire, à la tribune ou au barreau, l'esprit à prétention est une espèce de miniature placée trop haut pour sa perspective . optique, il n'y produit jamais de grands effets sur une nombreuse assemblée; et la vraie éloquence proscrit toutes les pensées trop fines ou trop recherchées pour être saisies par le peuple. Eh! qu'est-ce en effet qu'un trait brillant pour émouvoir ou pour échauffer une multitude qui ne présente d'abord à l'orateur qu'une masse immobile, laquelle, bien loin de partager les sentiments de celui qui parle, ou de lui prodiguer de l'intérêt, lui accorde à peine une froide et vague attention? Le début d'un discours doit être simple et modeste pour concilier à l'orateur la bienveillance de l'auditoire. L'exorde mérite cependant d'être travaillé avec beaucoup de soin. La doctrine et l'exemple des maîtres de l'art avertissent de s'y restreindre au développement d'une seule idée principale qui découvre et qui fixe toute l'étendue de l'argument oratoire ou de la matière qu'on veut traiter. C'est là qu'au moment même où elle est annoncée, les points de vue de l'orateur sont indiqués sans occuper trop d'espace, que les germes du plan se hâtent de paraître comme l'explication naturelle et nécessaire du sujet; qu'une logique de raison plutôt que de raisonnement règle le choix des rapports, auxquels on préfère de se borner, en mettant à l'écart tous ceux qui seraient communs, vagues, abstraits, ou stériles, et en circonscrivant le discours avec autant de discernement et d'exactitude que de clarté et de précision; et qu'enfin des principes lumineux annoncent, par d'importants résultats, les méditations profondes d'un orateur qui a beaucoup réfléchi, et qui ajoute l'empire du talent à l'autorité de son ministère pour captiver l'attention d'une assemblée nombreuse qu'il associe à toutes ses pensées, en lui présentant un grand intérêt.

Tel est l'art de Bossuet, quand, pour frapper vivement les esprits, il dit, en commençant l'oraison funèbre de Henriette d'Angleterre, ‹ qu'il veut dans un seul malheur déplorer toutes les calamités du genre humain, et, dans une seule mort, faire voir la mort et le néant de toutes les grandeurs humaines. Tout ce qui ne prépare point aux principaux objets d'un discours est inutile dans un exorde. Écartons donc de cette partition oratoire les réflexions subtiles, les citations, les dissertations, les lieux communs, et même les images et les métaphores ambitieuses; car, il ne faut, dit l'orateur romain, employer alors les mots, que dans leur sens le plus usité, de peur que le discours ne paraisse travaillé avec trop d'apprêt 1. Marchons au but par le plus court chemin : tout doit être ici approprié au sujet, puisque, selon l'expression de Cicéron, l'exorde n'en est que l'avenue2. N'imitons point ces prolixes rhéteurs, qui, au lieu d'entrer d'abord en matière, se tournent et se retournent dans tous les sens, comme un voyageur qui ne connaît pas sa route, et laissent l'auditoire incertain sur la matière qu'ils vont traiter. L'exorde ne commence véritablement qu'au moment où l'on découvre l'objet et le dessein du discours.

A peine le sujet est-il exposé qu'il faut se håter de le bien définir. Cette précaution est surtout nécessaire quand on traite des questions abstraites; et on est sûr d'errer dans des spéculations vagues, si l'on néglige de se fixer d'abord par des notions précises. Il est dangereux sans doute de vouloir trop s'élever dans ces morceaux préparatoires; et l'expérience apprend tous les jours à se méfier de la prétention des débuts éloquents. Il est néanmoins nécessaire, comme je l'ai déjà observé, d'intéresser fortement l'attention d'une assemblée

1 In exordiendâ causâ servandum est ut usitata sit verborum consuetudo, ut non apparata oratio esse videatur. Ad Herennium. 1-7.

2 Aditus ad causam. Brutus.

DISCOURS ET MORCEAUX ORATOIRES.

distraite; et je ne vois pas que l'on viole les règles |
de l'art, en frappant l'auditeur par un trait sou-
dain qui le sépare de ses propres pensées, en le
mettant à la suite et à la merci de l'homme élo-
quent qui le captive et le domine, pourvu que cette
brusque émotion ne trompe point son attente,
que le triomphe de l'orateur aille toujours en

croissant.

D

et

et

Je veux, dit Montaigne, des discours qui
donnent la première charge dans le plus fort du
doute; je cherche des raisons bonnes et fermes
d'arrivée. Montaigne a raison. Rien n'est plus
important et plus difficile que de s'emparer de ses
auditeurs, de les réunir promptement à soi,
d'entrer dans son sujet par un mouvement qui
puisse les frapper, au lieu de laisser hésiter leur
intérêt et divaguer leur imagination. Dans sa tra-
gédie de la Troade, Sénèque ouvre la première
scène par un monologue sublime. Trois vers lui
suffisent pour émouvoir tous les cœurs. On aper-
çoit dans le lointain la ville de Troie consumée
par les flammes. A la vue d'un spectacle si ana-
logue à son triste sort, Hécube chargée de fers,
seule sur le théâtre, prononce en soupirant ces
éloquentes paroles : « Vous, potentats, qui vous
fiez à votre puissance, vous qui dominez sur
< une cour nombreuse, vous qui ne craignez point
l'inconstante faveur des dieux, qui vous livrez
au sommeil si doux de la prospérité, regardez
Hécube, et contemplez Troie! › Qui ne rentre
alors en soi-même? qui échappe à l'effroi d'un
pareil contraste, et, en regardant le ciel, ne réflé
chit pas du moins sur l'incertitude et les dangers
de sa destinée ? C'est ainsi qu'un grand orateur
in-
pour
doit profiter de tout ce qui l'environne,
téresser et s'associer le cœur humain. C'est ainsi
qu'il est beau d'enrichir le commencement d'un
discours; mais je ne puis trop répéter qu'il faut
que
la suite soit digne d'être écoutée, quand on
a élevé son auditoire à cette hauteur.

Le cardinal MAURY.{Essai sur l'éloquence
de la chaire, t. 1.

EXORDE DE L'ORAISON FUNÈBRE DE LA REINE D'ANGLE-
TERRE.

Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons. Soit qu'il élève les trônes,

soit

qu'il les abaisse; soit qu'il communique sa puis-
sance aux princes, soit qu'il la retire à lui-même,
et ne leur laisse que leur propre faiblesse, il leur
apprend leurs devoirs d'une manière souveraine et
digne de lui: car, en leur donnant la puissance,
il leur commande d'en user comme il fait lui-même
pour le bien du monde ; et il leur fait voir, en la
retirant, que toute leur majesté est empruntée,
et que, pour être assis sur le trône, ils n'en sont
pas moins sous sa main, et sous son autorité
suprême. C'est ainsi qu'il instruit les princes,
des discours et par des paroles,
non-seulement par
mais encore par des effets et par des exemples:
Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judi-
catis terram.

Chrétiens, que la mémoire d'une grande reine,
fille, femme, mère de rois si puissants, et souve-
raine de trois royaumes, appelle de tous côtés à
cette triste cérémonie, ce discours vous fera pa-
raître un de ces exemples redoutables qui étalent
aux yeux
du monde sa vanité tout entière. Vous
verrez dans une seule vie toutes les extrémités des
choses humaines, la félicité sans bornes aussi bien
que les misères; une longue et paisible jouissance
d'une des plus nobles couronnes de l'univers;
tout ce que peuvent donner de plus glorieux la
naissance et la grandeur accumulées sur une tête
qui ensuite est exposée à tous les outrages de la
fortune; la bonne cause d'abord suivie de bons
succès, et depuis de retours soudains, de chan-
gements inouïs: la rébellion longtemps retenue,
à la fin tout à fait maîtresse; nul frein à la licence;
les lois abolies; la majesté violée par des attentats
jusqu'alors inconnus; l'usurpation et la tyrannie
sous le nom de liberté; une reine fugitive, qui
ne trouve aucune retraite dans trois royaumes,
et à qui sa propre patrie n'est plus qu'un triste
lieu d'exil; neuf voyages sur mer, entrepris par
une princesse, malgré les tempêtes; l'Océan
étonné de se voir traversé tant de fois en des ap-
pareils si divers, et pour des causes si différentes;
un trône indignement renversé et miraculeuse-
ment rétabli voilà les enseignements que Dieu
donne aux rois. Ainsi fait-il voir au monde le
néant de ses pompes et de ses grandeurs.

Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d'elles-mêmes. Le cœur d'une grande reine, autrefois élevé par une si longue suite de prospérités, et puis plongé parlera tout à coup dans un abîme d'amertumes, assez haut; et, s'il n'est pas permis aux parti

1 Quicumque regno fidit, et magnâ potens
Dominatur aulâ, nec leves metuil¡Deos,
Animumque rebus credulum lætis dedil,
Me videat, et te, Troja!...

Toute la force et la sublimité de ce trait poétique sont dans ces derniers mots que l'incendie visible de Troie rend si énergiques: Me videat, et te, Troja!

[blocks in formation]

Voyez, dans l'oraison funèbre de la reine d'Angleterre, comme il annonce avec chaleur qu'il va instruire les rois; comme il se jette ensuite à travers les divisions et les orages de cette ile; comme il peint le débordement des sectes, le fanatisme des indépendants; au milieu d'eux, Cromwell actif et impénétrable, hypocrite et hardi, dogmatisant et combattant, montrant l'étendard de la liberté et précipitant les peuples dans la servitude; la reine luttant contre le malheur et la révolte, cherchant partout des vengeurs, traversant neuf fois les mers, battue par les tempêtes, voyant son époux dans les fers, ses amis sur l'échafaud, ses troupes vaincues, elle-même obligée de céder; mais, dans la chute de l'État, restant ferme parmi ses ruines, telle qu'une colonne qui, après avoir longtemps soutenu un temple ruineux, reçoit, sans en être courbée, ce grand édifice qui tombe et fond sur elle sans l'abattre.

Cependant l'orateur, à travers ce grand spectacle qu'il déploie sur la terre, nous montre toujours Dieu présent au haut des cieux, secouant et brisant les trônes, précipitant la révolution, et, par sa force invincible, enchaînant ou domptant tout ce qui lui résiste. Cette idée, répandue dans le discours d'un bout à l'autre, y jette une terreur religieuse qui en augmente encore l'effet, et rend le pathétique plus sublime et plus sombre.

THOMAS. Essai sur les éloges, t. 11.

EXORDE DE L'ORAISON FUNÈBRE DE TURENNE.

Je ne puis, messieurs, vous donner d'abord une plus haute idée du triste sujet dont je viens vous entretenir, qu'en recueillant ces termes nobles et expressifs dont l'Écriture sainte se sert pour louer la vie et pour déplorer la mort du sage et vaillant Machabée. Cet homme qui portait la gloire de sa nation jusqu'aux extrémités de la terre, qui couvrait son camp du bouclier, et forçait celui des ennemis avec l'épée ; qui donnait à des rois ligués contre lui des déplaisirs mortels, et réjouissait Jacob par ses vertus et par ses exploits, dont la mémoire doit être éternelle; cet homme qui défendait les villes de Juda, qui domptait l'orgueil des enfants d'Ammon et d'Esau, qui revenait chargé des dépouilles de Samarie

après avoir brûlé sur leurs propres autels les dieux des nations étrangères; cet homme que Dieu avait mis autour d'Israël, comme un mur d'airain où se brisèrent tant de fois toutes les forces de l'Asie, et qui, après avoir défait de nombreuses armées, déconcerté les plus fiers et les plus habiles généraux des rois de Syrie, venait, tous les ans, comme le moindre des Israélites, réparer avec ses mains triomphantes les ruines du sanctuaire, et ne voulait d'autre récompense des services qu'il rendait à sa patrie que l'honneur de l'avoir servie; ce vaillant homme poussant enfin, avec un courage invincible, les ennemis qu'il avait réduits à une fuite honteuse, reçut le coup mortel, et demeura comme enseveli dans son triomphe. Au premier bruit de ce funeste accident, toutes les villes de Judée furent émues; des ruisseaux de larmes coulèrent des yeux de tous leurs habitants. Ils furent quelque temps saisis, muets, immobiles. Un effort de douleur rompant enfin ce morne et long silence, d'une voix entrecoupée de sanglots, que formaient dans leurs cœurs la tristesse, la piété, la crainte, ils s'écrièrent: Comment est mort cet homme puissant qui saurait le peuple d'Israël? A ces cris, Jérusalem redoubla ses pleurs; les voûtes du temple s'ébranlèrent, le Jourdain se troubla, et tous ses rivages retentirent du son de ces lugubres paroles: Comment est mort cet homme puissant qui saurait le peuple d'Israël?

Chrétiens qu'une triste cérémonie assemble en ce lieu, ne rappelez-vous pas en votre mémoire ce que vous avez vu, ce que vous avez senti il y a cinq mois? Ne vous reconnaissez-vous pas dans l'affliction que j'ai décrite? et ne mettrez-vous pas dans votre esprit, à la place du héros dont parle l'Écriture, celui dont je viens vous parler? La vertu et le malheur de l'un et de l'autre sont semblables, et il ne manque aujourd'hui à ce dernier qu'un éloge digne de lui. Oh! si l'Esprit divin, l'Esprit de force et de vérité, avait enrichi mon discours de ces images vives et naturelles qui représentent la vertu, et qui la persuadent tout ensemble, de combien de nobles idées remplirais-je vos esprits, et quelle impression ferait sur vos cœurs le récit de tant d'actions édifiantes et glorieuses!

Quelle matière fut jamais plus disposée à recevoir tous les ornements d'une grave et solide éloquence, que la vie et la mort de très-haut, etc.? Où brillent avec plus d'éclat les effets glorieux de la vertu militaire: conduites d'armées, siéges de places, prises de villes, passages de rivières, attaques hardies, retraites honorables, campements bien ordonnés, combats soutenus, batailles gagnées, ennemis vaincus par la force, dissipés par l'adresse, lassés et consumés par une sage et

« PreviousContinue »