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PRÉFACE

DU TRADUCTEUR.

Ex 1695, je donnai au public une traduction fran

çaise de ce livre, sur la première édition que M. Locke en avait publiée en anglais, en 1693. Dans la suite l'auteur y fit plusieurs additions; et enfin, depuis sa mort, il en a paru une cinquième édition plus complète que les précédentes. C'est sur celle-ci qu'est faite la traduction que je publie présentement.

Comme on trouve dans toutes les éditions anglaises une épître dédicatoire de M. Locke, adressée à un de ses amis (Édouard Clarke), je la mettrai encore ici, parce qu'elle est pleine de réflexions solides sur la nécessité de bien élever les enfants.

« Ces pensées sur l'éducation des enfants, dit-il d'abord à son ami, vous appartiennent de droit. Il y a déja plusieurs années que je les ai mises en écrit pour l'amour de vous; et ce livre que je donne maintenant au public, ne contient autre chose que ce que je vous ai déja écrit en plusieurs lettres. Ce sont les mêmes pensées sans aucun changement con sidérable, exprimées de la même manière, et presque dans le même ordre. De sorte que les lecteurs

reconnaîtront sans peine à la simplicité du style, qui n'est que de conversation, que ce sont ici plutôt des entretiens familiers entre deux amis, qu'un discours destiné pour le public.

<«< La plupart des auteurs, n'osant avouer qu'ils ont été portés de leur propre mouvement à se produire, allèguent l'importunité de leurs amis pour excuser cette démangeaison. Pour moi, je ne suis point dans ce cas; car, comme vous savez, je puis dire avec vérité que si quelques personnes, qui avaient entendu parler de ce que j'avais écrit sur la manière d'élever les enfants, n'eussent témoigné désirer avec empressement de lire mes cahiers, et après cela de les voir publics, ils auraient toujours resté dans l'obscurité du cabinet. Mais ces personnes-là, pour qui j'ai une extrême déférence, m'ayant dit qu'elles étaient persuadées que mes réflexions pourraient être de quelque usage si elles étaient publiques, je me laisserai toucher à cette raison, laquelle aura toujours beaucoup de pouvoir sur mon esprit, car je crois que chaque homme en particulier est indispensa blement obligé de rendre à sa patrie tous les services dont il est capable; et je ne vois pas quelle différence il y a entre les animaux brutes et celui qui passe sa vie sans songer en aucune manière à remplir cette obligation. L'éducation des enfants est une chose si importante, et le secret de les bien élever est d'une utilité și générale, que, si j'étais aussi capable de traiter cette matière que je le souhaiterais, je n'aurais pas besoin d'être pressé ou importuné par qui

que ce soit, pour me résoudre à le faire. Cependant le peu de mérite de cet ouvrage, et une juste crainte qu'il ne soit mal reçu, ne m'empêcheraient pas de le donner tel qu'il est, puisqu'on demande seulement que j'en fasse part au public. Quelque petit que soit ce présent, je n'ai pas honte de le lui offrir. Et j'ose me flatter que tout le monde ne perdra pas son temps à la lecture de cet ouvrage, si d'autres personnes du caractère de ceux qui l'ont approuvé en manuscrit, viennent à juger qu'il n'était pas indigne de voir le jour.

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Depuis peu j'ai été consulté sur la manière d'élever les enfants par tant de personnes, qui m'ont avoué ingénuement qu'elles ne savaient comment s'y prendre; et l'on se plaint si généralement de la prompte corruption de la jeunesse, qu'on ne saurait blâmer ceux qui mettent à la mode l'examen de cette matière, et qui en écrivent quelque chose, quand ce ne serait que pour exciter les 'autres à l'approfondir davantage, ou à les redresser s'ils se trompent. Car il n'y a guère de méprises pour lesquelles il faille avoir moins d'indulgence que pour celles qui concernent l'éducation des enfants. Elles sont d'une si dangereuse conséquence, que, sans un prompt remède, elles font des impressions ineffaçables, et qui se répandent sur tout le reste de la vie.

« Pour moi, je suis si peu entêté des choses que j'avance dans cet ouvrage, que je ne serais nullement fâché que des personnes plus capables de traiter cette matière voulussent composer, à l'u

sage de notre noblesse anglaise, un traité complet sur l'éducation, dans lequel elles corrigeassent les fautes où je puis être tombé; car je souhaite avec beaucoup plus de passion que nos jeunes gens de qualité apprennent les moyens les plus propres à se former aux bonnes choses (ce que tout le monde doit avoir à cœur), que de voir qu'on approuve les sentiments que j'ai sur cette matière. Quoi qu'il en soit, vous pourrez toujours me rendre ce témoignage, que la méthode que je propose dans ce livre a eu un succès extraordinaire dans la personne du fils d'un gentilhomme de ma connaissance. Je ne veux pas dire par là que le bon tempérament de ce jeune homme n'y ait beaucoup contribué; mais ce que j'ose ássurer, c'est que vous êtes convaincu aussi bien que ses parents, qu'en suivant la méthode qu'on emploie ordinairement pour instruire les enfants, on ne serait pas venu à bout de celui-ci, qu'on n'aurait pu lui inspirer de l'amour pour les livres et pour la science, ni l'engager à désirer, comme il fait, d'apprendre plus de choses que ceux qui sont auprès de lui ne jugent à propos de lui enseigner.

«< Mais mon dessein n'est pas de vous donner une haute idée de mon ouvrage, car je sais déja le jugement que vous en faites. Je ne veux pas non plus le faire valoir dans l'esprit des autres hommes par la considération de l'opinion favorable que vous en avez. Comme la bonne éducation des enfants est une des choses auxquelles les parents sont le plus fortement engagés et par devoir et par intérêt, et que

le bonheur et la prospérité d'une nation en dépendent extrêmement, je souhaiterais que chacun prît à cœur cette affaire; et qu'après avoir examiné et distingué soigneusement la part que le caprice, la coutume ou la raison y peuvent avoir, on s'appliquât à mettre en usage la méthode qui, dans les différentes conditions des hommes, serait la plus facile, la plus courte et la plus propre pour en faire des gens vertueux, utiles à la société et habiles, chacun dans sa profession. Mais on devrait sur-tout prendre soin de l'éducation des jeunes gens de bonne maison; car si les personnes de ce rang sont une fois bien élevées, elles mettront bientôt tout le reste dans l'ordre. Voilà ce qui m'a engagé à composer ce petit ouvrage.»

Il serait inutile d'ajouter de nouvelles réflexions à celles de M. Locke, pour montrer qu'il est d'une absolue nécessité de bien élever les enfants, et que c'est une affaire fort délicate. Tout homme qui pense en est parfaitement convaincu.

Je ne m'étendrai pas non plus à faire voir, en détail, que cet ouvrage est fort propre à diriger ceux qui s'appliquent à l'éducation des enfants; que la plupart des maximes qu'on y étale n'ont rien de trop abstrait; qu'elles sont claires, exactes, et faciles à pratiquer. L'estime où est le livre de M. Locke depuis qu'il est public, et l'usage qu'on a déja fait des règles qu'il y propose, me dispensent de ce travail.

Après avoir remarqué, dans la préface qui est audevant de la première édition française, que M. Locke

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