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coup plus considérable, le degré de santé et de vigueur qu'on acquerra par-là, on n'aurait pas sujet de se repentir du marché. Et si j'ajoute que cette pratique préviendra les cors des pieds, sans doute bien des gens compteront cela aussi pour un fort grand avantage. Au reste, c'est au printemps qu'on doit commencer de laver les pieds des enfants, et d'abord il faut se servir d'eau tiède, et puis toujours plus froide de quelques degrés chaque fois, jusqu'à ce qu'en peu de jours on emploie de l'eau tout-à-fait froide, dont on continuera à se servir sans interruption, hiver et été car il est à remarquer que dans ce chargement, comme dans tous les autres qui regardent notre manière ordinaire de vivre, il faut aller par des degrés insensibles, et par-là nous accoutumerons nos corps à tout, sans peine, et sans aucun danger.

Il est aisé de prévoir que les mères trouveront cette doctrine fort étrange. « Quoi! diront« elles, plonger les pieds de nos enfants dans l'eau «<froide, lors même qu'il gèle, qu'il neige, et << qu'on a toutes les peines du monde à leur tenir << les pieds chauds? n'est-ce pas le vrai moyen << faire périr ces pauvres petites créatures? >> Mais, pour dissiper un peu cette frayeur, s'il est possible, je vais montrer par des exemples, sans quoi l'on prête rarement l'oreille aux raisons

de

les plus évidentes, que cette pratique n'a rien de dangereux. Sénèque nous apprend (1) dans ses lettres, qu'il avait accoutumé de se baigner (2) au milieu de l'hiver dans l'eau de fontaine toute froide. S'il n'eût pas cru la chose non - seulement supportable, mais utile à la santé, il n'aurait eu garde de s'y assujettir, élevé à une haute fortune où il pouvait aisément soutenir la dépense d'un bain chaud, et se trouvant d'ailleurs dans un âge qui pouvait autoriser de plus grandes délicatesses, car il était vieux en ce temps-là. On s'imaginera peut-être qu'il fut engagé dans cette austérité par les principes de la philosophie stoïcienne, dont il faisait profession. Eh bien! soit; supposons que cette secte lui ait fait supporter avec constance les bains froids dans le coeur de l'hiver, il reste encore à savoir d'où vient que sa santé s'accommodait fort bien de cette pratique, car c'est ce que Sénèque assure positivement. Mais que dironsnous d'Horace? On sait qu'il ne se passionnait pour aucun parti, et qu'il était sur-tout fort éloigné d'affecter les austérités du Portique : ce

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(1) Lettre 53.

(2) Ille tantus Psychrolutes qui kalendis januaris in Euripum saltabam. Ep. LXXXIII.

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pendant il nous apprend lui-même (1), qu'il se baignait dans l'eau froide au fort de l'hiver. Dira-t-on que, l'Italie étant sous un climat beaucoup plus chaud que l'Angleterre, les eaux d'Italie ne sont pas si froides en hiver que celles d'Angleterré? Si cela est, les rivières d'Allemagne et de Pologne sont donc aussi beaucoup plus froides que celles d'Angleterre : cependant les Juifs qui vivent en Allemagne et en Pologne, se plongent dans les rivières de ce pays-là, hommes et femmes, durant toutes les saisons de l'année, sans que leur santé en reçoive au→ cun préjudice. Et je ne pense pas qu'aujour d'hui bien des gens soient d'humeur de croire que c'est par miracle, ou par une vertu toute particulière de la fontaine de Saint-Winifred que les eaux froides de cette fameuse source ne font aucun mal aux personnes du tempérament le plus tendre, qui s'y vont baigner. D'ailleurs, le monde est à présent tout rempli des merveilles que les bains froids produisent tous les jours (2) sur des constitutions faibles et délabrées, qui

(1)

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Gelida quum perluor undá

Per medium frigus.

Lib. I, epist. XV, v. 4.

(2) A Londres, où les bains froids étaient en grand crédit quelques années avant la mort de M. Locke, arrivée en 1704, et conservent encore leur première réputation.

par-là sont rétablies dans une bonne et vigoureuse santé; et par conséquent rien n'empêche que ces sortes de bains ne puissent être suppor

tés

s par ceux qui sont en meilleur état, et servir à fortifier et endurcir leur tempérament.

S'il se trouve 'après cela des gens qui s'imaginent que tous ces exemples d'hommes faits ne peuvent point être tirés à conséquence pour les enfants, et que les enfants sont sans doute trop tendres pour une telle épreuve, qu'ils considèrent ce que faisaient les anciens Germains, et ce que les Irlandais font encore aujourd'hui à leurs enfants; et ils seront convaincus que les enfants, tout tendrés qu'on se les figure, peuvent endurer sans danger, non-seulement qu'on leur slaveles pieds, mais qu'on leur plonge tout le corps dans l'eau froide. Il y a encore aujourd'hui des dames dans les montagnes d'Écosse, qui baignent ainsi leurs enfants au fort de l'hi ver, et ne trouvent point que l'eau froide lors même qu'elle est mêlée de glaçons, leur fasse aucun mal.

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S IX.

(

A

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Il faut apprendre à nager aux enfants..

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Il n'est pas nécessaire d'avertir ici qu'il faut apprendre à nager à un un enfant, lorsqu'il est d'âge pour cela, et qu'il a auprès de lui quel

qu'un pour le lui enseigner. Personne n'ignore combien il est avantageux de savoir nager, que c'est ce qui sauve tous les jours la vie à bien des gens. Aussi les Romains jugeaient cet exercice si nécessaire, qu'ils le mettaient, pour ainsi dire, en parallèle avec les belles-lettres. Car pour désigner un homme mal élevé, et qui n'était bon à rien, ils disaient communément (1); Nec litteras didicit, nec natare, cet homme ne sait ni lire, ni nager. Mais outre l'avantage de savoir faire une chose qui peut être d'un si grand service dans un cas de nécessité, il est si utile pour la santé de se baigner souvent en été dans l'eau froide, qu'il n'est pas besoin que j'insiste davantage sur cet article. Je me contenterai d'avertir qu'il faut bien prendre garde que les enfants n'entrent jamais dans l'eau, quand ils viennent de faire quelque exercice qui les a trop échauffés, et que leur sang ou leur pouls en

est encore ému.

S X.

Laisser aller les enfants au grand air. · · ́`·

Une autre chose très-utile à la santé de tout le monde, et sur-tout des enfants, c'est d'étre

(1) C'était aussi une espèce de proverbe parmi les Grecs, pour désigner un ignorant : Μήτε νεῖν, μήτε γράμματα ἐπίςαται, disaient-ils.

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