Page images
PDF
EPUB

fort bien compris les Grecs et les Romains, qui envoyaient leurs enfants dans les écoles publiques pour y apprendre leur langue maternelle, en quoi ils devraient être imités non- seulement par les Français, mais par toutes les nations du monde qui ont quelque politesse. >>

Il me reste à dire un mot de cette nouvelle édition. Elle est enrichie de toutes les additions que l'auteur y a faites à différentes reprises, et qui ont grossi son ouvrage de plus d'un tiers. Ces additions sont: cu de nouvelles pensées sur des choses qui avaient été traitées avec moins d'exactitude. ou des articles tout nouveaux qui méritaient d'avoir place dans ce livre. Il faut mettre dans ce rang tout ce que l'auteur dit sur la nécessité de faire étudier aux enfants leur langue maternelle, préférablement à toute autre. Il avait entièrement négligé ce point dans la première édition: mais je l'avais touché en passant dans ma préface, comme on peut voir par le passage que je viens de citer; et je prendrai la liberté d'ajouter ici que tout ce qu'il faut faire pour se perfectionner dans la connaissance de sa langue maternelle, peut être réduit à ces trois choses à fréquenter des personnes qui parlent bien, à lire des livres bien écrits, et à s'exercer soi-même à écrire. L'expérience montre visiblement que ce n'est qu'à proportion de l'usage qu'on fait de ces trois moyens, qu'on parvient à bien entendre sa langue. Je sais bien qu'on voit tous les jours des personnes de l'un et de l'autre sexe, qui, sans lire ni écrire, ont ac

quis la facilité de s'exprimer avec beaucoup de vivacité, de justesse et d'agrément. Mais si l'on y prend garde, on trouvera que ces mêmes personnes n'ont appris à bien parler qu'à force de converser avec des hommes ou des femmes qui ont appris leur langue par les trois secours que je viens de marquer. Aussi est-il aisé de s'apercevoir que, pour l'ordinaire, leur talent est borné à certaines matières qui font le sujet le plus commun de ces sortes de conversations. Hors de là, leur discours est languissant, sec et embrouillé, sans compter que des paroles qui sortent d'une belle bouche, qui sont prononcées avec grace et d'un ton agréable, passent souvent pour excellentes, quoiqu'au fond elles soient peu exactes et assez mal rangées.

Un autre avantage de cette seconde édition, c'est que ce qui avait déja paru en français a été retouché avec beaucoup de soin. Outre plusieurs fautes de style, j'ai corrigé quelques endroits où je n'avais pas bien pris la pensée de l'auteur. Je n'ai jamais si bien compris la difficulté qu'il y a à rendre exactement de l'anglais en français, qu'en remaniant cet ouvrage. Le style de M. Locke, quoique moins figuré que celui de plusieurs auteurs de sa nation, l'est pourtant assez pour mettre souvent à la torture un traducteur français, qui, pour s'accommoder au génie de sa langue, est obligé de s'exprimer plus simplement. Car la langue française n'aime pas trop les figures, et sur-tout celles qui sont hardies et tirées de fort loin. Elle se plaît beaucoup plus à exprimer

les choses naturellement et sans détour; ce qui fait, à mon avis, qu'elle est plus correcte et plus exacte dans ses peintures que la plupart des autres langues.

M. Locke m'a jeté dans un nouvel embarras par plusieurs petites additions insérées en divers endroits de son ouvrage. Ces nouvelles périodes m'ont souvent obligé à refondre des pages tout entières; et parce qu'en général les additions dont ce livre a été grossi, à diverses reprises, en ont un peu gâté l'économie, et y ont introduit quelques répétitions inutiles, je me suis servi de tous les adoucissements dont j'ai pu m'aviser pour cacher ce double défaut, dont il restera toujours des marques très-sensibles, jusqu'à ce qu'on veuille prendre la peine de dégager l'ouvrage de certaines réflexions que M. Locke nous retrace de temps en temps sans aucune nécessité apparente. En qualité de traducteur, je ne pouvais me charger avec bienséance d'une pareille entreprise :

Maneat nostros ea cura nepotes.

Enfin, pour rendre la lecture de ce livre plus utile, je l'ai divisé en autant de sections qu'il contient de matières différentes.

Du reste, quelque liberté que j'aie prise dans cette traduction, je me suis toujours souvenu de ne pas mêler mes pensées à celles de l'auteur. Mais ayant trouvé dans Montaigne plusieurs pensées qui ont un merveilleux rapport avec celles de M. Locke, je me suis fait un plaisir d'en citer une partie. C'est

xviij une bordure qui pourra délasser agréablement le lecteur. Le tour vif et original qui manque à ma traduction, il le trouvera toujours dans Montaigne. Si je n'eusse craint de trop grossir ce volume, je l'aurais orné de quantité d'autres pensées de cet auteur, peu différentes de celles de M. Locke; car il n'y a guère de choses concernant l'éducation des enfants, que Montaigne n'ait touchées dans ses Essais. Comme cette matière lui tient au cœur, il y revient à tout propos.

PRÉFACE DU TRADUCTEUR.

[merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors]

Combien il est important de bien élever les enfants. ·་་་

E

دار

>

Le bonheur dont on peut jouir dans ce monde se réduit (1) à avoir l'esprit bien réglé, et le corps en bonne disposition. Ces deux avantages renferment tous les autres, et l'on peut dire que celui qui les possède tous deux n'a pas grand' chose à désirer: au lieu que celui qui est privé de l'un ou de l'autre n'est guère plus heureux, de quelque avantage qu'il puisse jouir d'ailleurs. La principale cause de la félicité ou de la misère des hommes, vient d'eux-mêmes. Celui qui n'a pas l'esprit droit, ne trouvera jamais le véritable chemin du bonheur : et celui dont le corps est faible et malsain, n'y saurait faire de grands progrès. J'avoue qu'il y a des

to

1*$ *

(1) Mens sana in corpore sano. JUVÉNAL, sat. X, v. 356.

« PreviousContinue »