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grand diametre: mais elle étoit bleffée, & l'aiman n'y produifit pas un grand effet; le poiffon s'en détacha bientôt & demeura mort au fond de l'eau. On m'en fournit enfuite une plus petite fur laquelle je réitérai les mêmes expériences, où je n'observai rien de nouveau, finon que, plus le poisson est gros, moins il eft attiré au commencement par l'aiman, vers lequel il ne fe porte jamais de lui-même; & quelquefois il se paffe trois ou quatre heures & au delà avant qu'il s'y attache, encore cela n'arrivoit-il qu'aux petits, quand on les avoit pouffés avec une baguette dans l'eau pour les approcher de l'aiman. Hors de l'eau ils frétilloient tellement que l'aiman ne pouvoit jamais s'y bien attacher. Seulement, pendant qu'on les touchoit avec l'aiman, ils ne faifoient éprouver aucun effet de leur force aux hommes à travers l'aiman.

Pen eus une fois un de la longueur d'un pied & de l'épaiffeur d'un pouce & demi; il me fallut prendre bien de la peine pendant vint quatre heures pour lui ôter fa force & faire qu'il s'attachât à l'aiman; mais en récompenfe, il se paffa auffi plus de tems, après que je l'eus mis dans l'eau avec de la limaille de fer, avant qu'il recouvrât fa force. D'ailleurs ces épreuves ne portoient abfolument aucune atteinte à fa vie, pourvu qu'on eût foin de le bien nourrir. Il ne montroit aucune force qui eût de l'analogie avec l'électricité, à moins qu'on ne jettât de la limaille de fer dans l'eau; je dis au reste simplement, qui eût de l'analogie, car elle ne lui reffembloit pas à tous égards. C'est ce que je vais expofer en finiffant, pour faire connoître une force qui est tout à fait remarquable.

En 1767, je parvins à me procurer une de ces anguilles qui étoit des plus grandes de fon efpece; elle avoit quatre pieds de longueur & un pied d'épaiffeur. Elle résista parfaitement à l'aiman qui ne put lui ôter quoi que ce foit de sa force; feulement on n'éprouvoit aucun choc lorsqu'on la touchoit avec l'aiman. Je ne pouvois avoir d'aiman plus fort, ou qui portât plus de fer: cependant, à force de me donner de la peine pour fortifier l'armure, je parvins à augmenter fucceffivement le poids du fer que ces aimans étoient capables de porter, de forte que l'un d'eux qui n'avoit pu foutenir

qu'une once, fe chargeoit de huit: mais cela ne changea en rien l'effet rélatif au poiffon.

Sur ces entrefaites fe manifefta une feconde expérience qui n'étoit pas moins intéreffante que la premiere. Suivant la coûtume du pays on avoit acheté quelques nouveaux efclaves Negres qui étoient conduits des côtes d'Afrique à Surinam. Parmi eux fe trouvoit un garçon de quatorze ans, d'une complexion fanguine & très - robufte. L'ayant fait approcher d'un poiffon que je ne pouvois toucher fans éprouver la plus violente fecouffe, le drôle en rioit & fe moquoit de la peur des autres; & fans que je le lui diffe, il faifit le poiffon à deux mains & le tira de l'eau, fans qu'à mon grand étonnement & contre toute attente il en fût le moins du monde affecté. Ne pouvant comprendre d'où cela venoit, & n'ayant perfonne là qui fût lui parler dans fa langue, je fus obligé de prendre patience; mais le garçon me faifoit des fignes avec les doits pour me demander la permiffion de manger ce poiffon. Je n'avois aucune envie de la lui accorder, non seulement parce qu'il avoit fallu beaucoup de peine pour attraper ce poiffon & que je l'avois payé bien cher, mais à cause que je me propofois de le foumettre encore à diverfes expériences. Pour cet effet je fis faire un petit creux, comme un vivier, dans ma cour, & l'on y mit le poiffon que je comptois d'en faire tirer par le Negre toutes les fois que je le jugerois à propos, aucun autre n'en étant capable. Il ne fit non plus aucune difficulté de rendre afsez fréquemment ce fervice; mais après les premiers jours & qu'il eut touché à diverses reprises ce poiffon, tout fon corps fe couvrit d'une forte ébullition. Comme cela arrive affez aux nouveaux débarqués dans cette contrée, tant Européens qu'Africains, on n'y fait pas beaucoup d'attention, & le mal se paffe le plus fouvent de foi-même, ou à l'aide de quelques laxatifs & délayans accompagnés d'une bonne diete. Ce garçon fit la même cure & employa même des remedes plus forts pour purifier le fang, mais cela në produifit rien & il demeura au même état. Quand au bout de quelque tems il put s'exprimer dans la langue que je parlois, il me dit que, fi je ne lui laiffois pas manger le poiffon, il ne feroit jamais guéri. Je ne confentis pouftant pas pour cela à le lui donner, mais je ne permis plus qu'il le touchât,

&

& il ne laiffa pas finalement de guérir. Quelques mois s'écoulerent au bout defquels je lui fis de nouveau tirer le poiffon du vivier; l'ébullition revint, je recommençai la cure précédente, & je parvins à le guérir encore. Je répétai trois ou quatre fois la même expérience fur ce Negre; & m'étant informé chez divers poffeffeurs des plantages, fi le cas leur étoit connu, ils m'affurerent que, quand les Negres touchoient ce poiffon, la plûpart d'entr'eux étoient atteints d'une lepre incurable: ce qui étoit cause qu'on le leur défendoit féverement. Au refte je confervai ce dernier poiffon pendant quinze mois dans le vivier.

Il m'a paru que les détails anatomiques de la structure de l'anguille tremblante me meneroient trop loin; & avec cela d'autres fe font déjà aquittés de cette tâche. Ainfi je n'ajoûterai plus ici que les petites obfervations fuivantes.

Premierement, quand on touche ce poiffon avec un peu de force, fa peau fe contracte, & c'eft proprement des deux points de contraction que part le choc. De là vient que, lorfqu'il eft dans l'eau, on peut le manier. légerement fans rien ressentir.

Secondement, il fe fait réellement une contraction circulaire, mais fans rétraction.

Troifiemement, fi l'on emploie une lame de fer, la contraction du poisson arrive avant même qu'il ait été touché, & le coup part immédiatement; mais la contraction & le coup ont plus de force dans le cas de l'attouchement. Avec le dernier poiffon, il fe faifoit déjà une petite contraction, lorsque le fer étoit encore dans l'eau à un pied de distance du poiffon; & il s'enfuivoit un tremblement dans la main de celui qui tenoit le fer.

Quatriemement, une bouffole étant approchée du poiffon tant dans l'eau qu'hors de l'eau, l'éguille fe mettoit à tourner, & continuoit tant que la proximité duroit; mais la contraction dans le poiffon étoit prefque imperceptible.

Cinquiemement, le poiffon demeure dans l'état de contraction, même après que l'aiman l'a privé de fa force.

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Sixiemement, en le touchant avec de la cire d'Espagne, on ne reçoit qu'une foible fecouffe; & quand c'eft avec d'autres corps, la vivacité du choc eft proportionnée à leur dureté ou à leur molleffe, mais non avec une parfaite exactitude; car, lorfque les corps font d'une extreme molleffe, on eft auffi fortement frappé qu'en fe fervant d'un bois dur.

En septieme lieu, on ne voit jamais partir ni flamme, ni étincelle, lors même qu'on le touche avec du fer, foit de jour ou de nuit.

En huitieme & dernier lieu, la force en question ne se communique jamais d'un corps à l'autre par l'attouchement, auffi vivement que cela arrive par l'électricité; mais, faute d'une machine électrique, je n'ai rien pû déterminer à cet égard. Ainfi je ne poufferai pas plus ces obfervations; & j'attendrai à vous en proposer, Meffieurs, de nouvelles que je fache fi celles-ci vous ont été agréables.

EXTRAIT

Des Obfervations météorologiques faites à Berlin pendant

l'année 1770.

PAR M. BEGUEL IN.

L

a méthode d'observer, & les inftrumens dont je me sers, font les mêmes que j'ai décrits dans les Mémoires de l'Académie pour l'année 1769. p. 128; je n'en répéterai ici, en faveur de ceux qui n'auront pas l'ancienne collection de ces Mémoires, que ce qui eft néceffaire à l'intelligence de cet extrait.

I. L'échelle du baromêtre eft divisée en pouces & lignes de Paris.

II. La graduation des thermomêtres, eft celle du thermomêtre de mercure de M. de Réaumur, dont le zéro répond au 32. degré de Fahrenheit, & au 150. de M. de l'Isle. C'est le degré de chaleur de l'eau fous la glace. Celui de l'eau bouillante eft 80. & il correspond à 212. de Fahrenheit, à o de M. de l'Isle; & à 156. de M. Sulzer. Ces thermomètres font expofés au Nord, en plein air.

III. Les heures ordinaires des obfervations, font, fept heures du matin; deux heures de l'après-midi; & dix heures du foir.

IV. Je rapporte dans cet extrait de mes Tables la plus grande & la plus petite hauteur du baromêtre pour chaque mois, avec le milieu entre ces extrêmes, & de plus la hauteur moyenne qui résulte des trois observations journalieres.

La Planche qui eft à la fin de cet extrait représente le mouvement du Planche IL mercure pendant toute l'année.

V. Je donne pareillement un Tableau de la plus grande & de la moindre chaleur de chaque mois, obfervée à la même heure; tant pour le midi que

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