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eft aifé de conclure que nous favons feulement que nous ne favons rien; que nous n'avons aucune certitude pofitive, aucune connoiffance affurée de tous les rapports précis d'une chofe avec une autre; que nous ne fommes certains que de leur coëxistence avec le Tout, & par là du véritable ont avec lui.

rapport qu'elles Les individus, les êtres particuliers n'étant donc qu'un écoulement, une émanation, un développement du Tout, de l'unité fimple, du principe unique, ils ne peuvent avoir qu'une même effence, une même existence effentielle, une même fubftance proprement dite, avec lui, de lui & dans lui, fuivant l'axiome reçu: on ne peut pas donner ni communiquer ce qu'on n'a pas. J'ai dit que nos jugemens font presque tous défectueux; parce qu'ils font fondés fur nos raisonnemens, très-imparfaits dans leur principe. La chose est palpable pour tout homme qui y fait un peu de réflexion. Le raifonnement, dont l'homme s'enorgueillit tant, eft précisément la marque la plus fensible de fon imperfection, & de fon ignorance. Si l'homme favoit tout, il n'auroit

pas befoin de raisonner fur les chofes; la conception feule lui préfenteroit le but & les moyens d'y parvenir. Il ne feroit pas dans la néceffité de comparer ensemble diverfès chofes, pour juger de leurs rapports, & de porter enfuite un, fecond jugement fur leur maniere d'être, particuliere & rélative.

Nos connoiffances embraffent quelque chofe de plus; elles s'étendent aux objets véritablement métaphyfiques; & nous les acquérons auffi par des moyens phyfionomiques; dès que nous ne les connoiffons qu'a pofteriori. Y a-t-il en effet un objet plus métaphyfique que l'Être par foi, que Dieu même? Et comment connoiffons-nous Dieu? Par fes œuvres. Ce font les fignes caractéristiques, les traits phyfionomiques auxquels nous le reconnoiffons. Les cieux nous annoncent fa gloire. Nous le trouvons, nous le voyons dans tout. Nous voyons fon image au naturel dans fon propre Fils, qui nous affure (*) que qui le connoit & le voit, connoit & voit fon Pere. Qui mieux que lui pouvoit nous en inftruire, puifqu'il eft une même chofe avec lui? L'Apôtre

St.

(*) Joan. 14. 20.

St. Paul n'étoit pas moins perfuadé que la connoiffance que nous avons de Dieu, eft phyfionomique; lorfqu'il nous dit que Jéfus-Chrift eft l'image vifible de Dieu invifible (*), qu'il eft la fplendeur de fa gloire, la figure de sa substance (**), un miroir fans tache dans lequel on le voit clairement, enfin que ce qu'il y a d'invisible dans Dieu, fa puissance éternelle, & fa divinité même fe voyent, & deviennent intelligibles par les chofes vifibles, qui ont été faites (***). Or en quoi confiftent nos connoiffances phyfionomiques? N'est-ce pas à juger des chofes par leur extérieur, & de ce que nous ne voyons pas par ce que nous voyons? Et fi la Métaphyfique même est une science phyfionomique, quelle science ne l'eft pas? Elle est donc véritablement la science univerfelle. J'efpere le prouver plus en détail dans les Difcours fuivans.

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TROISIEME DISCOURS fur la fcience phyfionomique & fes avantages.

PAR DOM PERNET Y,

1

Oui, M

Meffieurs, la queftion que nous difcutons, n'eft rien moins qu'indifférente. Si la phyfionomie des hommes nous dévoile leurs plus fecretes inclinations, les émotions furtout actuelles de leur ame, les effets qui en réfultent, par conféquent leurs vertus & leurs vices habituels, les connoiffances phyfionomiques procurent un avantage réel à tous ceux qui savent juger de l'intérieur des hommes par les fignes extérieurs. Les chefs des nations furtout, prépofés pour faire le bonheur de ceux qui leur font foumis, doivent s'attacher à connoître par eux-mêmes les bonnes & les mauvaises qualités de ceux à qui ils se proposent d'accorder leur confiance, & dont ils veulent faire choix pour l'administration & l'exercice du pouvoir qui leur eft confié. La fcience phyfionomique eft aujourd'hui prefque l'unique reffource qui leur refte, pour pénétrer dans les fombres replis de la diffimulation, pour enlever ce voile ténébreux, percer ce mafque dont les hommes qui les approchent, affectent prefque tous de fe couvrir, ou pour cacher leurs défauts & leurs vices, ou pour tromper par l'apparence des vertus dont ils empruntent les dehors.

› Cependant, quelque fenfibles que foient les avantages attachés aux connoiffances phyfionomiques, Monfieur de Catt notre confrere a effayé de prouver que les inconvéniens, qu'il en regarde comme inféparables, les furpaffent infiniment; que la prudence exige en conféquence, qué l'on se refufe à fes attraits, que l'on ferme les oreilles à fes infinuations, & qu'on en évite l'étude comme dangereufe..

En l'écoutant, dit-il, on fait tort à ceux à qui l'on a à faire, fi l'on eft fimple particulier; à la nation, fi l'on eft constitué en dignité; & toujours on fe fait tort à foi-même.

Avant que d'examiner la folidité de ces affertions, voyons fi la science phyfionomique a un objet & des fondemens réels. Si fon objet est réel, la nature, qui ne fait rien envain, y a certainement attaché des avantages, & les inconvéniens qui pourroient en résulter, entrent dans la claffe de celui d'une fleur, dont l'odeur fuave flatte infiniment l'odorat de presque tout le monde, pendant qu'elle affecte difgracieusement quelques perfonnes & leur déplait beaucoup. Vouloir appuyer fur ces inconvéniens aux dépens des avantages, c'est vouloir déprimer les avantages de la lumiere, parce qu'elle affecte douloureusement les yeux foibles, ou parce qu'elle ne fupplée pas aux défauts de notre vûe, ou enfin parce que mal organifés ou mal inftruits, nous jugeons mal des objets qu'elle nous rend visibles.

Les inconvéniens qui peuvent réfulter des connoiffances phyfionomiques, ne peuvent donc tourner tout au plus qu'au défavantage de quelques particuliers, qui jugent mal, ou qui feroient bien aifes de cacher leurs défauts, leurs manoeuvres fecretes; qui feroient charmés qu'on ne pût même pas les foupçonner d'en être capables. De telles gens jureroient contre le foleil même, de ce qu'il prête fa lumiere à d'autres pour voir leurs mauvaises actions.

Dans mon fecond Difcours, j'ai prouvé affez clairement que la fcience phyfionomique a toute la nature pour objet, &, qu'à la rigueur du terme, étant la science de la nature, elle eft la science univerfelle. Cette affertion,

qui avoit d'abord l'air d'un paradoxe, eft devenue une vérité: Mr. de Catt en eft convenu lui-même dans fon dernier Difcours, & femble ne trouver à redire qu'à l'application du terme phyfionomie des chofes.

Les phyfionomies, dit-il, different par la différence des traits, & par celle de l'ensemble; les yeux faififfent ces différences, comme ils faififfent les fignes extérieurs qui différencient tous les objets. Je conviens, ajoute-t-il, qu'à caufe de cette reffemblance, on pourroit donner le nom de phyfionomie à la forme, à la figure, à la couleur, aux traits, en un mot à tous les traits

caractéristiques réunis, par lesquels nous jugeons que deux choses ne font pas la même, & que chacune eft telle individuellement. Cependant je n'oferois mettre au nombre des connoiffances phyfionomiques l'Aftronomie, la Météréologie, la Minéralogie, la Botanique, l'Hiftoire naturelle des animaux, la Médecine, la Politique même, en un mot toutes les connoiffances qu'on acquiert par les yeux, comme c'est par les yeux qu'on diftingue les phyfionomies. Il eft vrai, continue Mr. de Catt, il eft vrai que c'eft par les yeux qu'on apperçoit la rougeur de Mars, la blancheur de Jupiter, l'éclat de Vénus, la couleur plombée de Saturne, la couleur d'or qui brille dans le pinchsbeck, la mine pâle & languiffante d'un malade, les loix écrites & les mœurs d'une nation, d'où l'on conjecture fa conftitution: il est même vrai que le mot phyfionomie, qu'on devroit écrire phyfiognomonie, signifie connoiffance de la nature & des chofes naturelles, & que par fon étymologie il embraffe tous les objets dont on peut connoître la nature, de quelque maniere que ce foit.

Mr. de Catt auroit pu ajouter beaucoup d'autres motifs déterminans à l'àveu qu'il fait; il ne les ignore pas, & j'en ai donné un détail fort court dans mon fecond Mémoire; je ne les répeterai pas dans celui-ci.

Je conviens qu'il n'eft pas d'ufage de dire qu'on diftingue les Planetes à leur phyfionomic, que le pinchsbeck a la phyfionomie de l'or, qu'un homme a la phyfionomie malade, & qu'on juge de la conftitution d'un État par fa phyfionomie. Mais il n'est pas moins vrai que toutes ces choses ont ou font des fignes extérieurs & caractéristiques des objets dont on acquiert la connoiffance par les yeux, & qu'on peut, fuivant la rigueur du terme, & fon énergie, donner le nom de phyfionomie à l'ensemble de ces fignes extérieurs.

Pour le prouver, je n'en donnerai qu'un exemple pris de la Botanique, & je réserverai les autres preuves pour d'autres Mémoires.

Les caracteres botaniques font les fignes, les traits extérieurs qui constituent la forme & la figure des plantes. Par leur moyen on diftingue non feulement une plante d'une autre, mais encore fes propriétés déja connues, que ces fignes ou caracteres évidens rappellent à l'œil & de là à la mémoire de l'obfervateur.

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