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console de la perte de ma liberté. Vous ne me parlez point de son baptême est-elle nommée ? Qui l'a tenue? Est-elle jolie? Comment s'appelle-t-elle ? Je lui voudrais un joli nom1...

Ibid.

Au même, alors gouverneur de Cognac, en Poitou.

Elle lui recommande la tolérance envers les protestants.

On m'a porté sur votre compte, mon cher frère, des plaintes qui ne vous font pas honneur. Vous maltraitez les huguenots, vous en cherchez les moyens, vous en faites naître les occasions: cela n'est pas d'un homme de qualité. Ayez pitié de gens plus malheureux que coupables : ils sont dans des erreurs où nous avons été nous-mêmes, et d'où la violence ne nous eût jamais tirés. Henri IV a professé la même religion, et plusieurs grands princes; ne les inquiétez donc point: il faut attirer les hommes par la douceur et la charité; Jésus-Christ nous en a donné l'exemple, et telle est l'intention du roi. C'est à vous à contenir tout le monde dans l'obéissance; c'est aux évêques et aux curés à faire des conversions par la doctrine et par l'exemple. Ni Dieu ni le roi ne vous ont donné charge d'âmes: sanctifiez la vôtre, et soyez sévère pour vous seul.

Ibid.

exprimé; mais au dix-septième siècle ce tour libre et rapide était autorisé par l'usage.

1. Elle fut nommée Amable; et, dans la suite, elle épousa le duc de Noailles, d'abord appelé comte d'Ayen, dont la carrière militaire fut brillante, et qui, après être parvenu, en 1733, à la dignité de maréchal de France qu'avait aussi possédée son père, mourut en 1766. Les bons avis de M de Maintenon avaient été fort utiles à M" d'Aubigné, qui ne laissait pas d'avoir quelque penchant à la fierté, comme sa tante le lui a reproché dans une de ses lettres où elle lui disait très-justement : « Vous serez insupportable, si vous ne devenez humble..

2. Cette lettre, que l'on rapporte à l'année 1682, jette beaucoup de jour sur les sentiments et la conduite de M. de Maintenon relativement à la révocation de l'édit de Nantes, qu'on lui a souvent attribuée en partie. L'édit de Nantes, publié en 1598 par Henri IV, accordait aux calvinistes la liberté de conscience, l'exercice de leur culte et l'admission aux charges et aux fonctions publiques. Il fut révoqué par Louis XIV en 1685; et cet acte fit sortir de France un grand nombre de familles qui professaient la religion protestante.

A l'abbé Gobelin'.

Elle le prie de diriger sa conduite, sans tenir compte de sa nouvelle élévation.

Je vous conjure de vous défaire du style que vous avez avec moi, qui ne m'est point agréable et qui peut m'être nuisible. Je ne suis point plus grande dame que j'étais dans la rue des Tournelles, où vous me disiez fort bien mes vérités. Si la faveur où je suis met tout le monde à mes pieds, elle ne doit pas faire cet effet-là sur un homme chargé de ma conscience, et à qui je demande très-instamment de me conduire, sans aucun égard, dans le chemin qu'il croit le plus sûr pour mon salut. Où trouverai-je la vérité, si je ne la trouve en vous? et à qui puis-je être soumise qu'à vous, ne voyant dans tout ce qui m'approche que respects, adula tions, complaisances? Parlez-moi et écrivez-moi sans tour, sans cérémonie, sans insinuation, et surtout, je vous en prie, sans respect. Ne craignez jamais de m'importuner. Je veux faire mon salut je vous en charge; et je reconnais que personne n'a tant de besoin d'aide que j'en ai. Ne me parlez jamais des obligations que vous m'avez: regardezmoi comme dépouillée de tout ce qui m'environne; attachée au monde, mais voulant me donner à Dieu. Voilà mes véri tables sentiments.

Ibid.

A madame de La Maisonfort.

Il n'y a de véritable paix que pour l'âme remplie de Dieu.

Il ne vous est pas mauvais de vous trouver dans des trou bles d'esprit vous en serez plus humble, et vous sentirez par votre expérience que nous ne trouvons nulle ressource en nous, quelque esprit que nous ayons. Vous ne serez ja mais contente, ma chère fille3, que lorsque vous aimerez

1. Celui-ci était le confesseur de M. de Maintenon, à qui Louis XIV, comme nous l'avons indiqué dans la notice, s'était uni par un mariage secret: on rapporte la date de ce mariage à l'année 1685, et cette lettre est datée du 1 juillet 1686.

2. M de La Maisonfort, à qui est écrite cette lettre (1691 ou 1692), venait d'embrasser, non toutefois sans quelque hésitation, la vie religieuse. Née d'une famille ancienne mais pauvre du Berry, et chanoinesse de Poussay en Lorraine, cette personne, d'un rare mérite, avait été attachée à la mai

Dieu de tout votre cœur : ce que je ne dis pas par rapport à la profession où vous vous êtes engagée. Salomon vous a dit, il y a longtemps, qu'après avoir cherché, trouvé et goûté de tous les plaisirs, il confessait que tout n'est que vanité et affliction d'esprit, hors aimer Dieu et le servír2. Que ne puis-je vous donner toute mon expérience! Que ne puis-je vous faire voir l'ennui qui dévore les grands, et la peine qu'ils ont à remplir leurs journées! Ne voyez-vous pas que je meurs de tristesse dans une fortune qu'on aurait eu peine à imaginer', et qu'il n'y a que le secours de Dieu qui m'empêche d'y succomber? J'ai été jeune et j'ai goûté des plaisirs; dans un âge un peu avancé, j'ai passé des années dans le commerce de l'esprit, je suis venue à la faveur; et je vous proteste, ma chère fille, que tous les états laissent un vide affreux, une inquiétude, une lassitude, une envie de connaître autre chose, parce qu'en tout cela rien ne satisfait entièrement. On n'est en repos que lorsqu'on s'est donné à Dieu, mais avec cette volonté déterminée dont je vous parle quelquefois alors on sent qu'il n'y a plus rien à chercher, qu'on est arrivé à ce qui seul est bon sur la terre; on a des chagrins, mais on a aussi une solide consolation, et la paix au fond du cœur au milieu des plus grandes peines.

Ibid.

son de Saint-Cyr par l'amitié de M de Maintenon, qui même un moment jeta les yeux sur elle pour la placer à la tète de l'établissement qu'elle avait fondé. Ces bonnes dispositions échouèrent plus tard contre l'attachement que M de La Maisonfort montra pour M de Guyon, dont elle était la parente elle fut éloignée de Saint-Cyr. Plusieurs lettres pieuses de Bossuet lui sont adressées.

1. Si l'on peut dire goûter de tous les plaisirs, on ne dira pas également bien chercher et trouver de tous les plaisirs : c'est une de ces légères incorrections auxquelles fait allusion La Bruyère, mais qui sont d'ailleurs trèsrares chez M de Maintenon, comme chez M de Sévigné.

2. C'est ce que l'on voit dans plusieurs parties des ouvrages de Salomon, et notamment dans le chapitre in de l'Ecclésiaste.

3. Allusion au mariage secret qui l'avait unie à Louis XIV. Cette haute fortune de Mme de Maintenon eut son principe dans sa vertu, ce moyen de parvenir trop peu mis en usage; car, comme elle l'a dit elle-mème: n'est plus habile qu'une conduite irréprochable.

Rien J'oserai donc réclamer contre le jugement sévère d'un célèbre écrivain de nos jours qui, en peignant les femmes ilustres du dix-septième siècle, a représenté celleci comme ne consultant ni le devoir ni son cœur, mais l'opinion; ne poursuivant qu'un seul et bien misérable objet, la considération, sans Verlu et sans amour...

RACINE.

(1639-1699.)

Jean Racine, le plus accompli de nos poëtes, eût sans aucun doute pris place, s'il avait recherché cette gloire, entre nos premiers prosateurs: on le reconnaîtra par ses lettres, quelques œuvres polémiques et des fragments d'histoire, fort bien écrits, qu'il nous a laissés, surtout par l'éloge qu'il a fait de Pierre Corneille. Rien de plus curieux que de voir les grands hommes jugés par les grands hommes, puisque ceux-ci peuvent seuls les comprendre tout entiers et les apprécier avec une justesse parfaite. Racine, né trois ans après que la merveille du Cid avait ouvert en France des voies nouvelles à l'art dramatique, paya ainsi à celui qui lui avait frayé la carrière un noble tribut de reconnaissance. L'éloquence de son éloge a sa source dans la sincérité de son admiration; et ce témoignage de haute équité honore d'autant plus Racine, que l'on s'était trop souvent armé contre lui des succès de son illustre devancier, en s'appuyant, pour le rabaisser lui-même, sur les noms glorieux de Cinna et de Polyeucte. Né à la Ferté-Milon en 1639, Racine mourut en 1699.

Corneille jugé par Racine.

L'Académie a regardé la mort de M. Corneille comme un des plus rudes coups qui la pût frapper1; car bien que, depuis un an, une longue maladie nous eût privés de sa présence et que nous eussions perdu en quelque sorte l'espérance de le revoir jamais dans nos assemblées, toutefois il vivait, et l'Académie, dont il était le doyen 2, avait au moins la consolation de voir dans la liste où sont les noms de tous ceux qui la composent, de voir, dis-je, immédiatement au-dessous du nom sacré de son auguste protecteur13, le fameux nom de Corneille.

1. Condillac, dans l'Art d'écrire, se proposant de montrer comment se fait l'analyse de la pensée dans les langues formées et perfectionnées, a choisi pour objet d'étude la plus grande partie de ce morceau.

2. Il n'y avait été admis toutefois qu'en 1647, comme successeur de Maynard, onze ans après avoir donné le Cid.

3. Le roi. Le fondateur de l'Académie, Richelieu, en fut naturellement

Et qui d'entre nous ne s'applaudirait pas en lui-même, et ne ressentirait pas un secret plaisir d'avoir pour confrère un homme de ce mérite? Vous, monsieur, qui non-seulement étiez son frère1, mais qui avez couru longtemps une même carrière avec lui, vous savez les obligations que lui a notre poésie; vous savez en quel état se trouvait la scène française lorsqu'il commença à travailler. Quel désordre! quelle irrégularité! Nul goût, nulle connaissance des véritables beautés du théâtre. Les auteurs aussi ignorants que les spectateurs, la plupart des sujets extravagants et dénués de vraisemblance, point de mœurs, point de caractères, la diction encore plus vicieuse que l'action, et dont les pointes et de misérables jeux de mots faisaient le principal ornement; en un mot, toutes les règles de l'art, celles mêmes de l'honnêteté et de la bienséance, partout violées. Dans cette enfance ou, pour mieux dire, dans ce chaos du poëme dramatique parmi nous, votre illustre frère, après avoir quelque temps cherché le bon chemin et lutté, si je l'ose ainsi dire, contre le mauvais goût de son siècle, enfin inspiré d'un génie extraordinaire et aidé de la lecture des anciens, fit voir sur la scène la raison, mais la raison accompagnée de toute la pompe, de tous les ornements dont notre langue est capable, accorda heureusement la vraisemblance et le merveilleux, et laissa bien loin derrière lui tout ce qu'il avait de rivaux, dont la plupart, désespérant de l'atteindre, et n'osant plus entreprendre de lui disputer le prix, se bornèrent à combattre la voix publique déclarée pour lui, et essayèrent en vain, par leurs discours et par leurs frivoles critiques, de rabaisser un mérite qu'ils ne pouvaient égaler❜.

La scène retentit encore des acclamations qu'excitèrent à leur naissance le Cid, Horace, Cinna, Pompée, tous ces

le premier protecteur. Le chancelier Séguier fut son successeur en cette qualité. Mais après la mort de celui-ci, en 1672, Louis XIV ne dédaigna pas de prendre pour lui ce titre.

1. Thomas Corneille, auteur estimable, connu surtout par ses tragédies, entre lesquelles Timocrate, Ariane et le comte d'Essex ont eu beaucoup de réputation. Quant à Pierre Corneille, la France, dit Voltaire, lui donna le surnom de Grand non-seulement pour le distinguer de son frère, mais du reste des hommes. »

2. C'est-à-dire point de convenance dans les mœurs, point de vérité dans la peinture des caractères. Sur les mœurs, qui, dans l'art dramatique, embrassent, comme dit Marmontel, le naturel, l'habitude et les accidents passagers qui se combinent avec l'un et l'autre, on peut voir un morceau intéressant de cet auteur dans les Eléments de littérature (article Mœurs).

3. Corneille fait allusion à ces injustices de l'opinion publique dans une de ses Lettres, adressée à Saint-Evremond (1666), où il le remercie de l'honorer de son estime en un temps où il semble qu'il y ait un parti pris pour ne lui en laisser aucune..

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