Page images
PDF
EPUB

des néceffaires pour les guérir, & ce qu'il faut favoir pour bien les emboucher, les feller & les ferrer.

L'ancien ufage des duels, que nos derniers Rois ont fagement défendus fous des peines rigoureuses, a fans doute été l'origine de l'exercice des armes ; il eft utile pour donner de la force & de l'adreffe: mais il y a deux excès à éviter, ou de ne le point favoir du tout, ce qui peut affoiblir le courage pour sa défense, lorfqu'on eft infulté ; ou d'y être trop habile, ce qui peut rendre inquiet & queréleur. Lorsqu'un jeune homme eft peu adroit, il eft plus doux, plus poli, plus circonspec avec les autres jeunes gens: il évite les compagnies de ces gens fougueux toûjours prêts à s'arracher la vie; s'il a offenfé quelqu'un, il n'a point cette maniere fiere & hautaine de se justifier qui fait naître les quereles.

CHAPITRE III.

De la Mufique.

[ocr errors]

LA nature a organisé les hommes, de maniere que l'harmonie des fons leur caufe un fentiment agréable. L'ame s'abandonne volontiers à ce plaifir, & se laisse emporter, comme par un certain enchantement aux différentes paffions qu'elle infpire; elle délaffe l'efprit, & le difpofe à retourner aux applications férieuses, adoucit l'humeur, foulage les peines, & diffipe les chagrins: mais il n'eft pas néceffaire de favoir la Mufique pour joüir de ces avantages.

Néantmoins la connoiffance de cet art donne de la justesse, & de la précision à l'oreille. Il peut fervir d'amufement, & prévenir dans la

fuite les dangers de l'oifiveté. On fera donc bien de l'enfeigner aux jeunes gens. On leur fera voir de quelle maniere la Mufique remue les paffions, & comment elle doit s'accorder avec les paroles & les choses; enfin, comment elle imite la belle nature, par des accords de fons différens, reglés par des proportions Arithmétiques & Géométriques; car on fera bien de faire apprendre la compofition aux jeunes gens; mais pour connoître les regles de cet Art merveilleux, plutôt que pour en faire ufage; car je ne leur permettrois pas de s'y trop appliquer, il ne faut pas qu'ils fe piquent d'exceller dans la Mufique; il leur fuffit de s'y connoître.

D'ailleurs elle augmente infiniment la force des paroles, qui, pour l'ordinaire, font tendres touchent les coeurs & les amolliffent. C'est pour cela que Créfus,

(a)

(a) après avoir été vaincu par Cyrus, lui confeilla de faire apprendre aux Lydiens, à jouer des inftrumens, & à chanter, afin qu'ils fuffent bien-tôt convertis en femmes ; parce que pour lors, il n'y auroit plus à craindre qu'ils fe révoltaffent.

Cependant il y a des parens qui prennent plus de foin d'inftruire leurs enfans dans cet Art délicieux, que de les former à la vertu. Il me femble néantmoins que ce n'est point une tache à la réputation d'un homme que de ne pas favoir la Mufique. On eft convenu que Camille, Scipion, & Annibal étoient de grands Hommes, & l'on ignore s'ils la favoient.

On préfenta un jour à la fin d'un repas, fuivant l'ufage des Grecs, une Lyre à Thémistocle, il répondit qu'il n'en favoit pas jouer;

[blocks in formation]

fut-il pour cela moins refpecté ? Je ne vois pas en effet, parmi nous, qu'un homme de condition habile dans la Mufique en foit plus capable de choses importantes. Il eft en quelque forte honteux pour lui d'y exceller, & pour ne l'apprendre même qu'imparfaitement, on y paffe beaucoup de tems qu'on peut employer plus utilement.

CHAPITRE IV. De l'Architecture, de la Sculpture, & de la Peinture.

QUOIQUE les Arts dont je parle ici aient quelque chofe de méchanique, ils font au rang des Arts libéraux, parce qu'ils ne dépendent pas moins de l'efprit que de la main.

La connoiffance des beaux Arts

« PreviousContinue »