Page images
PDF
EPUB

toute fa famille. La plus vertueufe, je le fuppofe, observe ses devoirs envers fon mari: mais l'eftime, & le respect intérieur, que l'amitié accompagne toûjours, produifent des douceurs, & une fatisfaction que n'a pas un devoir forcé, ou une bienféance nonchalante. D'ailleurs, l'efprit répand des charmes, & des agrémens dans la foà ciété, & lorsqu'on aime un peu le cultiver, on y apporte toûjours quelques acquifitions nouvelles qui amufent, qui plaisent, & par conféquent qui raniment la tendreffe. Je ne parle néantmoins de ces efprits vifs & brillans, qui aiment & qui courent les plaisirs, pendant qu'ils négligent leurs femmes, leurs enfans & les affaires domeftiques. L'important n'eft pas feulement d'avoir de l'efprit, mais de l'avoir bien fait. L'efprit eft à craindre s'il n'est réglé par un coeur droit.

pas

Il y a beaucoup de mariages mal affortis, & plus encore qu'il n'en paroît à nos yeux. Combien de maris & de femmes gémiffent en fecret, fous un joug infupportable! Je fuis furpris qu'entre mille il s'en trouve un heureux, de la maniere dont on les fait. Le marché eft conclu, prefque toûjours avant que de fe connoître. Je dis le marché, parce qu'effectivement c'en est un. Il est étonnant que les hommes fe traitent comme les plus vils animaux. C'eft fentir bien peu fa dignité. Le premier objet du mariage eft la dot; eft-il rien de plus humiliant pour la perfonne ! Quelques mille livres de rente de plus ou de moins font conclurre, ou empêchent de former la fociété qui feroit la mieux assortie. Lorsqu'on n'aime que les richeffes, faut-il s'étonner que réciproquement on s'aime fi peu ? Le luxe a pris un empire fi abfolu,

qu'on ne connoît plus de vrai bonheur fans lui. On s'imagine que les richeffes peuvent le fatisfaire : on fe trompe; c'eft un gouffre fans fond que les mines du Pérou ne pourroient pas remplir. La médiocrité avec le contentement & la paix dans la fociété, n'est-elle pas préférable aux biens de la fortune avec les chagrins & les quereles? Je veux qu'une femme foit riche, & très-riche: cela empêche - t'il qu'elle ne puiffe être vaine ou avare, bigote ou galante, précieuse ou coquette, évaporée ou bisarre, vaporeuse ou tracafliere, joueuse ou emportée? En un mot, les richesses effacent-elles tous les vices de l'ame qui rendent une fociété malheureufe? Elles fervent au contraire à les développer. Détournent - elles les chagrins, les inquiétudes, les dégoûts & les infirmités ? Au contraire, elles fervent à les augmen

ter. Les biens de la fortune ont-ils rien qui puiffe égaler deux coeurs unis par la conformité d'inclinations vertueuses? Eh ! qu'importe encore qu'une femme ait une dot confidérable? Si elle a des difpofitions pour dépenfer plus qu'elle n'apporte, ne ruine-t'elle pas une maifon, plutôt qu'elle ne l'enrichit? Nous en avons tous les jours des exemples devant les yeux, & cependant perfonne n'y fait attention. On ne fonge pas que la plus riche dot eft la fageffe & l'oeconomie d'une femme.

Mais les jeunes gens ne font pas toûjours coupables en cela. Ils font de tendres victimes que les parens immolent à l'ambition, & à la vanité. Ceux que l'âge & l'expérience devroient rendre plus fages, ne penfent qu'à des alliances, ou à des richeffes. Ils oppriment la liberté que les hommes doivent avoir de dif

pofer

pofer d'eux-mêmes. Ils veulent être maîtres du coeur qui n'en connoît point fur la terre: ils ne fongent pas aux défordres qui peuvent naître d'un mariage mal afforti, & s'embarraffent peu que leurs enfans foient malheureux toute leur vie. La cruauté de quelques Nations Payennes qui facrifioient inhumainement leurs enfans à leurs Dieux irrités, furpaffoit-elle de beaucoup celle-ci?

Je fai que les jeunes gens fe laiffent aisément furprendre par les fens, & qu'ils fuivent plutôt les mouvemens du coeur qu'ils n'écoutent la raison. C'eft aux parens alors à les aider de leurs confeils, & même à fe fervir de leur autorité, pour les détourner de leurs égaremens : mais il ne faut pas auffi que les parens répriment les paffions de leurs enfans, pour fubftituer les leurs. On doit marier les jeunes II. Part. Ccc

« PreviousContinue »