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elle a une harmonie particuliere qui lui donne beaucoup de grace, mais qui a peu de rapport à celle des autres langues.

A l'égard des Orateurs François qui ont appris la Rhétorique en Latin, on avouera qu'ils y ont trouvé plus de difficulté d'abord, & qu'enfuite ils ont eu plus de peine à écrire & à parler éloquemment en François, que fi on les avoit enfeignés en cette langue. Or il faut, autant que l'on peut, épargner la peine, toûjours prife aux dépens du tems, qui eft précieux à qui fait l'employer

utilement.

La Grammaire eft la premiere étude que j'ai propofée: mais il s'a git ici de l'élégance, & de la politeffe du ftyle; c'eft pourquoi je confeille de donner aux jeunes gens les remarques fur la langue Françoife par Vaugelas avec les obfervations de Patru, de T. Corneille & de

l'Académie Françoife. On fera bien d'y joindre les décisions de la même Académie, recueillies par l'Abbé Tallemant, les remarques de Grammaire fur Racine par M. l'Abbé d'Olivet, avec les réponses de M. l'Abbé Desfontaines, & de M. de Soubeyran, en faveur de ce Poëte, & les doutes fur la langue Françoife, propofés par un Gentilhomme de Province: ce font plutôt des décifions que des doutes. Le P. Bouhours, qui en eft l'Auteur, propofe plufieurs difficultés fur ce qui regarde le choix des mots, la pureté des phrases, la régularité de la conftruction, l'exactitude & la netteté du style. Le Traité de la Profodie Françoise par M, l'Abbé d'Olivet, est très-utile pour la prononciation, & pour l'harmonie dans la profe & dans les vers. Comme l'on peut fe trouver fouvent embarrassé dans le doute & l'incertitude, il eft

néceffaire de donner aux jeunes gens quelque Dictionnaire de la langue Françoise. Celui de Trévoux eft le plus étendu de tous : mais la derniere édition du Dictionnaire de l'Académie eft ce qui doit avoir le plus d'autorité pour la valeur, l'énergie, & le véritable ufage des termes de la langue Françoise.

Depuis un fiecle elle a été enrichie d'un grand nombre de Rhétoriques, foit de traductions, foit d'originaux; ainfi l'on ne peut être embarraffé que du choix. Je fuis d'avis de préférer la Rhétorique, ou les regles de l'éloquence par M. Gibert. Il explique la matiere par des préceptes, & des exemples excellens, qu'il a puifés avec beaucoup de jugement dans les véritables fources. Cet ouvrage eft le fruit d'une longue expérience : je ne crois pas qu'il y en ait qui convienne

mieux aux commençans. Cependant on peut fe fervir de l'Art de parler du P. Lamy, & paffer légerement fur la premiere & la troifieme Partie. Tout l'ouvrage eft refondu dans la quatrieme édition ; c'eft celle que je confeille de préférer. On fera bien de donner enfuite la traduction de Quintilien par l'Abbé Gedoyn. L'ouvrage eft excellent; mais il y a bien des chofes inutiles, que les maîtres feront paffer aux jeunes gens. C'est ce qu'a fait M. Rollin, dans l'édition abrégée qu'il en a donnée en Latin. Le Traité du Sublime de Longin, traduit par Defpréaux ; l'Orateur de Ciceron, traduit par l'Abbé Colin, feront fort utiles; mais plus utile encore eft la partie de la Rhétorique d'Ariftote, qui regarde les moeurs & les paffions. Če grand Philofophe penetre dans le coeur de l'homme, enfeigne les détours

qu'il faut prendre pour profiter de fes foibleffes, y exciter des mouvemens, faire naître des passions, & s'en rendre le maître : ce font là les fondemens de la perfuafion, & la force de l'éloquence.

Il est une infinité de Traités fur l'éloquence: mais ceci peut fuffire. Je confeille néantmoins d'ajouter à ces Auteurs quelques ouvrages critiques, comme le cours (a) de Belles Lettres diftribué par exercices, la maniere de bien penfer dans les ouvrages d'efprit, par le P. Bouhours, les fentimens de Cléante fur les entretiens d'Arifte & d'Eugene du même Auteur par M. Barbier d'Aucour, ouvrage excellent. Les fentimens de l'Académie fur la Tragi-Comédie du Cid, les Obfervations de Ménage fur les Poëfies de Malherbe, les Agrémens du lan

(a) A Paris chez Defaint & Saillant rue S. Jean de Beauvais. 17+7.

IL Part.

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