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LES GUEBRES

O U

LA TOLERANCE,

TRAGEDI E.

Non représentée,

DES EDITEURS DE LA PREMIERE EDITION.

LE poëme dramatique, intitulé les Guèbres,

était originairement une tragédie chrétienne, mais après les tragédies de Saint-Genest, de Polyeucte, de Théodore, de Gabinie et de tant d'autres, l'auteur de cet ouvrage craignit que le public ne fût enfin dégoûté, et que même ce ne fût en quelque façon manquer de refpect pour la religion chrétienne de la mettre trop fouvent fur un théâtre profane. Ce n'eft que par le confeil de quelques magiftrats éclairés qu'il fubftitua les Parfis ou Guèbres aux Chrétiens. Pour peu qu'on y faffe attention, on verra qu'en effet les Guèbres n'adoraient qu'un feul Dieu; qu'ils furent perfécutés comme les chrétiens depuis Dioclétien, et qu'ils ont dû dire à peuprès pour leur défense tout ce que les chrétiens. difaient alors.

L'empereur ne fait à la fin de la pièce que ce que fit Conftantin à son avénement, lorsqu'il donna dans un édit pleine liberté aux chrétiens d'exercer leur culte, jufque-là prefque toujours défendu ou à peine toléré.

M'..... en compofant cet ouvrage n'eut d'autre vue que d'infpirer la charité univerfelle, le refpect pour les lois, l'obéiffance des fujets aux

fouverains, l'équité et l'indulgence des fouverains pour leurs fujets.

Si les prêtres des faux dieux abusent cruellement de leur pouvoir dans cette pièce, l'empereur les réprime. Si l'abus du facerdoce eft condamné, la vertu de ceux qui font dignes de leur ministère reçoit tous les éloges qu'elle mérite.

Si le tribun d'une légion, et fon frère qui en est le lieutenant, s'emportent en murmures, la clémence et la justice de Céfar en font des sujets fidelles et attachés pour jamais à sa personne.

Enfin, la morale la plus pure et la félicité publique font l'objet et le résultat de cette pièce. C'est ainsi qu'en jugèrent des hommes d'Etat, élevés à des poftes confidérables; et c'est dans cette vue qu'elle fut approuvée à Paris.

Mais on confeilla à l'auteur de ne la point exposer au théâtre, et de la réserver seulement pour le petit nombre de gens de lettres qui lifent encore ces ouvrages. On attendait alors avec impatience plufieurs tragédies plus théâtrales et plus dignes des regards du public, foit de M. du Belloy, foit de M. le Mierre, ou de quelques autres auteurs célèbres. L'auteur de la Tolérance n'ofa ni ne voulut entrer en concurrence avec des talens qu'il fentait supérieurs aux fiens. Il aima mieux avoir droit à leur indulgence que de lutter vainement contre eux ; et il fupprima même

fon

fon ouvrage que nous préfentons aujourd'hui aux gens de lettres; car c'est leur fuffrage qu'il faut principalement ambitionner dans tous les genres. Ce font eux qui dirigent à la longue le jugement et le goût du public. Nous n'entendons pas feulement par gens de lettres les auteurs, mais les amateurs éclairés, qui ont fait une étude approfondie de la littérature, qui vitam excoluere per artes; ce font eux que le grand Virgile place dans les champs Elysées parmi les ombres heureufes, parce que la culture des arts rend toujours les ames plus honnêtes et plus pures.

Enfin, nous avons cru que le fond des chofes qui font traitées dans ce drame pourrait ranimer un peu le goût de la poëfie que l'efprit de differtation et de paradoxe commence à éteindre en France, malgré les heureux efforts de plufieurs jeunes gens remplis de grands talens qu'on n'a peut-être pas affez encouragés.

Théâtre. Tome V.

V

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