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OLIM PIE.

Antipatre, en ma première enfance,

Par le fort des combats me tint fous sa puissance :

Je dois tout à fon fils.

STAT IR A.

Ainfi vos premiers jours

Ont fenti l'infortune, et vu finir fon cours!
Et la mienne a duré tout le temps de ma vie....
En quel temps, en quels lieux fûtes-vous poursuivie
Par cet affreux deftin qui vous mit dans les fers?

OLIMPIE.

On dit que d'un grand roi, maître de l'univers,
On termina la vie, on difputa le trône,
On déchira l'empire; et que dans Babylone
Caffandre conferva mes jours infortunés,

Dans l'horreur du carnage au glaive abandonnés.

STATIR A.

Quoi! dans ces temps marqués par la mort d'Alexandre, Captive d'Antipatre, et foumife à Caffandre!

OLIM PIE.

C'eft tout ce que j'ai fu. Tant de malheurs paffés
Par mon bonheur nouveau doivent être effacés.

STATIRA.

Captive à Babylone!.... O Puiffance éternelle !
Vous faites-vous un jeu des pleurs d'une mortelle ?
Le lieu, le temps, fon âge ont excité dans moi
La joie et les douleurs, la tendreffe et l'effroi.
Ne me trompé-je point? Le ciel fur fon visage
Du héros mon époux semble imprimer l'image....

Que dites-vous ?

OLIMPI E.

STATIRA.

Hélas! tels étaient fes regards,

Quand moins fier et plus doux, loin des fanglans hasards,
Relevant ma famille au glaive dérobée,

Il la remit au rang dont elle était tombée,
Quand fa main se joignit à ma tremblante main.
Illufion trop chère, espoir flatteur et vain!
Serait-il bien poffible!.... Ecoutez-moi, Princesse,
Ayez quelque pitié du trouble qui me presse,
N'avez-vous d'une mère aucun ressouvenir?

OLIMPI E.

Ceux qui de mon enfance ont pu m'entretenir
M'ont tous dit qu'en ce temps de trouble et de carnage,
Au fortir du berceau, je fus en esclavage.

D'une mère jamais je n'ai connu l'amour;
J'ignore qui je fuis, et qui m'a mise au jour....
Hélas! vous soupirez, vous pleurez, et mes larmes
Se mêlent à vos pleurs, et j'y trouve des charmes....
Eh quoi! vous me ferrez dans vos bras languiffans!
Vous faites pour parler des efforts impuissans !
Parlez-moi.

STAT IR A.

Je ne puis.... Je fuccombe.... Olimpie!

Le trouble que je fens me va coûter la vie.

SCENE I V.

STATIRA, OLIMPIE, L'HIEROPHANTE.

L'HIEROPHANTE.

O Prêtreffe des Dieux! ô Reine des humains!
Quel changement nouveau dans vos triftes deftins!
Que nous faudra-t-il faire, et qu'allez-vous attendre?

STAT IR A.

Des malheurs; je fuis prête, et je dois tout entendre.

L'HIEROPHANTE.

C'eft le plus grand des biens, d'amertume mêlé;
Mais il n'en eft point d'autre. Antigone troublé,
Antigone, les fiens, le peuple, les armées,
Toutes les voix enfin, par le zèle animées,
Tout dit que cet objet à vos yeux présenté,
Qui long-temps comme vous fut dans l'obscurité,
Que vos royales mains vont unir à Cassandre,
Qu'Olimpie....

STATIRA.

Achevez.

L'HIERO PHANTE.

Eft fille d'Alexandre.

STATIRA, courant embraffer Olimpie.

Ah! mon cœur déchiré me l'a dit avant vous.
O ma fille! ô mon fang! ô nom fatal et doux!
De vos embrassemens faut-il que je jouisse,
Lorfque par votre hymen vous faites mon fupplice!

OLIMPIE.

Quoi! vous feriez ma mère, et vous en gémiffez!

STATIRA.

Non, je bénis les Dieux, trop long-temps courroucés,
Je fens trop la nature et l'excès de ma joie;
Mais le ciel me ravit le bonheur qu'il m'envoie :

Il te donne à Caffandre!

OLIMPI E.

Ah! fi dans votre flanc

Olimpie a puisé la source de son sang,

Si j'en crois mon amour, fi vous êtes ma mère,
Le généreux Cassandre a-t-il pu vous déplaire?

L'HIERO PHANTE.

Oui, vous êtes fon fang, vous n'en pouvez douter,
Caffandre enfin l'avoue, il vient de l'attefter.
Pourrez-vous toutes deux avec lui réunies
Concilier enfin deux races ennemies?

OLIMPIE.

Qui? lui? votre ennemi ! tel ferait mon malheur !

STAT IR A.

D'Alexandre ton père il eft l'empoisonneur.
Au fein de Statira, dont tu tiens la naiffance,
Dans ce fein malheureux qui nourrit ton enfance,
Que tu viens d'embrasser pour la première fois,
Il plongea le couteau dont il frappa les rois.
Il me poursuit enfin jusqu'au temple d'Ephèse,
brave les Dieux, et feint qu'il les apaise;
A mes bras maternels il ofe te ravir;

Il

y

Et tu peux demander fi je dois le haïr!

OLIMPIE.

Quoi! d'Alexandre ici le ciel voit la famille !
Quoi! vous êtes fa veuve! Olimpie est sa fille!

Et

Et votre meurtrier, ma mère, eft mon époux!

Je ne fuis dans vos bras qu'un objet de courroux!
Quoi! cet hymen fi cher était un crime horrible!

L'HIEROPHANT E.

Efpérez dans le ciel.

OLIMPIE.

Ah! fa haine inflexible

D'aucune ombre d'espoir ne peut flatter mes vœux;
Il m'ouvrait un abyme en éclairant mes yeux.
Je vois ce que je fuis, et ce que je dois être.
Le plus grand de mes maux eft donc de me connaître !
Je devais à l'autel, où vous nous unissiez,

Expirer en victime et tomber à vos pieds.

SCENE

V.

STATIRA, OLIMPIE, L'HIEROPHANTE, un PRETRE.

LE PRETRE.

ON menace le temple, et les divins mystères

Sont bientôt profanés par des mains téméraires;
Les deux rois défunis difputent à nos yeux
Le droit de commander où commandent les dieux.
Voilà ce qu'annonçaient ces voûtes gémiffantes,
Et fous nos pieds craintifs nos demeures tremblantes.
Il femble que le ciel veuille nous informer
Que la terre l'offenfe, et qu'il faut le calmer;
Tout un peuple éperdu, que la difcorde excite,
Vers les parvis facrés vole et fe précipite;

Théâtre. Tome V.

C

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