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(8)

JULIE.

Peut-être comme lui vous marchez au trépas!
Mais foyez sûr au moins qu'on ne me verra pas,
Par d'inutiles pleurs arrofant votre cendre,
Jeter d'indignes cris qu'on dédaigne d'entendre.
Les Romains apprendront que nous étions tous deux
Dignes de vivre ensemble, ou de mourir pour eux.

FULVI E.

Vengeons fur des méchans le monde qu'on opprime.
POMPÉ E.

Punir un criminel, ce n'eft pas faire un crime;
C'eft fervir fon pays; j'y fuis déterminé. ...

(9) Peut-être il eft encor des yeux trop vigilans
Qui pour fa fureté font ouverts en tout temps.
Mes efclaves par-tout ont une libre entrée ;
On ne craint rien de moi.

POMPÉE.

Sa perte eft affurée;

Mon fang fera mêlé dans les flots de fon fang.

(à Aufide.)

Quel mot a-t-on donné ?

AUFID E.

Seigneur, de rang en rang

La parole a couru : c'est Pompée et Pharfale.

POMPÉ E.

Elle coûtera cher, elle fera fatale ;

Et le nom de Pompée eft un arrêt du fort

Qui du fils de Céfar a prononcé la mort.

Mais je tremble pour vous, je tremble pour Julie;
Antoine vengera le frère d'Octavie.

(10) Cet acte cinquième commençait par la scène fuivante, entre Octave et Antoine: on amenait enfuite fucceffivement Fulvie avec Julie et Pompée.

OCTAV E.

Ainfi donc cette nuit l'implacable Fulvie

Allait nous arracher l'empire avec la vie?

ANTOINE.

Du fer qu'elle portait légèrement bleffé,
Je vois avec mépris fon courroux insensé.
Dans fon emportement fa main mal affurée
N'a porté dans mon fein qu'une atteinte égarée.
Son efprit, étonné de ce nouveau forfait,
Laiffait fon bras fans force et fon crime imparfait.
Aifément à mes yeux défarmée et faisie,
Dans la tente prochaine elle eft avec Julie.

OCTAV E.

Il le faut avouer: de fi grands attentats
Sont dignes de nos jours et ne m'étonnent pas.

ANTOINE.

Mais quel eft le romain qui jufque dans nos tentes
A porté, fans frémir, fes fureurs impuissantes ?

OCTAV E.

D'Icile à mes côtés on a percé le fein,

Je goûtais, je l'avoue, un fommeil bien funefte.
Il femble qu'en effet quelque pouvoir célefte
Perfécute mes nuits et grave dans mon cœur
Des traits de défefpoir et des tableaux d'horreur.
Je vois des morts, du fang, des tourmens qu'on apprête ;
Je vois le fer vengeur fufpendu fur ma tête.
On m'abreuve du fang des Romains expirans :
Ces fantomes affreux fatiguaient tous mes fens.
Mon ame fuccombait d'épouvante frappée,
J'entendais une voix qui me criait : Pompée !
Je treffaille à ce nom, je m'arrache au fommeil ;
Le fang d'Icile mort me couvre à mon réveil.
Je m'arme, je m'écrie; on faifit le perfide,
On n'aperçoit en lui qu'un africain timide,
Un malheureux fans force, interdit, défarmé,
De qui la voix tremblante et l'œil inanimé
Nous découvrait affez qu'un fi lâche coupable
D'un meurtre auffi hardi n'a point été capable.
Lui-même il en ignore et la cause et l'auteur,
ofer tromper il a trop de terreur.

Et pour

L'indomptable Fulvie a-t-elle en fa colère
Employé pour me perdre une main mercenaire,
Tandis que
de la fienne elle ofait vous frapper?

Α Ν Τ Ο Ι Ν Ε.

L'affaffin tel qu'il foit ne nous peut échapper.

OCTA V E.

Eft-ce quelque profcrit qui, jufqu'en ces contrées,
Ofe armer contre nous fes mains défespérées ;
Et dans l'égarement se vengeant au hasard
Venait porter la mort aux lieux dont elle part?

ANTOIN E.

L'esclave nous a peint ce mortel téméraire ;
Il ignorait, dit-il, fon deffein fanguinaire.

OCTAV E.

Mais il eft à Fulvie.

ANTOIN E.

Une femme en fureur

Sans doute a contre nous trouvé plus d'un vengeur;
Elle a pu le choifir dans une foule obfcure.
Cafca fit à Céfar la première bleffure.

Les plus vils des humains, ainfi que les plus grands,
S'armeront contre nous puifqu'on nous croit tyrans.
Ne nous attendons point à des deftins tranquilles,
Mais aux meurtres fecrets, mais aux guerres civiles,
Aux complots renaiffans, aux confpirations;
C'est le fruit éternel de nos profcriptions;

Il est femé par nous, en voilà les prémices.
Les dieux à nos deffeins ne font pas moins propices;
Notre empire abfolu n'eft pas moins cimenté :
On ne peut le chérir, mais il eft redouté.
La terreur est la base où le pouvoir se fonde ;

Et ce n'eft qu'à ce prix qu'on gouverne le monde.

OCTAV E.

Que n'ai-je pu régner par des moyens plus doux!
Mais ce meurtre hardi rallume mon courroux.
Quoi! dans le même jour où Julie expirante
Par le fort eft jetée en cette île fanglante,
Un meurtrier pénètre au milieu de la nuit,
A travers de ma garde, en ma tente, à mon lit!

(11)

Deux femmes, contre nous par la fureur unies,
A cet étrange excès fe feront enhardies!

Julie aime Pompée, et par ce coup fanglant
Elle a voulu venger le fang de fon amant.
Dans l'école du meurtre elle s'eft introduite;
Elle en a profité; je vois qu'elle m'imite.

ANTOINE.

Nous allons démêler le fil de ces complots.

OCTA VE.

!

Je fuis affez inftruit, et trop pour mon repos
Je me vois détefté: que favoir davantage?
On ne m'apprendra point un plus fenfible outrage.

JULIE.

Je ne m'en défends plus : oui, je fuivais fa trace,
Oui, j'attachais mon fort à fa noble disgrace.
J'ai préféré Pompée, abandonné des dieux,

A Céfar fortuné, puiffant, victorieux.

Que me reprochez-vous ? cent peuples en alarmes
Ou rampent fous vos fers, ou tombent fous vos armes ;
Le monde épouvanté reconnaît votre loi :

Au fils du grand Pompée il ne refte que moi.
Oui, mon cœur eft à lui; laiffez-lui fon partage;
Respectez fes malheurs, refpectez fon courage.
J'ai voulu rapprocher, après tant de revers
Deux noms aimés du ciel et chers à l'univers.

Dignes de notre race en héros fi féconde

Nous nous aimions tous deux pour le bonheur du monde.
Voilà mon crime, Octave; ofez-vous m'en punir?

Dans vos indignes fers m'osez-vous retenir ?

Quand Céfar a pleuré fur la cendre du père,
Portez-vous fur le fils une main fanguinaire?
Il l'honora dans Rome, et furtout aux combats.

Fin des Variantes.

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