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sans motif réel, ils ont donné le genre masculin ou le genre féminin aux autres substantifs, quoiqu'ils n'aient aucun rapport avec l'un ou l'autre sexe acrostiche, amadou, centime, éclair, épiderme, entr'acte, épisode, légume, monticule, ont été mis au rang des noms masculins; et anagramme, antichambre, épée, fibre, onglée, ouïe, au rang de ceux qui sont féminins. (Le Dict. de l'Académie.)

Le caprice a souvent fait aussi que le genre de plusieurs substantifs a changé selon les temps; en voici quelques exemples:

AFFAIRE, actuellement féminin, était autrefois masculin. Marot, dans sa lettre au roi pour qu'il le fit sortir de prison, et dans sa complainte sur la Mort de Florimond Robertet, l'a fait de ce genre.

AGE, que nous faisons aujourd'hui masculin, était féminin du temps de P. Corneille.

Outre l'âge en tous deux un peu trop refroidie,

Cela sentirait trop sa fin de comédie.

(La Galerie du Palais, acle V.)

ART, du masculin, était féminin du temps de Montaigne, d'Amyot, et autres auteurs anciens.

COMTÉ était autrefois féminin; Marot, sur la Mort de Fl. Robertet, l'a fait de ce genre. Il a été ensuite masculin et féminin. Présentement il est toujours masculin, si ce n'est quand on parle de la Franche-Comté.

DATE. On disait anciennement le date et la date. Le date de DATUM, et la date de DATA, en sous-entendant epistola. Aujourd'hui on ne dit plus que la date; de fraiche date; de vieille date.

ÉVÉCHÉ. Ronsard, dans sa réponse au ministre Montdieu, a fait ce mot féminin; il est présentement masculin.

Il en est de même du mot archevêché.

INSULTE, qui ne peut aujourd'hui être employé qu'au féminin, était autrefois masculin. L'Académie, au commencement du dernier siècle, le faisait de ce genre, en avertissant que plusieurs s'en servaient au féminin.

Bouhours, Fléchier lui ont aussi donné le genre masculin, et Boileau a dit dans le Lutrin, chant V:

Evrard seul, en un coin prudemment retiré,
Se croyait à couvert de l'insulte sacré.

Et chant VI:

A mes sacrés autels font un profane insulte,
Remplissent tout d'effroi, de trouble et de tumulte.

NAVIRE. Il paralt, dit Ménage, que ce mot était autrefois féminin; et il pensait que, dans la haute poésie, la navire valait mieux que le navire. Mais aujourd'hui le féminin ne s'est conservé qu'en parlant du vaisseau des Argonautes : La navire Argo.

(Richelet, Trévoux, Port-Royal, Boiste, Carpentier, Gallet et l'Académie.)

Nous croyons que même dans ce dernier sens, pas plus que pour la constellation, le féminin ne peut être employé aujourd'hui; et qu'il faut dans tous les cas dire le navire Argo. L'Académie ne signale aucune exception. A. L.

POISON. Du temps de Malherbe, et avant ce temps, ce mot était presque toujours employé au féminin. Crétin (dans son Chant royal), Ronsard (dans une de ses élégies), Belleau (dans la Première journée de sa Bergerie), Desportes (dans sa seconde élégie), en ont fait usage en ce genre en effet, dit Ménage, c'est de ce genre qu'il devrait être selon son étymologie latine potio, qui est féminin. Mais, malgré cela et malgré l'autorité des anciens écrivains, le mot poison est présentement masculin.

RENCONTRE, toujours féminin en quelque sens qu'on l'emploie, était autrefois masculin. Voiture, Arnauld d'Andilly, Pasquier, et, plus récemment, La Bruyère, Pavillon, Mascaron, J.-B. Rousseau ont dit ce rencontre, et les premières éditions du Dictionnaire de l'Académie les y autorisaient.

De cette variation d'usage il est résulté souvent qu'un même mot, avec la même signification, est demeuré des deux genres.

SUBSTANTIFS DE DIFFÉRENTS GENRES AYANT LA MÊME

SIGNIFICATION.

AIGLE. Voyez les Remarques détachées, lettre A.

AMOUR, désignant une vive affection, est masculin au singulier : amour divin, amour paternel, amour filial.

« Le cœur, dit Chrysostome, est le symbole de l'amour conjugal; il meurt par la moindre division de ses parties. »

(Vaugelas, 371 Remarque.

Wailly, page 32.
note 129, et le Dict. de l'Académie.)

Lemare, page 348,

Il est également masculin au singulier, lorsqu'il exprime la passion d'un sexe pour l'autre : « Vous êtes mon premier amour. » (LaMOTTE.) — « Il n'y a point de déguisement qui puisse cacher l'amour « où il est, pour le feindre où il n'est pas. » (LA ROCHEFOUCAULD.) (Mêmes autorités.)

Au pluriel, ce mot ne s'emploie guère qu'au féminin; et alors il ne se dit que du sentiment particulier qui attache l'une à l'autre

deux personnes de sexe différent : « Il n'y a point de belles prisons

◄ ni de laides amours. »

(L'Académie.)

« Adrien déshonora son règne par des amours monstrueuses. »

Pour parvenir au but de ses noires amours,
L'insolent de la force empruntait le secours.
Cette Esther, l'innocence et la sagesse même,
Que je croyais du ciel les plus chères amours.
Mais, hélas ! il n'est point d'éternelles amours.
Le passé n'a point vu d'éternelles amours,
Et les siècles futurs n'en doivent point attendre.

(Bossuet.)

(Racine, Phèdre, IV, 1.)

(Esther, III, sc. 4. (Boil., les Héros de rom.)

(Saint-Evremont.,

(Th. Corneille, sur la 371 Remarque de Vaugelas; l'Académie, page 386 de ses Observations, son Dictionnaire; et les Grammairiens modernes.)

Mais, lorsque ce substantif désigne ces espèces de petits génies qui, selon la mythologie des Grecs, servaient de cortège à la beauté, il est généralement employé au pluriel et au masculin : « Tous ces petits « amours sont bien groupés. » — « Les amours riants et légers << sont des tyrans dangereux. »

(Girard, Wailly, Lévizac et M. Lemare.)

Et vous, petits amours, et vous, jeunes zéphirs,
Qui pour armes n'avez que de tendres soupirs.

Première remarque.

(Corneille, Psyché, acte III, sc. 4.)

- Si l'on consulte les anciens auteurs, tels

que le cardinal du Perron, Coeffeteau, Berthaut, Villon, Marot, et même le P. Bouhours (dans Ses entretiens, p. 419 de la 2° édition), il paralt que le mot amour, désignant la passion d'un sexe pour l'autre, était autrefois féminin au singulier; aussi l'Académie fait-elle observer qu'en poésie on le fait quelquefois de ce genre. En effet, on en trouve un grand nombre d'exemples dans Racine (Bérénice, V, 7; Iphigénie, acte V, sc. 3; Mithridate, I, 1; Phèdre, V, 1; Athalie, I, 4); Dans J.-B. Rousseau;

Dans Regnard (le Distrait, I, 4; Satire contre les maris);

Dans Molière (les Femmes savantes, IV, 2);

Et dans Voltaire (Zaïre; Oreste, IV, sc. 1; Adélaïde Duguesclin, II, 3).

Toutefois, on n'a jamais fait usage que du masculin, lorsque ce mot est employé pour l'amour que l'on porte à Dieu, auteur de tous les biens.

Seconde remarque. Les poëtes se sont crus également autorisés à employer au masculin le mot amour au pluriel : nous en avons trouvé des exemples dans Molière (les Femmes savantes, IV, 2); Dans Voltaire (OEdipe, II; son Apologie de la Fable; la Henriade, ch. IV; Nanine, I, 2; le Conte des Trois Manières);

Bor M

Dans Laharpe (Cours de Litter., trad. des Adieux d'Alceste dans Euripide, t. 2);

Et dans Delille, (poëme de l'Imag., et le Paradis perdu, 1, 9). Quoi qu'il en soit, si l'on veut écrire purement en prose, il faut, de même que les bons écrivains, faire toujours le mot amour, masculin au singulier, et féminin au pluriel. Mais quelle est la raison de cette exception pour le pluriel? Elle vient sans doute, comme le dit M. Laveaux, de la nécessité de distinguer ces petits dieux, ces amours personnifiés, que la mythologie nous peint si jolis, du sentiment, de la passion de l'amour.

Cette raison nous paraît peu plausible, car il y a aussi au singulier le dieu Amour. Et d'ailleurs nos bons auteurs, mêine en prose, ont employé le masculin au pluriel. Il faut donc reconnaître que cet emploi est arbitraire, c'est-à-dire livré au goût, au tact, à la sensibilité de l'écrivain qui, selon les circonstances et l'insiration du talent, préférera l'un ou l'autre genre. A. L.

AUTOMNE est masculin, quand l'adjectif précède un BEL au(l'Académie.)

tomne.

Et toi, riant Automne, accorde à nos désirs
Ce qu'on attend de toi, des biens et des plaisirs.

(Saint-Lambert, les Saisons, 5o et 6o vers.)

Ou quand sur les coteaux le vigoureux Automne
Étalait ses raisins dont Bacchus se couronne.

(Perrault.)

Mais, quand l'adjectif suit immédiatement, automne est féminin:

une automne FROIDE et PLUVIEUSE.

(L'Académie, Féraud, au mot automne et au mot pluvieux. —

Wailly, Lévizac, Boiste, Caminade et Gattel.)

Une santé, dès lors florissante, éternelle,

Vous ferait recueillir d'une automne nouvelle

Les nombreuses moissons.

(J.-B. Rousseau, Ode 5, 1. 3.)

« Je me représente cette automne délicieuse, et puis j'en regarde ⚫ la fin avec une horreur qui me fait suer les grosses gouttes. »

La terre, aussi riche que belle,
Unissait, dans ces heureux temps,
Les fruits d'une automne éternelle
Aux fleurs d'un éternel printemps.

(Madame de Sévigné.)

(Gresset, le Siècle pastoral, idylle.)

Si cependant il se trouvait entre automne et l'adjectif, soit un adverbe, soit un verbe, alors on ferait usage du masculin: « Un << automne fort sec. » (L'ACADÉMIE.) — « L'automne a été trop sec. » (J. J. ROUSSEAU.) « L'automne a été universellement beau et

-

« sec. » (LINGUET.)

Remarque. Domergue n'est point d'avis de faire ces distinctions, et il préfère ne se servir, avec automne, que du masculin, par analogie avec les autres saisons, qui sont de ce genre: un bel été, un printemps froid, un hiver sec. Déjà cette opinion commence à prévaloir; on lit dans Delille:

Dirai-je à quels désastres,
De l'automne orageux nous exposent les astres?

(Les Géorgiques, livre I.)

Aussi, voyez comment l'automne nébuleux,

Tous les ans, pour gémir, nous amène en ces lieux

(Poëme de l'Imagination, chant VII.)

L'Académie cite les exemples indiqués plus haut; mais elle n'établit pas d différence; ce qui donne à penser qu'elle admet indistinctement le masculin et le féminin. Nous pensons que, dans ce cas encore, il faut laisser le choix au goût de l'écrivain, selon la nuance de sa pensée. A. L.

CHOSE. Voy. les Remarq. détachées, au mot Quelque chose.

COULEUR, employé comme mot générique, et alors signifiant l'impression que fait sur l'œil la lumière réfléchie par la surface des corps, est féminin: « Les couleurs primitives sont le violet, l'indigo, « le bleu, le vert, le jaune, l'orangé et le rouge. »

(Le Dict. de l'Académie et tous les lexicographes.)

Mais on dit : UN BEAU couleur de feu. LE couleur d'eau, de chair, de citron, sont mes couleurs favorites. Cette étoffe est d'UN couleur de rose CHARMANT; et ce n'est pas parce que le mot couleur est pris alors au masculin, ou parce qu'il y a quelque substantif masculin sous-entendu, tels que ruban, habit, etc.; c'est parce que, comme tous les noms simples qui désignent des couleurs sont masculins, et que l'on dit le violet, l'indigo, etc.; alors les mots composés couleur de feu, couleur de chair, couleur de rose, ont quitté leur genre propre pour prendre la catégorie des noms à laquelle ils appartiennent.

(M. Auger, Commentaire sur Molière, Impr. de Vers., sc. V, et l'Académie.) COUPLE est masculin, quand on parle d'un homme et d'une femme unis par l'amour ou par le mariage, ou seulement envisagés comme pouvant former cette union: « Un couple d'amants, un couple « d'époux ».

« Ce fut un heureux couple, un couple bien assorti. »

(Girard et M. Lemare, page 369, note 132.)

Il est encore masculin quand il se dit d'un mâle et d'une femelle que l'on a appareillés ensemble : « Un couple de pigeons. »

(Ménage, chapitre 73 de ses Observations. — Beauzée, Encycl. méth., au mot couple. - Sicard, page 84, t. I, et M. Laveaux, son Dict. des Difficultés.) L'Académie admet encore le masculin pour désigner deux êtres animés unis

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