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PREMIÈRE PARTIE.

DES MOTS CONSIDÉRÉS COMME SONS.

CHAPITRE PREMIER.

ARTICLE PREMIER

DES VOYELLES PURES ET SIMPLES.

RAMUS avait distingué dix voyelles pures et simples; mais il donnait un son différent à au et à o. MM. de Port-Royal, en admettant ce nombre de voyelles, substituèrent à l'au un autre son simple. L'abbé Dangeau en porta le nombre à quinze; et, depuis lui, les Grammairiens en ont reconnu plus ou moins, parce que, dit Duclos, les Grammairiens reconnaissent plus ou moins de sons dans une langue, selon qu'ils sont plus ou moins capables de s'affranchir du préjugé.

Les voyelles diffèrent en plusieurs manières des sons articulants, que nous nommons consonnes: 1° lorsqu'on les prononce, la voix sort librement, sans trouver d'obstacle à son passage, au lieu qu'elle en a à vaincre lorsqu'elle produit des consonnes; 2° elles peuvent se prononcer seules, au lieu que les consonnes ne peuvent se prononcer que par le secours d'une voyelle; 3° elles sont plus ou moins brèves, et plus ou moins longues, selon que l'on doit mettre plus ou moins de temps à les prononcer.

Pour Indiquer ces différences de prononciation on a inventé les accents, auxquels un paragraphe particulier est consacré au chapitre de l'Orthographe.

Les consonnes, au contraire, ne sont que comme des éclats de voix qui passent dans l'instant, et qui n'affectent que le commencement du son des voyelles auxquelles elles sont jointes.

Enfin le son des voyelles peut être aigu ou grave, tandis que le son des consonnes n'est pas susceptible de ces modifications.

Le son aigu est un son faible et délié, qui n'est produit que par un filet d'air ou de voix, et qui n'exige qu'une petite ouverture de bouche. Les sons graves sont plus forts, plus gros et plus remplis, parce qu'ils sont formés par une plus grande abondance d'air qu'on pousse de la poitrine.

(Traité des sons, p. 9.)

De cette définition, qui nous semble juste, ne faut-il pas conclure, en thèse géné rale, qu'un son largement accentué, c'est-à-dire, que les voyelles marquées d'un accent circonflexe, deviennent nécessairement graves, quoique toutes ne le soient pas au même degré? On verra par les réflexions suivantes que l'auteur n'admet pas généralement cette conséquence, qui pourtant nous parait fort plausible. Mais d'abord que faut-il entendre par cette dénomination? Selon Marmontel, on aurait tort de croire que les voyelles graves ont un son plus bas que les voyelles claires; ce n'est pas l'abaissement, mais le volume, la quantité du son qui fait la différence : il est plus renflé, plus sourd, mais l'intonation est la même. Nous remarquerons d'abord que dans ce cas les graves et les longues tendraient à se confondre. Mais ou notre oreille nous trompe, ou la décision de Marmontel est erronée. Certes nous ne prétendons pas qu'on doive élever également la voix sur tous les tons aigus, et la baisser également sur tous les tons graves, de manière à faire de la prononciation un chant insupportable. Mais nous demanderons comment un son peut être plus sourd qu'un autre, si l'intonation est la même. Selon nous, les voyelles graves, dans la prononciation régulièrement accentuée, exigent que l'on baisse le ton, c'està dire, que la note de ces syllabes soit au-dessous de la note des syllabes aiguës qui les accompagnent dans la phrase. Et, cependant, cela n'empêche pas que ce son, plus grave que les autres, ne reste encore très élevé au besoin; c'est surtout un rapport de position qui marque la différence. Ainsi dans cet hémistiche: « Abìme tout plutôt !» les voyelles a et u, prononcées rapidement, doivent être dites avec une intonation plus élevée que et d, quoique celles-ci aient une accentuation plus large et plus marquée. Il suffit, pour s'en convaincre, d'essayer le mauvais effet des intonations contraires. L'observation de ces nuances, est indispensable, non seulement dans le débit oratoire, mais encore dans la conversation où la justesse des intonations n'est pas moins nécessaire. A. L.

Les sons graves des voyelles a, é exigent une grande ouverture de bouche; c'est ce qui les fait nommer sons ouverts. Il n'en est pas de même des sons graves des voyelles eù et : pour les prononcer, les lèvres s'allongent en dehors et ne laissent de passage à la voix que par leur milieu; l'air, qui vient en plus grande abondance de la poitrine, s'entonne dans la bouche et en sort en rendant un son gros et sourd. (Traité des sons, même page.)

Ne faut pas mettre au même rang que ces derniers sons les voyelles û et où, qui se prononcent évidemment par le même mécanisme, et se trouvent dans des conditions tout à fait semblables? D'où nous concluons que les quatre sons graves indiqués ici ne sont pas les seuls. A. L.

Il est bon d'observer qu'entre le son le plus aigu et le plus grave il y a plusieurs degrés, et, pour ainsi dire, plusieurs nuances de sons plus ou moins aigus, ou plus ou moins graves, dont la différence est plus sensible, lorsqu'on saute un degré pour comparer le premier avec le troisième, ou le second avec le quatrième. L'e ouvert est la voyelle qui offre le plus de degrés de ces sons aigus ou graves, comme dans les mots suivants : musette, messe, père, sujet, thèse, objet, presse, fête.

(Traité des sons, page 10.)

Les autres voyelles n'ont point d'autre son que le son aigu; ou, si elles acquièrent quelque gravité, elle n'est presque pas sensible. La seule différence qu'on y peut sentir ne vient que de leur brièveté ou de leur longueur, qui ne change rien à leur son, comme on peut le voir dans les exemples suivants : donné, donnée; ami, amie.

(Idem, même page.)

D'après ces exemples, on voit qu'il s'agit ici de voyelles non marquées d'un accent circonflexe; et cela semble confirmer notre observation. Remarquons, en passant, que l'accent appelé grave n'indique nullement un son grave, mais bien un son ouvert. Ce signe, au contraire, se rencontre même sur les voyelles les plus aiguës, à, là-bas, où; et quand il est placé sur une syllabe longue, il ne fait pas encore un son grave pour cela, procès, succès. A. L.

Ainsi, les quatre voyelles qui sont susceptibles de devenir réellement graves, sont a, e, eu, o; exemple : mâle, tempête jeûne, côte.

D'après nos observations précédentes, nous persistons à croire qu'il y a encore d'autres voyelles graves, mais à des degrés différents; flute, joûte, abîme, etc. Du reste, il est bien entendu que le son grave n'est pas tant pour nous un son absolu qu'un rapport de position, une note moins élevée que les notes aiguës qui l'entourent. A. L.

Dans la langue française, les voyelles brèves sont toujours aigües, et les graves sont toujours longues.

Mais les longues ne sont pas toujours graves, puisque, pour avoir cette dernière qualité, même en admettant l'extension que nous venons de proposer, il faut que la voyelle soit prononcée avec l'accent circonflexe. A. L.

Mais, que les voyelles soient longues ou brèves, graves ou aiguës, cela n'en change point la nature, puisque leurs sons, quelque grandes que puissent être leurs variétés, sont toujours produits par la même disposition des organes, et que la différence qui se trouve entre les sons graves et les sons aigus ne vient que de la quantité d'air qu'on

fait sortir de la poitrine, et de la force plus ou moins grande avec laquelle on pousse la voix.

(Traité des sons, page 11.)

Aussi plusieurs Grammairiens ont-ils cru inutile de multiplier les voyelles, comme font ceux qui comptent pour autant de voyelles celles qui sont aiguës et celles qui sont graves, et en ont-ils borné le nombre à treize :

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Notre langue n'a proprement que trois sortes d'E: l'E ouvert, l'E fermé, l'E muet. On les trouve tous trois dans les mots : sévère, évéque, etc. (Dumarsais, Principes de Grammaire, page 310.)

Le premier e de sévère est fermé, c'est pourquoi il est marqué d'un accent aigu; la seconde syllabe vè a un accent grave, c'est le signe de l'e ouvert; re n'a point d'accent, parce que l'e y est muet, etc..

Ces trois sortes d'e sont encore susceptibles de plus ou de moins; par exemple :

L'E ouvert est de trois sortes: 1° L'E ouvert commun, autrement dit aigu; 2° L'E plus ouvert, autrement dit grave; 3° L'E très ouvert.

1. L'E ouvert commun est l'E de presque toutes les langues; c'est l'E que nous prononçons dans les premières syllabes de père, mère; et dans il appelle, nièce, et encore dans tous les mots où l'E est suivi d'une consonne avec laquelle il forme la même syllabe, à moins que cette consonne ne soit le s ou le z qui marque le pluriel, ou le nt de

la troisième personne du pluriel des verbes; ainsi, on dit chef, brèf, mortèl, mutuèl, etc., et non pas chef, bréf, etc. (Le même, même page)

2. L'E plus ouvert, ou ouvert grave, cst celui qui se prononce par une ouverture de bouche plus grande que celle qu'il faut pour prononcer l'e ouvert commun, comme dans nèsle.

3. L'E très ouvert est celui qui demande une encore plus grande, comme dans procès, accès.

ouverture de bouche

(Le même, page 312.)

Ne peut-on pas reconnaître encore une quatrième nuance de l'E ouvert dans le son grave ê, fêle, tempête, ou bien faut-il le confondre avec celui de nêsle? D'ailleurs cette lettre, dans la prononciation, varie à l'infini, et il serait impossible d'en classer toutes les nuances d'une façon précise. Aussi pensons-nous qu'il faut s'en tenir simplement à la classification générale indiquée la première. A. L.

L'E ouvert commun au singulier devient ouvert long au pluriel : le chef, les chefs; un autel, des autels. (Dumarsais, page 312.)

Cette remarque, qui pourrait au premier abord paraltre subtile, est fondée surtout sur une règle de prosodie (voy. plus loin chap. 1, art. 2.) dont on comprendra la justesse en comparant les phrases suivantes : un chef intrépide, des chefs intrépides; un autèl élevé, des autēls élevés. A. L..

L'E fermé est celui que l'on prononce en ouvrant moins la bouche qu'on ne l'ouvre lorsqu'on prononce un e ouvert commun; tel est l'e de la dernière syllabe de bonté. (Dumarsais, page 315.)

L'E fermé est appelé masculin, parce que, lorsqu'il se trouve à la fin d'un adjectif ou d'un participe, il indique le genre masculin: aisé, aimé, habillé, etc.

T

(Le même.)

Il est encore une sorte d'e fermé qui des langues étrangères a passé dans la nôtre, et qui prend une prononciation un peu allongée, sans que pour cela il soit surmonté d'aucun accent, comme dans mezzo-termine ( on prononce à peu près terminée), de profundis, in extremis, te Deum, etc. Mais il se prononce comme e ouvert dans ad patres, ad honores A. L.

,༼༣༽

"

L'E muet est une pure émission de voix qui se fait à peine entendre; il ne peut jamais commencer une syllabe, et, dans quelque endroit qu'il se trouve, il n'a jamais le son distinct des voyelles proprement dites; il ne peut même se rencontrer devant aucune de celles-ci sans être tout à fait élidé. '

Il y a une différence bien sensible entre l'e muet dans le corps d'un mot, à la fin d'un mot, et dans les monosyllabes.

Dans le corps d'un mot, l'E muet est presque nul; par exemple,

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