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1741.

LETTRE CLXIII.

A M. DE WARMHOLTZ,

GENTILHOMME SUÉDOIS ET TRADUCTEUR DE
L'HISTOIRE DE CHARLES XII, PAR NORBERG.

PERMETTEZ

A Bruxelles, 12 mars.

ERMETTEZ-MOI, Monfieur, de vous faire reffouvenir de la promeffe que vous avez bien voulu me faire; ma reconnaissance sera aussi vive que vos bons offices me font précieux. Vous favez à quel point j'aime la vérité, et que je n'ai ni d'autre but ni d'autre intérêt que de la connaître. Il ne vous en coûtera pas quatre jours de travail de mettre quelques notes fur les pages blanches. Cette hiftoire vous est présente; vous favez en quoi M. Norberg diffère de moi. Marquez-moi, je vous en conjure, les endroits où je me fuis trompé, et procurez-moi le plaifir de me corriger. J'ai l'honneur d'être, &c.

LETTRE CLXIV.

A M. DE MAIRA N, à Paris.

Le 24 mars.

Vous êtes, moncher Monfieur, le premier ministre

de la philofophie; il ne faut pas vous dérober un temps précieux. Je voudrais bien avoir fait en peu de paroles; mais j'ai peur d'être long, et j'en fuis fâché pour nous deux, malgré tout le plaifir que j'ai de m'entretenir avec vous.

J'ai reçu votre présent; je vous en remercie doublement, car j'y trouve amitié et inftruction, les deux chofes du monde que j'aime le mieux, et que vous me rendez encore plus chères.

Parlons d'abord de madame du Châtelet, car cette adverfaire-là vaut mieux que votre difciple. Vous lui dites, dans votre lettre imprimée, qu'elle n'a commencé fa rebellion qu'après avoir hanté les mal-intentionnés leibnitziens. Non, mon cher maître; pas un mot de cela, croyez-moi; j'ai la preuve par écrit de ce que je vous dis.

Elle commença à chanceler dans la foi un an avant de connaître l'apôtre des monades qui l'a pervertie, et avant d'avoir vu Jean Bernoulli, fils de Jean.

La manière d'évaluer les forces motrices, par ce qu'elles ne font point, la révolta. Un très-célèbre géomètre fut entièrement de fon avis; je n'en fus point, malgré toutes les raifons qui devaient me féduire. Tenez-m'en compte fi vous voulez; mais

1741.

je regarde ma perfévérance comme une très-belle 1741. action.

Madame du Châtelet vous répondra probablement. Je fouhaite qu'elle ait une réplique; elle mérite que vous entriez un peu dans des détails inftructifs avec elle. Je crois que le public et elle y gagneront. Vous ferez comme les dieux d'Homère qui, après s'être battus, n'en reçoivent pas moins en commun l'encens des hommes. Voilà pour madame du Châtelet. Venons à votre ferviteur.

Premièrement, je vous déclare que je crois fermement à la fimple vîteffe multipliée par la masse. Mais quand je dis qu'il faut l'appliquer au temps, je dis ce que le docteur Clarke dit le premier à Leibnitz; et quand je dis que deux preffions en deux temps donnent deux de vîteffe et quatre de force, je n'avoue rien dont les adverfaires tirent avantage; car je ne veux dire autre chofe finon que l'action eft quadruple en deux temps.

Je pourrais être mieux reçu qu'un autre à tenir ce langage, parce que je ne fais ce que c'eft que cet être qu'on appelle force. Je ne connais qu'action, et je ne veux dire autre chofe finon que l'action eft quadruple en un temps double, pour les raifons que vous favez.

Mais, pour lever toute équivoque, je vous prierai de remettre mon Memoire à M. l'abbé Mouffinot, qui aura l'honneur de vous rendre cette lettre, et qui bientôt aura celui de vous en préfenter un autre plus court, dont vous ferez l'ufage que votre difcernement et vos bontés vous feront juger le plus convenable.

J'ai

J'ai relu votre Mémoire de 1728, et je le trouve, comme je l'ai toujours trouvé et comme il paraît 1741. à madame du Châtelet, méthodique, clair, plein de fineffe et de profondeur. J'y trouve de plus ce qu'elle n'y voit pas, que vous pouvez très-bien évaluer la valeur des forces motrices par les espaces non parcourus. Votre fuppofition même paraît auffi recevable que toutes les fuppofitions qu'on accorde en géo

métrie.

Je viens de lire attentivement le Mémoire de M. l'abbé Deidier; il eft digne de paraître avec le vôtre. Je ne faurais trop vous remercier de me l'avoir envoyé, et je vous fupplic, Monfieur, de vouloir bien remercier pour moi l'auteur, du profit que je tire de fon ouvrage. Il y a, ce me femble, de l'invention dans la nouvelle démonftration qu'il donne, figure II.

Je n'ofe abuser de votre patience; mais fi vous, ou M. l'abbé Deidier, avez le temps, ayez la bonté de m'éclairer fur quelques doutes; je vous ferais bien obligé.

M. Deidier, page 127, dit que le corps A (on fait de quoi il est question) aura une force avant le choc qui fera comme le produit de la masse par la vîtesse.

Mais c'eft de quoi les forceviviers ne conviendront. point du tout; ils vous diront hardiment que ce corps renferme en foi une force qui eft le produit du carré de fa vîteffe, et que s'il ne manifefte pas cette force en courant fur ce plan poli, c'eft qu'il n'en a pas d'occafion. C'est un foldat qui marche armé; dès qu'il trouvera l'ennemi, il fe battra; alors il déploiera fa force, et alors mu2.

Correfp. générale.

Tome II.

Ils foutiennent donc que le mobile a reçu cette

1741. force que nous nions, et ils tâchent de prouver qu'il l'a reçue à priori ; ce qui est bien pis encore que des expériences.

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Ne difent-ils pas que, dans ce triangle, la force reçue dans le corps A eft le produit d'une infinité de preffions accumulées? ne difent-ils pas que A n'aurait pas en la force qui réfulte de ces preffions, fi la ligne ts, par exemple, ne repréfentait deux preffions, fir d n'en repréfentait trois, &c ?

Mais, difent-ils, le triangle Alg eft au triangle A B C comme le carré de l g au carré de B C, et ces deux triangles font infiniment petits; donc ils repréfentent, dans le premier triangle Alg, les preffions qui donnent une force égale au carré de lg, et dans le grand triangle la fomme des preffions qui donnent la force égale au carré B C.

Mais n'y a-t-il pas là un artifice? et ne faut-il

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