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Voulez-vous que je vous envoye quelques livres? 1740. Si je fuis encore en Hollande à la réception de vos ordres, je vous obéirai fur le champ. Je vous prie de ne me pas oublier auprès de M. de Keyferling.

Mandez-moi, je vous prie, fi l'énorme monade de Volfius argumente à Marbourg, à Berlin ou à Hall?

Adieu, Monfieur; vous pouvez m'adreffer vos ordres à la Haie. Ils me feront rendus par-tout où je ferai, et je ferai par toute terre à vous pour jamais.

LETTRE CXL V.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

ILY

A la Haie, ce 26 septembre.

Ly a tant de gens, et de gens en place, qui n'ont point d'honneur, qu'il eft bien jufte que l'homme du monde qui en a le plus, porte le nom de fa terre. Vous voilà donc confeiller d'honneur, mon cher et respectable ami; et avec l'honneur vous aurez encore le profit. Vous vendrez votre charge; vous aurez le double avantage d'être plus riche et de ne rien faire, deux points affez importans pour l'agrément de cette vie. Heureux qui peut la paffer avec vous, mon cher ange, et avec votre aimable moitié et avec votre fortuné frère! Vivez gais, fains et contens : fouvenez-vous tous trois d'un homme qui vous aime bien tendrement, et qui vous fera attaché toute fa vie avec les fentimens les plus vifs et les plus inaltérables,

LETTRE

LETTRE CXL V I.

A M. DE CAMAS,

AMBASSADEUR DU ROI DE PRUSSE.

A la Haie, ce 18 octobre.

MONSIEUR,

LES janféniftes difent qu'il y a des commandemens

de DIEU qui font impoffibles. Si DIEU ordonnait ici que l'on fupprimât l'Anti-Machiavel, les janfénistes auraient raison. Vous verrez, Monfieur, par la lettre ci-jointe au dépofitaire du manufcrit, la manière dont je me suis conduit. J'ai senti, dès le premier moment, que l'affaire était très-délicate; et je n'ai fait aucun pas fans être éclairé du fecrétaire de la légation de Pruffe à la Haie, et fans inftruire le roi de tout. J'ai toujours représenté ce qui était, et j'ai obéi à ce qu'on voulait. Il faut partir d'où l'on eft, Vanduren ayant imprimé fous deux titres différens l'Anti-Machiavel, et le livre étant très-défiguré de la part du libraire, et affez dangereux en quelques pays, le tour malin qu'on peut donner à plus d'une expreffion, j'ai cru qu'on ne pouvait y remédier qu'en donnant l'ouvrage tel que je l'ai déposé à la Haie, et tel qu'il ne peut déplaire, je crois, à perfonne. Avant même de faire cette démarche, j'ai envoyé à sa majefté une nouvelle copie manufcrite de fon ouvrage, avec ces petits changemens que j'ai cru que la bienséance exigeait. Je lui ai envoyé auffi un exemplaire de l'édition de Vanduren. S'il veut encore Correfp. générale. Tome II. X

par

1740.

y corriger quelque chofe, ce fera pour une nouvelle 1740. édition; car vous jugez bien qu'on s'arrache le livre dans toute l'Europe. En général, on en eft charmé (je parle de l'édition de Vanduren même): les maximes qui y font répandues ont plu infiniment ici à tous les membres de l'Etat, et à la plupart des miniftres. Mais il faut avouer qu'il y a eu auffi quelques miniftres qui en font révoltés, et c'eft pour eux et pour leurs cours que j'ai fait la nouvelle édition. Car ce livre, qui eft le catéchisme de la vertu, doit plaire dans tous les Etats et dans toutes les fectes, à Rome comme à Genève, aux jéfuites comme aux janféniftes, à Madrid comme à Londres. Je vous dirai hardiment, Monfieur, que je fais plus de cas de ce livre que des céfars de l'empereur Julien, et des maximes de Marc-Aurèle. Je trouve bien des gens de mon sentiment; et tout le monde admire qu'un jeune prince de vingt-cinq ans, ait employé ainfi un loifir que les autres princes et les autres hommes n'occupent que d'amusemens dangereux ou frivoles.

Enfin, Monfieur, la chose est faite; il l'a voulu, il n'y a qu'à la foutenir. J'ai tout lieu d'efpérer que la conduite du roi juftifiera en tout l'Anti-Machiavel du prince. J'en juge par ce qu'il me fait l'honneur de m'écrire du 7 octobre, au sujet d'Herstall.

Ceux qui ont cru que je voulais garder le comté de Horn au lieu d'Herfall, ne m'ont pas connu. Je n'aurais eu d'autres droits fur Horn, que ceux que le plus fort a fur les biens du plus faible.

Un prince qui donne à la fois ces exemples de justice et de fermeté, ne fera-t-il pas respecté dans toute l'Europe? quel prince ne recherchera pas fon

amitié? Enfin, Monfieur, il vous aime et vous l'aimez ; il connaît le prix de vos confeils, c'eft affez 1740. pour me répondre de fa gloire. Je crois qu'il eft né pour fervir d'exemple à la nature humaine; et furement il fera toujours femblable à lui-même, s'il croit vos confeils. Je ne lui fuis attaché par aucun intérêt; ainfi rien ne m'aveugle. Ce fera au temps à décider fi j'ai eu raison ou non de lui donner les furnoms de Titus et de Trajan.

Je me deftine à paffer mes jours dans une folitude, loin des rois et de toute affaire; mais je ne cefferai jamais d'aimer le roi de Pruffe et M. de Camas. Ces expreffions font un peu familières; le roi les permet, permettez-les auffi, et fouffrez que je ne diftingue point ici le monarque du miniftre.

Je fuis pour toute ma vie, Monfieur, avec tous les fentimens que je vous dois, &c.

LETTRE CXLVII.

A M. THIRIOT.

A la Haie, octobre.

Mon cher ami, je reçois votre lettre. Vous ferez

content au plus tard au mois de juin. Vous avez affaire à un roi qui eft réglé dans ses finances comme uņ géomètre, et qui a toutes les vertus. Ne vous mettez point dans la tête les chofes dont vous me parlez. Continuez à bien fervir le plus aimable monarque de la terre, et à aimer vos anciens amis d'une amitié

ferme et courageufe, qui ne cède point aux infinua1740. tions de ceux qui cherchent à extirper dans le cœur des autres une vertu qu'ils n'ont point connue dans le leur.

Enfin, le roi de Pruffe a accepté le préfent que je lui ai voulu faire de M. Dumolard. Annoncez-lui cette bonne nouvelle. M. Jordan vous mandera les détails, s'il ne les a déjà mandés.

Voici de la graine des Périclès et des Lélius; c'eft un jeune républicain, d'une famille diftinguée dans fa patrie, et qui lui fera honneur par lui-même. Il défire de voir à Paris des hommes et des livres : vous pouvez lui procurer ce qu'il y a de mieux dans ces deux espèces.

Scribe tui gregis hunc, et fortem crede bonumque.

Je vous embraffe, &c.

LETTRE

CXLVI I I.

A M. DE CIDEVILLE.

A la Haie, au palais du roi de Pruffe, le 18 octobre.

Voicin

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mon cas, mon très aimable Cideville. Quand vous m'envoyâtes, dans votre dernière lettre, ces vers parmi lesquels il y en a de charmans et d'inimitables pour notre Marc-Aurèle du Nord, je me propofai bien de lui en faire ma cour. Il devait alors venir à Bruxelles incognito; nous l'y attendions, mais la fièvre quarte, qu'il a malheureusement

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