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O toi, mon fupport et ma gloire
Que j'aime à nourrir ma mémoire
Des biens que ta vertu m'a faits,
Lorfqu'en tous lieux l'ingratitude
Se fait une farouche étude

De l'oubli honteux des bienfaits!

C'est le commencement d'une ode; mais peut-être n'aimez-vous pas les odes.

Aimez du moins les fentimens de reconnaissance qui m'attachent à vous depuis fi long-temps, et dites à ce chancelier, qui devrait être le feul chancelier, qu'il doit bien m'aimer auffi un peu, quoiqu'il n'écrive guère, et qu'il n'aime pas tant les belles - lettres que fon aîné.

Madame du Châtelet vous fait les plus tendres complimens; elle a brûlé les cartes géographiques qui lui ont prouvé que votre chemin n'eft pas par Cirey. Adieu, Monfieur; ne doutez pas de ma tendre et refpectueufe reconnaissance.

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JE reçois le 21 une lettre de vous du 12; cela n'est pas extraordinaire fi vous êtes négligent à envoyer à la pofte, ou bien s'il y a des gens à la pofte trèsdiligens à s'informer des fecrets de leurs chers concitoyens.

Correfp. générale.

Tome II. P

1739.

Je vous prie de faire une petite réflexion avec moi: 1739. qui pourrait faire des épigrammes contre Danchet et contre l'abbé d'Olivet, fi ce n'eft l'abbé Desfontaines? Croyez-vous que s'il y en a contre vous, elles partent d'une autre fource? L'abbé Desfontaines fait plus de vers qu'on ne penfe; il en a fait incognito toute fa vie, et je fais qu'il eft l'auteur de l'épigramme ancienne contre le cardinal de Fleuri, dans laquelle il y a un bon vers qu'on m'a fait le cruel honneur de m'imputer.

Fourbe dans le petit et dupe dans le grand.

C'est un monftre comme le sphinx; il joint la fureur à l'adresse, mais il pourra enfin fuccomber fous fes méchancetés.

Envoyez à l'abbé Mouffinot l'Euclide feulement et le Brémont; mais envoyez vîte, car nous partons. Jamais madame d'Aiguillon n'a eu l'Epître fur l'homme, dont je ne fuis pas encore content.

Pour celle du plaifir, je l'avais envoyée en Languedoc, mais M. le duc de Richelieu l'avait trouvée extrêmement mauvaise. Au refte, vous me ferez plaifir de me dire ce qu'on reprend dans celle de l'homme. Je crois favoir diftinguer les bonnes critiques des mauvaises. Surtout dites-moi fi l'on n'a pas tâché d'empoifonner ces ouvrages innocens. Je crains toujours, comme le lièvre, qu'on ne prenne mes oreilles pour des cornes.

A l'égard d'un opéra, il n'y a pas d'apparence qu'après l'enfant mort-né de Samson, je veuille en faire un autre. Les premières couches m'ont trop bleffé,

1739.

LETTRE CII.

A M. L'ABBÉ MOUSSINOT.

Cirey, 25 avril,

NE parlons plus de Desfontaines; je suis mal vengé,

mais je le fuis (13): je regrette le temps que j'ai perdu à obtenir juftice. Je dois oublier cet homme-là, et fonger à réparer le temps perdu. Madame la marquife du Châtelet et moi irons bientôt en Flandre. Il nous faudra beaucoup d'argent; en avons-nous beaucoup? Je vous prie de donner deux cents francs à madame de Champbonin, et cela, avec la meilleure grâce du monde. Plus, cent francs au chevalier de Mouhi, en lui difant que vous n'en avez pas davantage. Plus, cent francs à ce même chevalier, pour une planche d'estampe qu'il promettra livrer, et qu'il ne livrera peut-être pas. Plus, au même, dix écus pour les nouvelles par lui envoyées. Veut-il deux cents francs par an? Volontiers, promettez-les-lui de nouveau; mais à condition d'être un correfpondant véridique et

(13) L'abbé Desfontaines avait donné à M. Hérault, lieutenant général de police, ce défaveu: », Je déclare que je ne fuis point l'auteur d'un » libelle imprimé qui a pour titre la Voltairomanie, et que je le défavoue ,, en fon entier, regardant comme calomnieux tous les faits qui font "imputés à M. de Voltaire dans ce libelle; et que je me croirais dés» honore fi j'avais eu la moindre part à cet écrit, ayant pour lui tous ,, les fentimens d'eftime dûs à fes talens, et que le public lui accorde fi » justement. Fait à Paris, ce 4 avril 1739. Signé, Desfontaines "1. Cette déclaration fut imprimée dans les papiers publics, à l'infçu de M. de Voltaire. Voyez la lettre au marquis d'Argenson, du 4 juin 1739.

infiniment fecret. J'aurais mieux aimé mon d'Arnaud, 1739. mais il n'a pas voulu feulement apprendre à former fes lettres; donnez-lui vingt-quatre livres ou dix écus,

et nos ama.

MON

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ON cher ami, j'ai reçu de vous une lettre fans date, qui me vient par Bar-fur-Aube, au lieu qu'elle devait arriver par Vaffy. Vous m'y parlez d'une nouvelle épître. Vraiment vous me donnez de violens défirs; mais fongez à la correction, aux liaisons, à l'élégance continue; en un mot, évitez tous mes défauts. Vous me parlez de Milton; votre imagination fera peut-être auffi féconde que la fienne; je n'en doute même pas; mais elle fera auffi plus agréable et plus réglée. Je fuis fâché que vous n'ayez lu ce que j'en dis que dans la malheureuse traduction de mon effai anglais. La dernière édition de la Henriade, qu'on trouve chez Prault, vaut bien mieux; et je ferais fort aise d'avoir votre avis fur ce que je dis de Milton dans l'effai qui eft à la fuite du poëme.

You learn english: for ought j know. Go on; your lot is to be éloquent in every language, and mafter of every Science ; j love, j efsteem you, j am your's for ever.

Je vous ai écrit en faveur d'un jeune homme qui me paraît avoir envie de s'attacher à vous. J'ai mille

remercîmens à vous faire ; vous avez remis dans mon paradis les tièdes que j'avais de la peine à vomir 1739. de ma bouche.... Cette tièdeur m'était cent fois plus fenfible que tout le refte. Il faut à un cœur comme le mien des fentimens vifs, ou rien du tout.

Tout Cirey eft à vous.

LETTRE CIV.

A M. LE MARQUIS D'ARGENSON.

JE

Le 2 de mai.

E ne fais pas pourquoi j'ai toujours manqué, Monfieur, à vous appeler excellence, car vous êtes affurément et un excellent négociateur, et un excellent confolateur des affligés, et un excellent juge; mais j'étais fi plein des chofes que vous avez bien voulu faire pour moi, que j'ai oublié les titres, comme vous les oubliez vous-même. Quand j'ai parlé de chanceliers, je n'ai fait que jouer fur le mot (*), car vous avez chez moi tous les droits d'aîneffe.

Vous êtes un homme admirable (chargé d'affaires comme vous l'êtes) de vouloir bien encore vous charger de mes misères. Vous êtes donc magnus in magnis et in minimis.

Vous pouvez garder le manufcrit que j'ai eu l'honneur de vous faire tenir, et de foumettre à votre jugement; car, fi vous en êtes un peu content, il faut qu'il ait place au moins dans le sottifier. Je garde (*) Lettre du 16 avril.

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