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main de quoi oppofer à tant de calomnies, un jour 1739. à venir.

J'efpère furtout avoir un défaveu authentique au nom des avocats. Le bâtonnier l'a promis. La lettre de madame de Bernières me fervira de certificat, et je la ferai lire à tous les honnêtes gens. A l'égard de mon Mémoire, je le refondrai encore, je le ferai imprimer dans un recueil intéreffant de pièces de profe et de vers dans lequel feront les épîtres que je crois enfin corrigées felon votre goût.

De grâce, ne me citez point M. de Fontenelle. Il n'a jamais été attaqué comme moi, et il s'eft affez bien vengé de Rouffeau en follicitant plus que perfonne contre lui.

Encore une fois, j'arrête mon procès; mais en le poursuivant qu'ai-je à craindre ? Quand il ferait prouvé que j'ai reproché à l'abbé Desfontaines des crimes pour lesquels il a été repris de justice, n'est

il

pas de droit que c'eft une chofe permife, furtout quand ce reproche est néceffaire à la réputation de l'offenfe? Je lui reproche, quoi? des libelles; il a été condamné pour en avoir fait. Je lui reproche fon ingratitude. Je ne l'ai point calomnié; je prouve, papiers en main, tout ce que j'avance. J'ai fait confulter des avocats, ils font de mon avis; mais enfin tout cède au vôtre. Je ne veux me conduire que par vos ordres.

A l'égard de Saint-Hyacinthe, je veux réparation; je ne fouffrirai pas tant d'outrages à la fois. Où eft donc la difficulté qu'on exige un défaveu d'un coquin tel que lui? Pourrait-on dire que cela n'eft rien? Je fuis donc un homme bien méprisable, je fuis donc

dans un état bien humiliant, s'il faut qu'on ne me confidère que comme un bouffon du public, qui 1739. doit, déshonoré ou non, amufer le monde à bon compte, et fe montrer fur le théâtre avec fes blessures. La mort eft préférable à un état fi ignominieux. Voilà une récompenfe bien horrible de tant de travail ! et cependant Desfontaines jouira tranquillement du privilége de médire; et on infultera à ma douleur. Au nom de Dieu, que j'obtienne quelque fatisfaction. Ne pourrais-je pas du moins obtenir qu'on brûlât le libelle? Ne pourrai-je pas préfenter ma requête contre Chaubert, et obtenir qu'en attendant des preuves, justice foit faite de ce libelle infame fans nom d'auteur?

Je vous réitère mes inflantes prières fur SaintHyacinthe, fi vous voulez que je refte en France.

Je fuis honteux de vous faire voir tant de douleur, et désespéré de vous donner tant de foins; mais vous me tenez lieu de tout à Paris.

J'ai encore affez de liberté dans l'efprit pour corriger Zulime, puifqu'elle vous plaît. J'attends vos ordres. J'ai quelque chofe de beau dans la tête; mais j'ai befoin de tranquillité, et mes ennemis me l'ôtent.

1739.

LETTRE LX X VI I.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

Αν

12 février.

u nom de Dieu, mon refpectable, mon cher ami, rendez-moi à mes études, à Emilie et à Zulime. J'ai le cœur pénétré de douleur. Desfontaines m'a prévenu, et a obtenu du lieutenant criminel permiffion d'informer contre moi; il m'a dénoncé comme auteur de l'Epître à Uranie et des Lettres philofophiques; il a écrit au cardinal; il remue ciel et terre ; et moi je n'ai pas feulement la lettre de madame de Bernières ni celle de M. du Lyon, qui prouveraient au moins fon ingratitude, et qui difpoferaient le public et les magiftrats en ma faveur : et j'apprends, pour comble de malheur et d'humiliation, que le procureur du roi, auquel il s'eft adreffé, eft mon ennemi déclaré, et cherche par-tout de quoi me perdre.Quelle protection puis-je avoir auprès de lui? Hélas! faudrait-il de la protection contre un Desfontaines?

J'ai fufpendu mes procédures, puifque vous me l'avez ordonné, mais j'ai bien peur d'être obligé de me voir mis en juftice par le fcélérat même qui me perfécute et que j'épargne.

fuis

Saint-Hyacinthe m'a donné un désaveu dont je ne pas encore content. Engagez, je vous en conjure, par un mot de lettre, le chevalier d'Aidie à arracher de lui le défaveu le plus authentique. Je demande auffi à mademoiselle Quinault un certificat des comédiens qui détruise la calomnie de Saint-Hyacinthe

rapportée dans le libelle de Desfontaines. Tout cela eft important à mon honneur.

Je fonge que l'abbé Desfontaines, qui a toute l'activité des fcélérats et toute la chicane des Normands, a fait entendre à M. Hérault que ma lettre rapportée dans le Préservatif, eft un libelle. M. Hérault ne fongera peut-être pas que c'eft au contraire une très-jufte plainte contre un libelle.

Je n'ai point le temps de vous parler de Zulime, Je fuis tout entier à mon affaire; j'ai le cœur percé. Quelle récompenfe! Quoi! ne pouvoir obtenir juftice d'un Desfontaines! Regnum meum non eft hinc.

Enfin, je n'ai d'efpérance qu'en vous, mon cher ange gardien; fub umbrâ alarum tuarum.

LETTRE LXX VIII.

A

M.

THIRI O T.

A Cirey, le 12 février.

M. de Maupertuis m'envoie aujourd'hui de Basle

votre lettre que vous lui aviez donnée. Apparemment que, voyant à Cirey la douleur exceffive et l'indignation de madame du Châtelet, jointe à l'effet que fefait la lettre de madame de Bernières, il n'ofa donner la vôtre; cependant elle m'aurait fait grand plaifir, et fachant alors de quoi il était queftion, je vous aurais empêché de faire la malheureuse démarche de rendre publique et d'envoyer au Prince royal cette lettre dont madame du Châtelet eft fi cruellement outrée.

1739.

Ce qui lui a fait plus de peine, c'eft que vous avez 1739. cherché à faire valoir cette lettre qui la compromet. Vous avez voulu vous vanter auprès d'elle des fuffrages de perfonnes qui, n'étant point au fait, ne pouvaient favoir fi cette lettre était convenable.

Ne fentiez-vous pas qu'elle n'était qu'une espèce de factum contre madame du Châtelet; que vous effayez de perfuader que l'abbé Desfontaines ne vous avait point outragé; que j'étais auteur du Préservatif; que vous ne vous ressouveniez pas d'un fait important? enfin, vous démentiez par ce malheureux écrit vos anciennes lettres, et certainement ceux que vous prétendez qui approuvaient cette lettre politique, n'avaient pas vu ces anciennes lettres fincères où vous parliez fi différemment. Que diraient-ils, s'ils les avaient vues? et pourquoi mettre madame du Châtelet dans la néceffité douloureufe de montrer, papier fur table, que vous vous démentez vous-même pour l'outrager? A quoi bon vous faire de gaieté de cœur une ennemie refpectable? pourquoi me forcer à me jeter à fes pieds pour l'apaiser? et comment l'apaifer quand elle apprend que vous vous vantez d'avoir écrit A MADAME LA MARQUISE DU CHATELET avec dignité, et qu'enfin vous envoyez un factum contre elle au Prince? A quoi me réduifez-vous? pourquoi me mettre ainfi en preffe entre elle et vous? Je me foucie bien de l'abbé Desfontaines; voilà un plaifant fcélérat pour troubler mon repos! Si vous faviez à quel point les hommes de Paris les plus refpectables preffent la vengeance publique contre ce monftre, vous feriez bien honteux d'avoir balancé, d'avoir cru des perfonnes qui vous ont infpiré la neutralité et la décence. Non, l'abbé

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