d'attachement et de la plus tendre reconnaissance, que Je lui ai envoyé un autre Mémoire, où je facrifie enfin le littéraire au perfonnel; mais M. d'Argental penfe que c'est une néceffité, vous le penfez auffi, et je me rends. Ma présence ferait néceffaire à Paris, mais je ne peux quitter mes amis pour mes propres affaires. Madame du Châtelet vous fait bien des complimens; on ne peut avoir plus d'eftime et d'amitié qu'elle en a pour vous. Nous attendons de vous des chofes qui feront l'agrément de notre retraite, et qui nous confoleront, fi cela fe peut, de votre absence. Je vous embraffe avec les transports les plus vifs d'amitié, d'eftime et de reconnaissance. . 1739. LETTRE L X X V. A M. LE COMTE D'ARGENTAL. A Cirey, 5 février. MON refpectable ami, je rougis, mais il faut que je vous importune. Les lettres fe croifent, on prend des partis que l'événement imprévu fait changer; on donne un ordre à Paris, il eft mal exécuté; on ne s'entend point, tout fe confond. Deux jours de ma présence mettraient tout en règle; mais enfin je fuis à Cirey. Te rogamus, audi nos. Premierement, vous faurez que M. Deniau, bâtonnier des avocats, a fait courir des billets dans tous les bancs des avocats, et eft prêt de donner une espèce de certificat par lettres, qu'aucun avocat n'eft affez lâche et affez coquin pour avoir fait un tel libelle. Je vous prie de faire encourager ce M. Deniau. 2o. J'infifte fortement fur le commencement d'un procès criminel, qu'on poursuivra fi on a beau jeu. Qu'on n'intente d'abord que contre les diftributeurs. J'ai des preuves affez fortes pour le commencer. Je ne crains rien d'aucune récrimination. On pourrait fous main réveiller l'affaire des Lettres philofophiques, mais il n'y a nulle preuve; et fi Thiriot, qui connaît un fubftitut du procureur général, veut faire une procédure en l'air par Balot, le décret fera purgé en quinze jours. 3o. Indépendamment de tout cela, j'ai donc envoyé mon Mémoire manuscrit à monsieur le chancelier; je lui lui fais présenter, et le placet figné par cinq gens de lettres, et celui de mon neveu, et la lettre de madame 1739. de Bernières. 4°. Comme il faut fe fervir de tous les moyens qui peuvent s'entr'aider fans pouvoir s'entre-nuire, si monfieur le premier préfident pouvait, fur la requête à lui présentée, et fur le certificat du bâtonnier, faire brûler le libelle, ce ferait une chose bien favorable. 5o. Je ne fais fi je dois faire paraître mon Mémoire ou ifolé ou accompagné de quelques ouvrages fugitifs, mais je crois qu'il faut qu'il paraiffe; car je ne peux fortir de ce principe, que fi l'on doit laiffer tomber les injures, il faut relever les faits. Je voudrais le mettre à la fuite de la préface et du premier chapitre de l'hiftoire de Louis XIV, fi cet ouvrage vous paraît fage. J'y ajouterais les épîtres bien corrigées, une lettre à M. de Maupertuis, une differtation fur les journaux ; je tâcherais que le recueil fe fît lire. 6o. Ce que j'ai infiniment à cœur, c'eft le défaveu le plus authentique et le plus favorable de la part de Saint-Hyacinthe; je crois qu'il ne fera pas difficile à obtenir. 7°. Madame du Châtelet vous prie très-inftamment de parler ferme à Thiriot. Votre douceur et votre bonté le gâtent. Il s'imagine que vous l'approuvez, et il a l'infolence d'écrire qu'il n'a rien fait que de votre aveu. Comptez que c'est une ame de boue, et que vous la tournerez en preffant fort. Madame du Châtelet ne lui pardonnera jamais d'avoir fait courir cette malheureuse lettre oftenfible qu'elle n'avait jamais demandée, lettre ridicule en tout point, dans laquelle il dit qu'il ne fe fouvient pas du temps où l'abbé Desfontaines Correfp. générale. Tome II. M 1739. lui montra le libelle ancien intitulé Apologie. Il devait Je fuis bien affurément de cet avis; nous n'avons de recours qu'en vous, mon cher ami; donnez-nous vos confeils commeàThiriot. J'efpère que votre amitié m'épargnera une féparation qui me coûterait bien des larmes. Rangez Thiriot à fon devoir, aimez-nous toujours, et épargnez-nous le chagrin de nous quitter; votre amitié peut tout. 1739. LETTRE LXX V I. A M. LE COMTE D'ARGENTAL. 6 février. PARDON de tant d'importunités. Je reçois votre lettre, mon respectable ami. Vous me liez les mains. Je fufpends les procédures, je ne veux rien faire fans vos confeils; mais fouffrez au moins que je fois toujours à portée de fuivre ce procès. En quoi peut me nuire une plainte contre les diftributeurs du libelle, par laquelle on pourra, quand on voudra, remonter à la fource? Tout fera fufpendu. Mon généreux ami, il eft certain qu'il me faut une réparation, ou que je meure déshonoré. Il s'agit de faits; il s'agit des plus horribles impostures. Vous ne favez pas à quel point l'abbé Desfontaines eft l'oracle des provinces. On me crie à Paris que mon ennemi eft méprifé, et moi je vois que fes obfervations fe vendent mieux qu'aucun livre. Mon filence le défefpère, dites-vous: ah, que vous êtes loin de le connaître! il prendra mon filence pour un aveu de fa fupériorité, et, encore une fois, je resterai flétri par le plus méprisable des hommes, fans en pouvoir tirer la moindre vengeance, fans me juftifier. Je fuis bien loin de demander le certificat de madame de Bernières, pour en faire usage en justice ; mais je voulais l'avoir par devers moi, comme j'en ai déjà fept ou huit autres, pour avoir en |