Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

cu à vous pour jamais. Il est vrai, il est tendre, vous le connaiffez; adieu.

(*) J'ai dicté tout cela bien à la hâte ; j'ajoute qu'on nous écrit, dans le moment, que votre malheureuse lettre à madame du Châtelet va être publique dans le Pour et Contre. Ah! mon ami, ferait-il vrai? Ce ferait le plus cruel outrage à madame du Châtelet et à toute fa famille. De quoi vous êtes-vous avifé? quelle malheureuse lettre! qui vous la demandait? pourquoi l'écrire? pourquoi la montrer?

S'il en eft temps, volez chez le Pour et Contre, brûlez la feuille, payez les frais; mais je ne crois pas que cela foit vrai. Voilà ce que c'eft que de garder le filence dans de telles occafions. Il fallait écrire toutes les poftes. Je vous embrasse.

LETTRE

LXIX.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL,

20 janvier.

Mon cher ange, vous avez été bien étonné du

ON

dernier paquet de Zulime; mais qui emploie fa journée fait bien des chofes. Je travaille, mais guidezmoi.

Je perfifte dans l'idée de faire un procès criminel à l'abbé Desfontaines. Mon cher ange gardien, vous me connaissez. Les gens à Poëme épique et à Elémens de Newton font des gens opiniâtres. Je demanderai justice

(*) Ces dernières lignes font de la main de M. de Voltaire.

1739.

des calomnies de Desfontaines jusqu'au dernier soupir'; 1739. et ce même caractère d'efprit vous affure, je crois, de ma tendre et éternelle reconnaissance.

[ocr errors]

J'ai envoyé mon dernier Mémoire à M. d'Argenson; mais je ne compte le faire imprimer qu'avec permiffion tacite, dans un recueil de quelques autres pièces. Il me femble qu'il fera alors très-convenable de laiffer dans mon Mémoire justificatif tout ce qui eft littéraire; car fi l'avidité du public malin ne défire actuellement que du personnel, les amateurs un jour préfèreront beaucoup le littéraire. J'ai fait cet ouvrage dans le goût de Peliffon, et peut-être de Cicéron. Je ferais confondu fi ce ftyle était mauvais.

N'ayant rien à craindre d'aucune récrimination, cependant j'infifte qu'on commence le procès par une requête présentée au nom des gens de lettres, qu'enfuite mes parens en préfentent une au nom de ma famille outragée, fauf à moi à m'y joindre s'il eft néceffaire.

J'efpérais que, fans forme de procès et indépendamment du châtiment que le magiftrat de la police peut et doit infliger à l'abbé Desfontaines, je pourrais obtenir un défaveu des calomnies de ce fcélérat, défaveu qui m'eft néceffaire, défaveu qu'on ne peut refufer aux preuves que j'ai rapportées.

Enfin, j'en reviens toujours là; point de preuves contre moi, finon que j'ai écrit la lettre qui eft dans le Préservatif. Or cette lettre, que dit-elle ? que Desfontaines a été tiré de bicêtre par moi, et qu'il m'a payé d'ingratitude. Encore une fois, cette lettre doit être regardée comme ma première requête contre Desfontaines. D'ailleurs rien de prouvé contre moi,

et tout démontré contre lui. Enfin, j'infifte fur le defaveu de fes calomnies, et j'attends tout des bontés 1739. de mon cher ange gardien.

Je ferais bien honteux de tant d'importunités fi, vous n'étiez pas M. d'Argental. Adieu; mon cœur ne peut fuffire à mes fentimens pour vous et à ma tendre reconnaissance.

[blocks in formation]

ENFIN, madame de Champbonin est partie pour

Paris. Elle vous rendra compte de toutes les inquiétudes que votre long filence et votre conduite avaient caufées à Cirey; mais tout eft oublié fi vous favez aimer.

Voici un paquet pour l'abbé d'Olivet. C'est une efpèce d'apologie que j'ai adreffée à M. d'Argenfon. Il y a du littéraire; mais j'ai voulu faire un ouvrage pour la pofterité, non un fimple factum (*). Je ne fais abandonner ni mes amis ni mon honneur. Ainfi jerefte à Cirey, je fais pourfuivre l'abbé Desfontaines, et je ne quitterai jamais cette affaire de vue. Il y aurait trop de lâcheté à fouffrir ce que l'on doit repouffer. J'apprends que ce monftre fe rend fous main dénonciateur contre les Lettres philofophiques. Cela m'eft confié dans le plus grand fecret; mais je n'en fuis point alarmé. Je me flatte que,

(*) Le Mémoire fur la fatire, Mélanges littéraires, tòme I.

ni dans cette occafion ni dans aucune autre, vous 1739. ne direz: Eh mordieu, qu'on me laiffe fouper, digérer et ne rien faire. Je demande à votre amitié de la mémoire et de la vivacité. Soyez la dixième partie auffi vif pour moi que vous l'avez été pour mademoiselle Sallé, qui vous aimait dix fois moins que moi. Soyez très perfuadé que des amis comme madame du Châtelet et moi en valent peut-être d'autres; que tout change dans la vie, mais que vous nous retrouverez toujours.

[ocr errors]

Je puis vous envoyer faire faire auffi, car je vous aime plus que vous ne m'aimez, et j'ai la fièvre auffi ferré que vous. Prenez du quinquina pour vous, et de la fermeté pour moi, et tout ira bien.

GE

LETTRE

A M.

L X X I.

HELVETI U S.

A Cirey, ce 21 janvier.

E que j'apprends eft-il poffible? Belle ame née pour faire plaifir, et qui agiffez comme vous pensez, vous êtes allé, et vous avez encore retourné chez ce Saint-Hyacinthe! Generofe puer, ne profanez pas votre vertu avec ce monstre. C'en est trop, mon cœur est pénétré de vos foins. Si vous faviez ce que c'eft que Saint-Hyacinthe, vous auriez eu horreur de lui parler. Je ne l'ai connu qu'en Angleterre, où je lui ai fait l'aumône; il la recevait de qui voulait; il prenait jufqu'à un écu. Il s'était échappé de la Hollande où il avait volé le libraire Catuffe, fon beau-frère; et il

n'avait auprès de moi d'autre recommandation que de m'avoir déchiré dans plufieurs libelles. Il avait eu 1739. part au Journal littéraire où il m'avait maltraité; mais je l'ignorais, et il fe donnait pour l'auteur de Matanafius; ce qui fefait que je lui pardonnais fes anciens péchés. Se faire honneur du Matanafius, qui était de MM. de Sallengre et s'Gravefende, &c., était la moindre de fes fourberies. Il fe fervit à Londres de l'argent de mes charités, et de celui que je lui avais procuré, pour imprimer un libelle contre la Henriade; enfin, mon laquais le furprit me volant des livres, et le chaffa de chez moi avec quelques bourrades. Je ne l'ai jamais revu, jamais je n'ai proféré fon nom. Je fais feulement qu'il a volé en dernier lieu feu madame de Lambert, et que fes héritiers en favent des nouvelles. Enfin, voilà l'homme qui, dans un libelle impertinent et digne de la plus vile canaille, ose m'infulter avec tant d'horreur. C'eft trop s'abaiffer, mon cher ami, d'exiger une fatisfaction d'un fcélérat qui ne doit me fatisfaire qu'une torche à la main, ou fous le bâton. Evitez ce malheureux qui fouillerait l'air que vous refpirez.

Je vous avoue que m'on cœur eft faifi quand je vois les belles-lettres déshonorées à ce point; mais auffi que vous me confolez! Venez donc à Cirey avant que nous partions pour la Flandre; j'efpère qu'un jour nous nous reverrons tous dans le beau palais digne d'Emilie. Il eft voifin de votre bureau des fermes, mais nos cœurs feront bien plus près de vous. Dites donc quand vous viendrez, aimable enfant ?

« PreviousContinue »