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extrême. Parlez à M. d'Argenfon, dites-lui les chofes 1739. les plus tendres pour moi. Voyez M. d'Argental. Ecrivez au Prince que je fuis malade, et comptez votre ami pour jamais.

MON

LETTRE LIX.

A M. BERGER.

A Cirey, le 9 janvier.

fur

ON cher ami une nièce que j'ai mariée, a paffé fept mois fans m'écrire, et au bout de ce temps elle me demande pardon. Je lui réponds en termes honnêtes, en l'envoyant faire. . . avec fes pardons; car je ne fuis point tyran, et fi je fuis aimé, je crois tous les devoirs remplis. Venons à l'application; il eft vrai que vous ne m'avez point marié; mais il y a long-temps que je ne vous ai écrit. Envoyez-moi faire. . . ., et aimez-moi,

Grand merci de vos anecdotes. Raffemblez tout ce que vous pourrez, et fi vous voulez un jour conduire l'impreffion du beau Siècle de Louis XIV, ce fera pour vous fortune et gloire.

Je remercie l'abbé Desfontaines de s'être fi bien démafqué, et d'avoir auffi démasqué Rousseau; quand je l'aurais payé pour me fervir, il n'aurait pu mieux faire.

Mais il y a un trait qui demande une très-grande attention, et qui me ferait un tort irréparable, fi je laiffais fur cela le moindre doute; car le doute, en ce

cas, eft une honte certaine. Il ofe avancer que mon ami Thiriot me défavoue fur l'article du libelle fait 1739. contre moi, dans le temps de bicêtre. M. Thiriot est, je ne dis pas trop mon ami, je dis trop homme de bien, pour défavouer fes paroles et fa fignature, pour démentir ce qu'il m'a écrit vingt fois, ce que j'ai entre les mains, et que je fuis forcé de produire. La crainte que lui peut infpirer l'abbé Desfontaines ne fera pas affez forte pour qu'il abandonne la vérité et l'amitié, pour qu'il fe déshonore, et pour qui? pour un fcélérat qui a fait à M. Thiriot même les plus fanglans outrages dans fon Dictionnaire néologique.

Je vous prie d'aller voir les jéfuites, le père Brumoi furtout. Il vous recevra bien, et comme vous le méritez; qu'il vous montre Mérope. Affurez-le de mon eftime, et de mon amitié, et de ma reconnaisfance. Dites-lui que je lui écrirai inceffamment. Il aime Rouffeau, mais il aime encore plus la vérité et la paix. Il me paraît un homme d'un grand mérite. Mettez au net en fa présence les procédés de Rousseau et les miens; faites-lui fentir que, depuis cinquante ans, Rouffeau a déchiré maîtres, bienfaiteurs, amis, tous les gens de lettres, et que je fuis le dernier à qui il a fait la guerre. Je fais me venger, mais je fais pardonner. J'ai eu des occafions d'exercer ma jufte vengeance; qu'on m'en donne de montrer que je peux oublier l'injure. Affurez furtout les jefuites d'une vérité qu'ils doivent savoir, c'est qu'il n'eft pas dans ma manière d'être d'oublier mes maîtres et ceux qui m'ont élevé.

Dites, je vous prie, à M. Ortolani, qu'il paffe par Bar-fur-Aube en allant à Turin; nous l'enverrons

chercher. Il faut qu'il ait vu madame la marquife 1739. du Châtelet. Il faut qu'il puiffe dire qu'il a vu à Cirey l'honneur de fon fexe et l'admiration du nôtre. Ecrivez-moi tout ce que vous favez, tout ce que je dois favoir, et comptez fur une difcrétion égale à mon amitié et à ma pareffe.

Adieu.

LETTRE LX.

A M. THIRIOT.

A Cirey, le 9 janvier.

Mon cher ami, depuis ma dernière lettre écrite,

ON

vingt paquets arrivant à Cirey augmentent ma dou leur et celle de madame du Châtelet. Encore une fois, n'écoutez point quiconque vous donnera pour confeil de boire votre vin de Champagne gaiement, et d'oublier tout le refte. Buvez, mais rempliffez les devoirs facrés et intéreffans de l'amitié. Il n'y a pas de milieu, je fuis déshonoré fi l'écrit de Desfontaines fubfifte fans réponse, fi l'infame calomnie n'eft pas confondue. Ouvrez les quarante tomes de Nicéron, la Vie des gens de lettres eft écrite fur de pareils mémoires. Je ferais indigne de la vie préfente, fi je ne fongeais à la vie à venir, c'eft-à-dire au jugement que la postérité fera de moi. Faudra-t-il que la crainte que vous infpire un fcélérat vous force à un filence auffi cruel que fon libelle? et n'aurez-vous pas le courage d'avouer publiquement ce que vous m'avez tant de

fois écrit, tant de fois dit devant tant de témoins? Songez-vous que j'ai quatre lettres de vous dans 1739. lefquelles vous m'avouez que ce miférable Desfontaines avait fait un libelle fanglant, intitulé Apologie du fieur de Voltaire, l'avait imprimé à Rouen, vous l'avait montré à la Rivière-Bourdet? Mon honneur, l'intérêt public, votre honneur enfin vous preffent d'éclater. Que ne ferais-je point en votre place? quel zèle ne m'inspirerait pas l'amitié? quelle gloire j'acquerrais à défendre mon ami calomnié! que je ferais loin d'écouter quiconque me donnerait l'abominable confeil de me taire! Ah, mon ami, mon cher ami de vingt-cinq années, qu'avez-vous fait ? quelle malheureuse lettre dictée par la politique avez-vous écrite à madame du Châtelet, à cette ame magnanime qui n'a pour politique que la vérité, l'amitié et le courage? Réparez tout, il en eft temps encore; écrivez-lui ce que votre cœur et non d'indignes confeils vous auront dicté. Ne facrifiez pas votre ami à un fcélérat que vous abhorrez et qui vous a outragé. Je n'écris point au Prince royal. Je veux favoir auparavant fi vous lui avez envoyé ce malheureux libelle; c'eft un point effentiel. Dites-nous franchement la vérité, et mettez le repos dans un cœur qui s'eft donné à vous.

Les larmes me coulent des yeux en vous écrivant. Au nom de Dieu, courez chez le père Brumoi; voyez quelques-uns de ces pères mes anciens maîtres, qui ne doivent jamais être mes ennemis. Parlez avec tendreffe, avec force. Père Brumoi a lu Mérope, il en eft content; père Tournemine en eft enthousiasmé. Plût à Dieu que je méritaffe leurs éloges ! Affurez-les

de mon attachement inviolable pour eux ; je le leur 1739. dois, ils m'ont élevé : c'eft être un monftre que de ne pas aimer ceux qui ont cultivé notre ame.

Parlez de Rouffeau et de nos procédés, avec la fageffe que vous mettez dans vos discours, et qui fera d'autant plus d'impreffion qu'elle fera appuyée des faits inconteftables. Ecrivez-moi, et comptez que mon cœur est encore plus rempli d'amitié pour vous que de douleur.

par

Voici une lettre pour le protecteur véritable de plusieurs beaux arts, pour M. de Caylus; donnez-lalui; accompagnez-la de ce zèle tendre qui donne l'ame à tout, et qui répand dans les cœurs le plus divin des fentimens, l'envie de rendre fervice. Je vous embrasse.

LETTRE L X I.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

9 janvier.

Mon cher et refpectable ami, je demanderais

ON

pardon à un autre cœur que le vôtre de mes importunités.

Madame du Châtelet reçoit votre lettre du 28; vous n'aviez point reçu la pièce, cependant elle était partie le 23 à minuit. Apparemment que meffieurs des poftes ont voulu fe donner le plaifir de la lecture.

L'effort fingulier et peut-être malheureux que j'ai fait de la compofer en huit jours, n'eft dû qu'aux confeils que vous me donniez de confondre tant de

calomnies

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