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avantages, on parvînt, en multipliant les pompes à feu, à distribuer à Paris, comme à Londres, l'eau de la rivière dans toutes les maisons; qu'au moyen du phloscope on y perfectionnât l'éclairage; que toutes les places publiques y fussent plantées d'arbres, et que les grandes rues en fussent bordées.

Je voudrais qu'on établît des bains publics aux frais de l'état, où le peuple fût admis sans la moindre rétribution.

Je voudrais que les prisonniers condamnés à la simple détention fussent employés, comme à Berne, aux travaux publics, au balayage des rues, au nettoiement des égoûts.

Je voudrais.....

Le philosophe André voulait tant de choses, que je trouverai, dans le seul exposé de ses vœux, la

matière d'un autre discours.

XXXVII. [28 MARS 1816.]

LA PREMIÈRE COMMUNION.

De combien de douceurs n'est pas privé celui qui manque de religion? Quel sentiment peut le consoler dans ses peines? Quel spectateur anime les bonnes actions qu'il fait en secret? Quel prix peut-il attendre de sa vertu? Comment doit-il envisager la mort? J. J. ROUSSEAU, Émile.

Autant je trouve d'inconvenance et d'inconvénients à faire de la religion le sujet d'une discussion publique, autant je trouve d'utilité et même de charmes dans ces entretiens particuliers où deux personnes cherchent mutuellement à s'éclairer, à se persuader, à s'instruire sur un objet d'une si haute importance. « Un peu de philosophie, a dit Bacon dans son chapitre de la Superstition, conduit à l'athéisme; beaucoup de philosophie ramène à la religion. » Les raisons dont il appuie cette vérité ne sauraient être trop souvent reproduites. « L'esprit de l'homme (continue l'illustre chancelier d'Angleterre), en examinant séparément les causes secondes, n'a souvent pas la force d'en sortir; mais

s'il parvient à découvrir le lien qui les unit et les confédère, il s'en sert comme d'un point d'appui pour s'élever jusqu'à la divinité, qui en tient en main la chaîne éternelle. »

La lecture de cet admirable chapitre des Essais, que je faisais, il y a quelques jours, à madame de Lorys, en nous promenant sur la terrasse du château de Senart, me servit de texte pour combattre un reste de préjugé que cette dame conserve contre la philosophie moderne. « En matière de religion, me disait-elle, je crains cet orgueil philosophique qui cherche à se rendre compte de tout; et, n'en déplaise à Bacon, plus on examine, plus on est près d'être incrédule. La religion ne demande que de la foi; la philosophie exige des preuves. Elle fait plus : elle les fournit, et c'est dans l'excellence même de la morale qu'elle puise ses démonstrations. En annonçant que la religion est au-dessus de la raison humaine, la philosophie n'admet point qu'elle y soit contraire; elle ne dit point, comme certains théologiens: Croyez, parceque cela est absurde; mais: Croyez, parceque cela est vrai, bon, utile. -- Fort bien! mais chez vos philosophes, ce mot religion a une acception bien étendue, et l'on serait souvent tenté de croire qu'ils respectent également le Zenda, le Coran, et l'Évangile. — C'est-à-dire qu'ils croient une religion si nécessaire aux hommes, qu'ils pensent, avec raison, qu'il vaut encore mieux qu'ils

en aient une mauvaise que de n'en point avoir; mais tous (je parle des philosophes véritablement dignes de ce nom) s'accordent sur ce point, que la religion chrétienne (à ne la considérer même qu'avec les yeux de la raison) est la plus utile et la meilleure, parcequ'elle donne à la vertu de plus nobles espérances, au vice de plus vives alarmes, au malheur de plus douces consolations; parcequ'elle est la seule au monde qui tende à élever l'homme au-dessus de lui-même, en lui faisant une loi d'aimer ses ennemis, de bénir jusqu'à ses bourreaux; parcequ'elle rétablit la nature humaine dans tous ses droits, parcequ'elle venge l'opprimé et qu'elle maudit l'oppresseur. Après cela, il est également vrai de dire que ces mêmes philosophes, qui pensent que, de tous les abus, les plus cruels sont ceux qui ont une source respectable, se sont de tous temps élevés contre l'intolérance et la superstition. Beaucoup plus que contre l'athéisme! Cependant votre philosophe par excellence, Voltaire, n'hésite pas à dire que la superstition est moins dangereuse que l'athéisme. l'athéisme. Il s'est, je crois, contenté de les mettre sur la même ligne. J'ai bien présente à la mémoire cette pensée, qu'il repète en plusieurs endroits de ses ouvrages: un athée raisonneur, violent et puissant, serait un fléau tout aussi funeste qu'un superstitieux sanguinaire. — J'ai souvent eu occasion de remarquer que ces messieurs,

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qui ont une singulière tendance vers la réforme, appellent superstition les pompes, les cérémonies de l'Église, et qu'ils s'efforcent de séparer le rite de la religion, dont il est le plus ferme appui et le plus sûr garant. Vous me permettrez, sur ce point, d'être de l'avis de l'auteur du livre de la Sagesse, et de rappeler, après Charron, dont vous ne récuserez pas l'autorité, que le culte extérieur est plus souvent le signe de l'ostentation humaine que de la vérité divine, et qu'il faut s'en acquitter sans hypocrisie, sans luxe, sans ambition. J'ajouterai (en m'appuyant d'un texte non moins respectable) « que la religion. doit être la loi secrète de notre conduite, et non, comme nous en avons tant d'exemples, l'enseigne trompeuse d'une vie tout-à-fait étrangère à sa doctrine. »

La pluie vint interrompre notre entretien, au grand regret de madame de Lorys, qui tenait beaucoup, disait-elle, à me ramener à son avis dans cette grave question; elle ajouta qu'elle en avait la certitude, si je consentais à passer à Paris, avec elle, toute la matinée du dimanche suivant. J'acceptai l'invitation. Madamé de Lorys retourna à Paris, et je restai dans ma cellule champêtre. Le samedi matin, je reçus un billet qui me rappelait notre rendez-vous, où je devais me trouver à neuf heures précises. On me prévenait, par post-scriptum, qu'on ne déjeunerait pas avant une heure.

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