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qui sont encore en litige, il rend son arrêt sans emportement, mais aussi sans peur.

Cependant, si l'on voulait remarquer en lui des traces d'hésitation dans le goût comme dans le style, si l'on était d'avis qu'il pense et écrit avec moins de fermeté, de sûreté, avec plus de recherche, d'esprit même que Bossuet, que Racine, que Boileau, que Molière (1), on ferait bien à tout prendre, pour s'expliquer cela, de se rappeler que les Caractères datent de 1688 et qu'en dépit de tout, cela se voit. La Bruyère est bien du grand siècle, mais il est de la fin de ce siècle.

(1) Si l'on veut bien se rendre compte de ceci, que l'on compare. 1° certains passages de l'Oraison funèbre du prince de Condé, de Bossuet, et le portrait d'Émile dans La Bruyère, où celui-ci a manifestement imité l'évêque de Meaux; 2° le Discours prononcé par Racine, à l'Académie française, lors de la réception de Thomas Corneille et le Parallèle de Corneille et de Racine par La Bruyère; 3o Tartuffe et Onuphre; 4° certains chapitres des Pensées de Pascal et la fin des Jugements, le chapitre des Esprits forts, etc.

FÉNELON

(FRANÇOIS DE SALIGNAC DE LA MOTHE)

(1651-1715)

FENELON

I

LA BRUYÈRE COMPARÉ A FÉNELON PAR VAUVENARGUES

Passer de La Bruyère à Fénelon est chose facile. L'un suit l'autre dans l'ordre chronologique et dans l'ordre logique. Ce qui n'était que tendance dans le premier est devenu dans le second impulsion déterminante. La Bruyère finit le xviie siècle, Fénelon commence le XVIII. Mais le XVIIe siècle se prolongeant avec Louis XIV, jusqu'en 1715, Fénelon forme nettement la transition entre ce xvIIe siècle pour lequel La Bruyère avait une si vive admiration, et le xviro, que certaines pages des Caractères, surtout celles qui ne sont pas consacrées à la littérature, font pressentir. Ce n'est pas que La Bruyère et Fénelon se ressemblent. Vauvenargues a cru pouvoir les rapprocher, et, à titre de curiosité, nous rapportons ici ce parallèle; mais Voltaire fit judicieusement remarquer à l'auteur que la chose n'était pas possible. Quand on aura lu le morceau, on reconnaîtra aisément que les agréments de l'esprit et l'ingéniosité ne peuvent en aucune façon remplacer un ferme bon sens. C'est ici l'exercice, le passe-temps d'un lettré, plus soucieux de briller que de faire briller la vérité. Sup

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