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toire; qu'y fait-elle? Elle y mange de bon appétit; point en gourmande, la tête sur son assiette, mais de bonne grâce et proprement; et puisque Dieu a bien voulu qu'on trouvât du plaisir dans le manger, elle le prend sans scru5 pule et avec simplicité. Elle écoute la lecture avec encore plus de plaisir, et c'est sa principale attention; elle fait la récréation d'aussi bon cœur que le reste, y apporte la joie, saute, danse, et joue volontiers à tout ce que les autres désirent; elle pense à les réjouir, car cette personne Io raisonnable fait bien tout ce qu'elle fait, et il ne serait pas raisonnable d'être sérieuse à la récréation, et de n'y vouloir jamais parler que de choses graves ou de dévotion. Elle écoute ensuite la lecture ou l'instruction, tâche de la retenir, et demande ce qu'elle n'entend pas; elle apporte 15 la même application aux exercices de l'après-midi qu'elle a fait à ceux du matin; elle travaille de son mieux, elle ne perd pas un moment de temps, elle chante avec les autres, et est ravie de chanter les louanges de Dieu; elle écoute le catéchisme sans ennui, tâchant de s'en bien instruire. 20 Elle va souper comme elle a dîné, et ensuite à la récréation, où il faut encore bien sauter, se promener, jouer et rire, car cette personne est fort gaie.

Elle fait la prière et l'examen, et s'ira coucher parfaitement contente de sa journée.»>

3. Sur la mauvaise gloire

(Instruction à la classe jaune, 1701)

[Les frivolités et les bizarreries de la classe jaune — 14-16 ans inquiétèrent particulièrement Mme de Maintenon.]

25 Il y a longtemps que je vous parle de cet orgueil mal placé que je tâche de détruire à Saint-Cyr, et cependant

je l'y trouve encore. Je ne saurais comprendre ce qu'a fait une de vous. On l'envoie balayer, et, parce qu'on lui marque ce qu'elle doit faire, elle s'en choque et dit: «Une servante ne doit pas me commander; c'est à nous de faire ce que nous voulons.» Peut-on voir une telle in- 5 solence? Quoi! parce qu'on vous dit: «Vous balayerez là,» ou: «Vous ferez cela,» vous êtes choquée! Mais moi, si on m'envoyait aider une servante, la première chose que je ferais serait de demander ce qu'elle veut que je fasse, car certainement je ne saurais par où commencer. 10 Il faut qu'il y ait bien du travers dans votre tête. Et où en serions-nous, si c'était un affront de s'instruire de gens au-dessous de soi? On le fait tous les jours, et personne ne s'avise de s'en croire déshonoré.

On dit à une autre de porter du bois et de balayer; elle 15 répond qu'elle n'est pas une servante. Non certainement, vous ne l'êtes pas; mais je souhaite qu'au sortir d'ici vous trouviez une chambre à balayer; vous serez trop heureuse, et vous saurez alors que d'autres que des servantes balayent. Je me souviens qu'allant un jour chez Mme de 20 Montchevreuil qui attendait compagnie, elle avait bien envie que sa chambre fût propre, et ne pouvait pas la nettoyer elle-même parce qu'elle était malade, ni la faire faire par ses gens, qu'elle n'avait pas alors; je me mis à frotter de toutes mes forces pour la rendre nette, et je ne 25 trouvais point cela au-dessous de moi. J'aurais beau frotter votre plancher, aller quérir du bois ou laver la vaisselle, je ne me croirais point rabaissée pour cela. Que tout le monde vienne à Saint-Cyr, et qu'on vous trouve toutes le balai à la main, on ne le trouvera pas étrange et 30 cela ne vous déshonorera pas. Nous sommes toutes nées demoiselles mais pauvres demoiselles, et comme dit

Jeannette, j'aurais beau m'élever au-dessus du rang où Dieu m'a fait naître, je ne serai jamais qu'une simple demoiselle. On ne peut se donner la naissance ni se l'ôter; ainsi toutes ces choses ne sauraient vous faire mépriser. 5 Il n'y a que les gueux revêtus qui ont cette sotte gloire et qui croiraient se rabaisser en les faisant ..

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