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raient s'entêter. Elles ne doivent ni gouverner l'État, ni faire la guerre, ni entrer dans le ministère des choses sacrées; ainsi elles peuvent se passer de certaines connaissances étendues qui appartiennent à la politique, à l'art 5 militaire, à la jurisprudence, à la philosophie et à la théologie. La plupart même des arts mécaniques ne leur conviennent pas; elles sont faites pour des exercices modérés. Leur corps, aussi bien que leur esprit, est moins fort et moins robuste que celui des hommes. En revanche, la na10 ture leur a donné en partage l'industrie, la propreté et l'économie, pour les occuper tranquillement dans leur maison.

Mais que s'ensuit-il de la faiblesse naturelle des femmes? Plus elles sont faibles, plus il est important de les fortifier. N'ont-elles pas des devoirs à remplir, mais des devoirs 15 qui sont les fondements de toute la vie humaine? Ne sont-ce pas les femmes qui ruinent et qui soutiennent les maisons, qui règlent tout le détail des choses domestiques, et qui, par conséquent, décident de ce qui touche de plus près à tout le genre humain? Par là, elles ont la princi20 pale part aux bonnes ou aux mauvaises mœurs de

presque tout le monde. Une femme judicieuse, appliquée et pleine de religion, est l'âme de toute une grande maison; elle y met de l'ordre pour les biens temporels et pour le salut. Les hommes mêmes, qui ont toute l'autorité en public, ne 25 peuvent par leurs délibérations établir aucun bien effectif, si les femmes ne leur aident à l'exécuter.

2. COMMENT IL FAUT FAIRE ENTRER DANS L'ESPRIT DES ENFANTS LES PREMIERS PRINCIPES DE LA RELIGION

(extrait du chapitre VII)

Nous avons remarqué que le premier âge des enfants n'est pas propre à raisonner; non qu'ils n'aient déjà toutes

les idées et tous les principes généraux de raison qu'ils auront dans la suite, mais parce que, faute de connaître beaucoup de faits, ils ne peuvent appliquer leur raison, et que d'ailleurs l'agitation de leur cerveau les empêche de suivre leurs pensées et de les lier.

Il faut pourtant, sans les presser, tourner doucement le premier usage de leur raison à connaître Dieu. Persuadez-les des vérités chrétiennes, sans leur donner des sujets de doute. Ils voient mourir quelqu'un; ils savent qu'on l'enterre; dites-leur: «Ce mort est-il dans le tombeau? Oui. Il n'est donc pas en paradis? - Pardonnez-moi; il y est. Comment est-il dans le tombeau et dans le paradis en même temps? C'est son âme qui est en paradis, c'est son corps qui est mis dans la terre.

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Son âme n'est donc pas son corps? — Non. — L'âme 15 n'est donc pas morte? - Non; elle vivra toujours dans le ciel.» Ajoutez: «Et vous, voulez-vous être sauvée?

Oui. Mais qu'est-ce que se sauver? C'est que l'âme va en paradis quand on est mort. - Et la mort, qu'est-ce? C'est que l'âme quitte le corps, et que le corps s'en va 20 en poussière.>>

Je ne prétends pas qu'on mène d'abord les enfants à répondre ainsi; je puis dire néanmoins que plusieurs m'ont fait ces réponses dès l'âge de quatre ans. Mais je suppose un esprit.moins ouvert et plus reculé; le pis aller, 25 c'est de l'attendre quelques années de plus sans impatience.

Il faut montrer aux enfants une maison, et les accoutumer à comprendre que cette maison ne s'est pas bâtie d'elle-même. «Les pierres, leur direz-vous, ne se sont pas élevées sans que personne les portât.» Il est bon même 30 de leur montrer des maçons qui bâtissent; puis faitesleur regarder le ciel, la terre, et les principales choses que

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Dieu y a faites pour l'usage de l'homme; dites-leur: «Voyez combien le monde est plus beau et mieux fait qu'une maison. S'est-il fait de lui-même? Non, sans doute; c'est Dieu qui l'a bâti de ses propres mains.»

D'abord, suivez la méthode de l'Écriture: frappez vivement leur imagination; ne leur proposez rien qui ne soit revêtu d'images sensibles. Représentez Dieu assis sur un trône, avec des yeux plus brillants que les rayons du soleil et plus perçants que les éclairs: faites-le parler; donnez10 lui des oreilles qui écoutent tout; des mains qui portent l'univers, des bras toujours levés pour punir les méchants, un cœur tendre et paternel pour rendre heureux ceux qui l'aiment. Viendra le temps que vous rendrez toutes ces connaissances plus exactes. Observez toutes les ouver15 tures que l'esprit de l'enfant vous donnera; tâtez-le par divers endroits, pour découvrir par où les grandes vérités peuvent mieux entrer dans sa tête. Surtout ne lui dites rien de nouveau sans le lui familiariser par quelque comparaison sensible.

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Par exemple, demandez-lui s'il aimerait mieux mourir que de renoncer à Jésus-Christ; il vous répondra: «Oui.» Ajoutez: «Mais quoi! donneriez-vous votre tête à couper pour aller en paradis? - Oui.» - Jusque-là, l'enfant croit qu'il aurait assez de courage pour le faire. Mais vous, qui 25 voulez lui faire sentir qu'on ne peut rien sans la grâce, vous ne gagnerez rien si vous lui dites simplement qu'on a besoin de grâce pour être fidèle: il n'entend point tous ces mots-là, si vous l'accoutumez à les dire sans les entendre, vous n'en êtes pas plus avancé. Que ferez-vous donc? 30 Racontez-lui l'histoire de Saint-Pierre; représentez-le qui dit d'un ton présomptueux: «S'il faut mourir, je vous suivrai: quand tous les autres vous quitteraient, je ne vous

abandonnerai jamais.» Puis dépeignez sa chute; il renie trois fois Jésus-Christ; une servante lui fait peur. Dites pourquoi Dieu permit qu'il fût si faible: puis servez-vous de la comparaison d'un enfant ou d'un malade qui ne saurait marcher tout seul, et faites-lui entendre que nous avons 5 besoin que Dieu nous porte, comme une nourrice porte son enfant: par là vous rendrez sensible le mystère de la grâce.

Mais la vérité la plus difficile à faire entendre est que nous avons une âme plus précieuse que notre corps. On accoutume d'abord les enfants à parler de leur âme; et 10 on fait bien, car ce langage qu'ils n'entendent point ne laisse pas de les accoutumer à supposer confusément la distinction du corps et de l'âme, en attendant qu'ils puissent la concevoir. Autant les préjugés de l'enfance sont pernicieux quand ils mènent à l'erreur, autant sont-ils 15 utiles lorsqu'ils accoutument l'imagination à la vérité, en attendant que la raison puisse s'y tourner par principes. Mais enfin il faut établir une vraie persuasion. Comment le faire? Sera-ce en jetant une jeune fille dans des subtilités de philosophie? Rien n'est si mauvais, il 20 faut se borner à lui rendre clair et sensible, s'il se peut, ce qu'elle entend et ce qu'elle dit tous les jours.

Pour son corps, elle ne le connaît que trop; tout la porte à le flatter, à, l'orner et à s'en faire une idole; il est capital de lui en inspirer le mépris, en lui montrant quel- 25 que chose de meilleur en elle.

Dites donc à un enfant en qui la raison agit déjà: «Est-ce votre â'ne qui mange?» S'il répond mal, ne le grondez point;, mais dites-lui doucement que l'âme ne mange pas. C'est le corps, direz-vous, qui mange; 30 c'est le corps qui est semblable aux bêtes. Les bêtes ontelles de l'esprit? Sont-elles savantes? - Non, répondra

l'enfant. Mais elles mangent, continuerez-vous, quoiqu'elles n'aient point d'esprit. Vous voyez donc bien que ce n'est pas l'esprit qui mange, c'est le corps qui prend les viandes pour se nourrir; c'est lui qui marche, 5 c'est lui qui dort. - Et l'âme, que fait-elle? - Elle raisonne; elle connaît tout le monde; elle aime certaines choses; il y en a d'autres qu'elle regarde avec aversion.»> Ajoutez, comme en vous jouant: «Voyez-vous cette table? Oui. - Vous la connaissez donc? - Oui. - Vous voyez 10 bien qu'elle n'est pas faite comme cette chaise; vous savez bien qu'elle est de bois, et qu'elle n'est pas comme la cheminée, qui est de pierre? - Oui.» - répondra enfant. N'allez pas plus loin sans avoir reconnu, dans

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le to 10 sa voix et dans ses yeux, que ces vérités si simples

15 l'ont frapp

Puis dites-lui: «Mais, cette table vous

connaît-elle?»> V's verrez que l'enfant se mettra à rire, pour se moquer de ce te question. N'importe, ajoutez: «Qui vous aime mieux de cette table ou de cette chaise?»> Il rira encore. Continuez: Et la fenêtre, est-elle bien 20 sage?» Puis essayez d'aller plus loin. «Et cette poupée, vous répond-elle quand vous lui parlez? - Non. - Pourquoi? Est-ce qu'elle n'a point d'esprit? — Non, elle n'en a pas. Elle n'est donc pas comme vous; car vous la connaissez, et elle ne vous connaît point. Mais après 25 votre mort, quand vous serez sous terre, ne serez-vous pas comme cette poupée? - Oui. Vous ne sentirez plus rien? - Non. - Vous ne connaîtrez plus personne? Non. - Et votre âme sera dans le ciel? Oui. N'y verra-t-elle pas Dieu? - Il est vrai. Et l'âme de 30 la poupée, où est-elle à présent?» Vous verrez que l'enfant souriant vous répondra, ou du moins; vous fera entendre que la poupée n'a point d'âme...

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