5 ΙΟ 15 20 25 30 On abattit un pin pour son antiquité, Vieux palais d'un hibou, triste et sombre retraite Force souris sans pieds, toutes rondes de graisse. Tout ce qu'il prit ensuite; et leurs jambes coupées Aujourd'hui l'une et demain l'autre. Vivres et grains pour subsister. A traiter ce hibou de montre et de machine! Le conseil de tronquer un peuple mis en mue? La raison m'est chose inconnue. Voyez que d'arguments il fit: Quand ce peuple est pris, il s'enfuit; Donc il faut le croquer aussitôt qu'on le happe. Mais comment? Ôtons-lui les pieds. Or trouvez-moi 25. Le renard et les poulets d'Inde XII. 18 Contre les assauts d'un renard Un arbre à des dindons servait de citadelle. S'écria: Quoi! ces gens se moqueront de moi! Tant de différents personnages. Et cent mille autres badinages, Pendant quoi nul dindon n'eût osé sommeiller. 1 Ceci n'est point une fable; et la chose, quoique merveilleuse et presque incroyable, est véritablement arrivée. J'ai peut-être porté trop loin la prévoyance de ce hibou, car je ne prétends pas établir dans les bêtes un progrès de raisonnement tel que celui-ci: mais ces exagérations sont permises à la poésie, surtout, dans la manière me sers. (Note de la Fontaine.) d'écrire dont je 2 Personnage de la comédie italienne, fertile en ruses. 5 IO 15 20 5 L'enenmi les lassait en leur tenant la vue Sur même objet toujours tendue. Les pauvres gens étant à la longue éblouis, Le trop d'attention qu'on a pour le danger CHAPITRE SIX DESCARTES 1596-1650 1. Discours de la méthode (pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences, 1637) Si ce discours semble trop long pour être lu en une fois, on le pourra distinguer en six parties; et en la première on trouvera diverses considérations touchant les sciences; en la seconde, les principales règles de la méthode que l'auteur a cherchée; en la troisième, quelques-unes de celles de la morale qu'il a tirée de cette méthode; en la quatrième, les raisons par lesquelles il prouve l'existence de Dieu et de l'âme humaine, qui sont les fondements de sa métaphysique; en la cinquième, l'ordre des questions de physique qu'il a cherchées, et particulièrement l'explication du mouvement du cœur et de quelques autres difficultés qui appartiennent à la médecine, puis aussi la différence qui est entre notre âme et celle des bêtes; et en la dernière, quelles choses il croit être requises pour aller plus avant en la recherche de la nature qu'il n'a été, et quelles raisons l'ont fait écrire. PREMIÈRE PARTIE Diverses considérations touchant les sciences Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils n'en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent; mais 5 plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes, et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos 5 pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus; et ceux qui ne marchent que fort 10 lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent. Pour moi, je n'ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun; même j'ai souvent 15 souhaité d'avoir la pensée aussi prompte, ou l'imagination aussi nette et distincte, ou la mémoire aussi ample ou aussi présente que quelques autres. Et je ne sache point de qualités que celles-ci qui servent à la perfection de l'esprit, car pour la raison, ou le sens, d'autant qu'elle est la seule 20 chose qui nous rend hommes et nous distingue des bêtes, je veux croire qu'elle est tout entière en un chacun, et suivre en ceci l'opinion commune des philosophes, qui disent qu'il n'y a du plus ou du moins qu'entre les accidents, et non point entre les formes ou natures des indi25 vidus d'une même espèce. ... Ainsi mon dessein n'est pas d'enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien conduire sa raison, mais seulement de faire voir en quelle sorte j'ai tâché de conduire la mienne. Ceux qui se mêlent de 1 Termes soulignés, en usage dans la philosophie scolastique que Descartes réussit à discréditer: formes d'une espèce=caractères essentiels; accidents d'une espèce=caractères non-essentiels. |