Dans quelque rang qu'il soit des mortels regardé, Je le tiendrois fort misérable S'il ne quittoit jamais sa mine redoutable, Et pour entrer dans tout ce qui lui plaît Il sort tout-à-fait de lui-même, Et ce n'est plus alors Jupiter qui paroît. LA NUIT. Passe encor de le voir de ce sublime étage Prendre tous le's transports que leur cœur peut fournir, Si, dans les changements où son humeur l'engage, Mais de voir Jupiter taureau, Serpent, cygne, ou quelque autre chose, Je ne trouve point cela beau, Et ne m'étonne pas si parfois on en cause. MERCURE. Laissons dire tous les censeurs : Tels changements ont leurs douceurs Qui passent leur intelligence. Ce dieu sait ce qu'il fait aussi-bien là qu'ailleurs; LA NUIT. Revenons à l'objet dont il a les faveurs. Si par son stratagème il voit sa flamme heureuse, Que peut-il souhaiter, et qu'est-ce que je puis? MERCURE. Que vos chevaux par vous au petit pas réduits, Pour satisfaire aux vœux de son âme amoureuse, D'une nuit si délicieuse Fassent la plus longue des nuits; Qu'à ses transports vous donniez plus d'espace, De celui dont il tient la place. LA NUIT. Voilà sans doute un bel emploi MERCURE. Pour une jeune déesse, Vous êtes bien du bon temps! Que chez les petites gens. Lorsque dans un haut rang on a l'heur de paroître, Tout ce qu'on fait est toujours bel et bon; Et suivant ce qu'on peut être Les choses changent de nom. Vous avez dans le monde un bruit! De n'être pas si renchérie. On vous fait confidente, en cent climats divers, LA NUIT. Laissons ces contrariétés, Et demeurons ce que nous sommes. MERCURE. Adieu. Je vais là-bas, dans ma commission, Du valet d'Amphitryon. LA NUIT. Moi, dans cet hémisphère, avec ma suite obscure, Je vais faire une station. MERCURE. Bonjour, la Nuit. LA NUIT. Adieu, Mercure. (Mercure descend de son nuage, et la Nuit traverse le théâtre.) Vous avez un bruit, vous avez la réputation. ACTE PREMIER. SCÈNE I. SOSIE. Qui va là? Hé! ma peur à chaque pas s'accroît! UI Messieurs, ami de tout le monde. Ah! quelle audace sans seconde Que mon maître, couvert de gloire, Me joue ici d'un vilain tour! Quoi! si pour son prochain il avoit quelque amour, Ne pouvoit-il pas bien attendre qu'il fût jour? Tes jours sont-ils assujettis! Notre sort est beaucoup plus rude Chez les grands que chez les petits. Ils veulent que pour eux tout soit, dans la nature, Obligé de s'immoler. Jour et nuit, grêle, vent, péril, chaleur, froidure, Dès qu'ils parlent, il faut voler. Le moindre petit caprice Nous attire leur courroux. Cependant notre âme insensée S'acharne au vain honneur de demeurer près d'eux, Qu'ont tous les autres gens que nous sommes heureux. Un ascendant trop puissant, Et la moindre faveur d'un coup d'œil caressant Mais enfin, dans l'obscurité, Je vois notre maison, et ma frayeur s'évade. Quelque discours prémédité. Je dois aux yeux d'Alcmène un portrait militaire Si je ne m'y trouvai pas? N'importe, parlons-en et d'estoc et de taille, Combien de gens font-ils des récits de bataille Dont ils se sont tenus loin! Pour jouer mon rôle sans peine, |